La liberté de la presse en Roumanie…
La liberté de la presse est un droit que la société roumaine a gagné suite à la révolution de 1989. Plus de 25 ans après lévénement qui a mis fin au régime communiste, les principaux problèmes liés à la liberté de la presse en Roumanie sont sa politisation excessive, des mécanismes de financement corrompus, lasservissement de lagenda éditorial aux intérêts du patronat, linfiltration des rédactions par des agents des services de renseignements.
Monica Chiorpec, 12.08.2015, 13:00
La liberté de la presse est un droit que la société roumaine a gagné suite à la révolution de 1989. Plus de 25 ans après lévénement qui a mis fin au régime communiste, les principaux problèmes liés à la liberté de la presse en Roumanie sont sa politisation excessive, des mécanismes de financement corrompus, lasservissement de lagenda éditorial aux intérêts du patronat, linfiltration des rédactions par des agents des services de renseignements.
LONG ActiveWatch a récemment lancé son dernier rapport sur la liberté de la presse en Roumanie pour 2014-2015. La transformation de la presse en un instrument de propagande politique a été plus visible que jamais, notamment dans les années électorales.
Răzvan Martin, un des auteurs du rapport, fait état de la situation enregistrée lannée dernière, selon lanalyse dActiveWatch : « En 2014, comme cétait une année électorale, les esprits étaient en grande ébullition. Cela a fait ressortir beaucoup de pus médiatique. La bataille politique a été menée, comme à chaque fois, aussi dans lespace des médias. De nouveau, les politiciens ont investi des sommes conséquentes dans la presse, espérant que la propagande médiatique favorable et les attaques à ladresse des adversaires politiques leur garantiraient le succès électoral, comme cela était déjà arrivé en 2004 et 2009. Ceux qui ont investi le plus dans la presse ont de nouveau perdu. Le candidat « outsider » a réussi à gagner en dépit dune presse généralement hostile. Cela fait des années que lon parle, à voix basse, de la corruption dans la presse. Il est très rare davoir, dans lespace public, des preuves sur les mécanismes de corruption. Ces derniers mois, les affaires examinées par le Parquet national anticorruption ont révélé les mécanismes par lesquels tant la presse locale quune partie de la presse nationale sont financées par les « barons locaux », par les politiciens ou les hommes daffaires, à travers des mécanismes illicites, et bien des fois avec de largent public. »
Les pressions sur les journalistes, les institutions de presse ou les citoyens qui exercent leur droit à la libre expression, pressions venant de la part de certaines institutions étatiques, constituent aussi un problème important qui ressort des conclusions du rapport sur la liberté de la presse. De nombreuses attaques personnelles parues dans les médias roumains, surtout dans le monde de la télévision, se produisent même entre les journalistes des différents groupes de presse, suivant les visions politiques ou les intérêts économiques des chaînes respectives.
Răzvan Martin explique : « Jai dit que lagenda public, dans le contexte de cette année électorale, mais aussi ces dernières années, est dominé par des voix partisanes qui se font la guerre dans une confrontation bruyante. Beaucoup dattaques à la personne se sont transformées de critiques de certains journalistes à ladresse de dignitaires ou politiciens en attaques à ladresse dautres journalistes. Nous avons donc affaire à une bataille politique transformée ici en bataille médiatique. Ce sont des offenses et des insultes sans précédent entre personnes travaillant dans la presse. Je préfère utiliser ce syntagme car je ne sais même pas si on peut les appeler journalistes. Même la justice se confronte à une avalanche de cas de journalistes qui traduisent en justice des confrères sous laccusation dattaques personnelles, insultes et calomnies. On fait souvent recours à la justice tout simplement pour intimider dautres journalistes. Ce sont notamment les grands groupes de presse qui, en profitant de leur force financière, se permettent souvent de menacer dun procès des journalistes indépendants pour la simple raison de sêtre vu critiquer par ceux-ci. Nous avons aussi des cas où la presse est utilisée pour mettre de la pression sur la justice. »
Linfiltration dagents secrets sous couverture dans les rédactions de presse est une pratique reconfirmée en 2014, après des cas similaires découverts en 2012. Une coutume qui figure aussi à lagenda public 2015. En juin et juillet derniers, malgré les protestations de la société civile, le gouvernement et le Parlement roumain ont eu une première tentative de limiter le droit à lanonymat dans les communications électroniques des usagers de téléphonie mobile et dInternet.
Une situation très grave, selon Razvan Martin: « Sur lensemble des pressions exercées par lEtat sur la presse, la plus grave serait, selon nous, la réitération de lexistence dagents secrets sous couverture dans les rédactions de presse. Nous avons eu en 2012 un cas confirmé et assumé par le Service roumain de Renseignements. Il sagit dun homme de presse, un ancien journaliste, si vous préférez, qui a avoué avoir été agent sous couverture. Il a suffit de cette déclaration pour que dautres journalistes parlent des tentatives des Services secrets roumains de les racoler. Cette situation est extrêmement grave, car elle porte sérieusement atteinte à la liberté de la presse. Pensez un peu à tous ces agents qui mettent en danger les rapports entre le journaliste et ses sources. En plus, une fois infiltrés dans les rédactions, les agents écoutent toutes les discussions qui sy portent, sont au courant des sujets débattus qui ne sont plus secrets, mais deviennent la propriété des structures de renseignements. Tout aussi grave savère linfluence exercée par ces agents sur lagenda public afin de privilégier certains sujets. La Roumanie a eu en 2014 deux initiatives législatives de type « Big brother » qui portaient sévèrement atteinte aux droits et aux libertés fondamentales et qui ont bénéficié dun fort soutien médiatique de la part de la soi-disant presse traditionnelle. Les principales critiques à ladresse de ce paquet de loi ont porté la signature des ONG de défense des droits de lhomme. »
La Roumanie sest située en 2014 sur la 52ème position dans le classement international annuel sur la liberté de la presse réalisé par lorganisation Reporters sans Frontières. Elle a donc perdu 7 places en douze mois seulement. (Trad. Ligia Mihaiescu)