2014, l’année des initiatives citoyennes
2014, l’année des élections européennes et du scrutin présidentiel, marque en Roumanie l’anniversaire des 25 ans écoulés depuis la chute du communisme. Un quart de siècle après la mobilisation populaire de décembre 1989, l’esprit citoyen s’est à nouveau manifesté en Roumanie. En 2014 plusieurs initiatives civiques se sont fait remarquer. Démarrées depuis pas mal de temps, ces initiatives étaient nées autour d’idées censées améliorer la vie dans plusieurs quartiers bucarestois et d’autres villes roumaines.
Christine Leșcu, 31.12.2014, 14:20
Timides au début, ces groupes ont pris du courage et ont fait entendre leur voix. Le groupe « l’initiative Favorit » du quartier Drumul Taberei de Bucarest par exemple a déroulé un projet de revitalisation d’une ancienne salle de cinéma, en partenariat avec la mairie du 6e arrondissement de la Capitale. Dans un autre quartier bucarestois, « Les amis du parc IOR » ont déjà obtenu l’appui d’une partie du conseil local pour lutter contre un projet de la mairie qui prévoyait la construction d’une salle polyvalente dans le parc du quartier.
De tels exemples, on peut en retrouver aussi dans d’autres villes roumaines. Nombre de ces groupes d’initiative civique sont apparus grâce aux efforts du Centre de ressources pour la participation publique (CERE), une ONG qui s’est proposé d’apprendre aux gens leurs droits citoyens et les moyens de les défendre. Nicoleta Chirita, coordinatrice de projets au centre CERE : « J’ai commencé ce programme en 2009 lorsque de tels groupes d’initiative civique n’existaient pas dans la capitale. Au début de mon travail au centre CERE, mon objectif était d’éveiller l’esprit civique des citoyens et de leur montrer combien important c’était de lutter pour leurs droits, que ce soit un petit parc en face de son domicile ou bien des questions plus sérieuses. Moi, j’ai commencé dans Lacul Tei, une zone où nombre d’habitants voulaient faire des choses, mais n’étaient pas organisés et ne travaillaient pas en équipe. Nous les avons rassemblés autour de la même table, nous leur avons montré les problèmes auxquels ils se confrontaient et nous les avons guidés dans leurs démarche. »
La mobilisation des gens autour d’un projet public n’a jamais été facile, elle ne l’est toujours pas d’ailleurs, avoue Nicoleta Chirita : « C’est difficile parce que nous nous heurtons souvent au scepticisme, au manque de confiance. Les gens ne font confiance ni à eux mêmes, ni à l’initiative participative, puisque leur voix compte aussi entre les différentes élections. Au moment du vote, les gens pensent qu’ils peuvent réaliser un changement réel, mais pas du tout entre les périodes électorales. Ce fut mon plus grand défi : les convaincre que les autorités locales étaient les élus des citoyens et qu’ils devaient pendre en compte ce que les électeurs disent. Peu à peu, les gens ont commencé à découvrir le pouvoir dont ils disposent s’ils choisissent de s’unir. »
Vu justement que cette année, les initiatives civiques ont été plus actives et plus visibles que jamais, CERE a organisé une Foire des initiatives citoyennes. 200 participants, représentant 14 groupes informels et ONGs y ont participé pour se faire connaître et partager leur expérience. Les ateliers organisés à cette occasion ont appris aux citoyens comment lutter en justice contre la construction illégale d’immeubles.
Les initiateurs d’un des plus vieux projets d’implication civique de Bucarest, « Street Delivery » ont également figuré parmi les participants à la Foire des initiatives citoyennes. Démarré en 2006, le projet prévoit de fermer au trafic routier une rue du Vieux Bucarest : la rue Pictor Arthur Verona, transormée, l’espace d’un week–end estival, en un lieu inédit, alternatif. Les initiateurs de ce projet se trouvent eux mêmes dans cette même rue, la librairie « Carturesti » et l’ordre des architectes de Roumanie. L’architecte Serban Strudza explique comment a commencé cette initiative: « Ce projet inédit est né il y a 9 ans à partir de l’initiative des gens du quartier. Ils ont remarqué la disparition des relations qui existaient entre les piétons à l’époque où les voitures étaient visiblement moins nombreuses, des relations désormais disparues…De nos jours, le piéton a du mal à traverser la ville de l’est à l’ouest. C’est pourquoi nous avons pensé à imaginer un itinéraire piéton reliant les parcs Gradina Icoanei et Cismigiu, deux endroits chers aux Bucarestois. Cet itinéraire qui longe des bâtiments importants tels l’Athénée roumain et le Musée national d’art pourrait mettre en valeur d’autres monuments de la capitale roumaine. »
C’est pourquoi trois jours durant, en plein été, les voitures ne roulent plus dans la rue Arthur Verona, qui est occupée par une sorte de foire ou de marché où les Bucarestois se rencontrent et se redécouvrent. «Street Delivery » est également un projet culturel. Serban Sturdza : Les gens sont invités à développer et à proposer différents projets. Cette année, les enfants ont également été impliqués dans des projets urbains. L’éducation, la semaine de l’enseignement alternatif connue comme la semaine de « l’école autrement » est aussi présente. Cette année, de jeunes architectes passionnés de leur profession ont rencontré des enfants pour réaliser ensemble des maquettes et des jeux. C’était un des points forts de l’édition de cette année. »
Conçu à Bucarest, « Street Delivery » a déjà été exporté à Iasi et à Timisoara. Il est porté par des gens qui selon Nicoleta Chirita de l’ONG CERE, « consacrent une partie du temps réservé à la famille et au loisirs à des projets censés impliquer les gens dans la vie de leur communauté. » (trad. Alex Diaconescu)