Les soins palliatifs
Christine Leșcu, 22.10.2014, 14:20
Quels sont les états d’âme qu’éprouve une personne atteinte d’une maladie incurable, parfois dans son jeune âge? Et ceux de la famille ? Quel type de traitement faudrait-il appliquer pour aider ces gens à faire face à la maladie? L’Association Hospice Casa Speranţei offre des solutions à ce problème. Créée en 1992, à Braşov, par le Britannique Graham Perolls, la fondation faisait, à l’époque, œuvre de pionnière pour ce qui est des soins palliatifs en Roumanie. Voici ce que Graham Perolls allait découvrir au début des années 1990. « Il était bien clair que la plupart des patients souffrant de maladies incurables était renvoyés à leur domicile après avoir été hospitalisés. A partir de ce moment-là, les familles devaient les prendre en charge et se débrouiller tant bien que mal, en l’absence d’un traitement médical adéquat et d’un support affectif, psychologique ou religieux. C’était donc une expérience traumatisante. En ce qui nous concerne, nous offrons une thérapie holistique, qui suppose l’administration de médicaments et la maîtrise de la douleur. Il s’agit d’un domaine très spécialisé de la médecine, qui englobe le traitement des autres symptômes associés au cancer, tels que la perte de l’appétit ou les difficultés respiratoires. En fait, nous visons à améliorer la qualité de vie des patients. Notre démarche n’a rien à voir avec la mort, au contraire, elle a trait à la vie. Nous aidons ces gens à vivre aussi bien que possible les jours qui leur restent. Nous apportons aussi de l’aide aux proches de ces malades, car eux aussi ils souffrent souvent. »
Au bout de dix ans d’activité, consistant à prodiguer des soins palliatifs à domicile aux patients de Braşov, Hospice Casa Speranţei a ouvert, dans cette même ville, son premier centre dédié à ce type de traitement. En 2006, l’association allait créer sa première filiale dans la capitale, Bucarest. Huit ans plus tard, elle y a inauguré un centre de soins palliatifs. Si au début des années 1990, Hospice Casa Speranţei était la première association à délivrer de tels soins, plusieurs autres associations non-gouvernementales sont actuellement actives dans ce domaine.
C’est vrai qu’elles ne sont pas nombreuses et qu’elles peinent à couvrir les besoins. Graham Perolls. « A présent, seulement 6% des malades de Roumanie qui nécessitent des traitements palliatifs en bénéficient aussi. Il y a donc beaucoup de travail à faire, mais nos deux centres de traitement remplissent également la fonction de centres de formation. Nous dispensons des cours à l’intention des médecins, des infirmières, des pharmaciens et des physiothérapeutes. »
En 2008 a démarré la collecte de fonds pour la construction du centre de traitement de Bucarest, qui a pu être inauguré en 2014. Le médecin Ruxandra Ciocârlan, directrice des Services aux patients à Hospice Casa Speranţei de Bucarest nous parle des efforts déployés par le personnel de l’établissement et des services que celui-ci offre gratuitement aux malades. « Fonctionnant à capacité maximale, ce centre de services intégrés pourra offrir des soins à 2 mille patients par an. Nous assurons, en outre, des services à domicile aux adultes et aux enfants et un accompagnement aux malades hospitalisés. Nous offrons également des thérapies spécialisées aux malades du cancer et la possibilité d’être hospitalisés. Nous disposons de 23 lits — 15 pour adultes et 8 pour enfants. »
A part le dialogue avec les patients et leurs familles, qui est essentiel dans les soins palliatifs, Ruxandra Ciocârlan a également identifié d’autres besoins urgents des malades. « Il y a tout d’abord des besoins d’accompagnement, car souvent, les services du système public de santé ne sont pas bien intégrés et connectés, de sorte que les patients ne savent pas toujours à qui ils doivent s’adresser et ce qu’ils doivent faire. L’autre besoin urgent est d’être compris en tant que personnes et non pas en tant que patients atteints de tel ou tel cancer. Ils n’acceptent pas d’être traités comme s’ils étaient « le cancer du sein » ou « le cancer du foie ». Ils sont Ion, Gheorghe ou Maria, des personnes qui souffrent et dont les familles sont, elles aussi, affectées par ce mal. Les patients se posent également des questions existentielles, essentielles : « Pourquoi ça m’arrive ? » et ils veulent être traités et écoutés en tant qu’êtres humains. »
C’est de ce genre de respect accordé aux patients et à leurs familles qu’a bénéficié Cristina Stănică, aussi bien pour elle-même que pour son enfant, victime d’un cancer du cerveau à l’âge de 8 ans. Un respect qu’elle n’a pas retrouvé, hélas, dans le système public de santé, trop sollicité et miné par toute sorte de problèmes. Cristina Stănică. « Malheureusement, à mon avis, dans le système public de santé, personne n’a de temps pour ce genre de services. Les médecins sont trop sollicités et le système, tel qu’il est, ne peut pas faire davantage. Et puis tout le monde n’a pas la disponibilité d’esprit nécessaire pour ce genre de choses. J’ai rencontré des médecins qui ont fait tout ce qui était humainement possible, j’ai rencontré des médecins qui ont fait leur devoir professionnel de manière irréprochable, sans s’impliquer dans les aspects émotionnels et j’ai aussi rencontré des médecins qui, même s’ils avaient eu le temps, ces aspects-là ne les aurait pas intéressés. Je dois pourtant dire que ces derniers ont été peu nombreux ».
C’est pourquoi, le traitement strictement médical offert dans les hôpitaux doit être doublé de soins palliatifs qui s’adressent au côté affectif et qui aident les patients à vivre dignement cette expérience. Cristina Stănică. « Nous avons bénéficié tous les deux des soins adressés à l’âme. En parlant de l’équipe médicale de Hospice qui se rendait chez nous, mon enfant l’appelait « nos sourires ». « Quand est-ce qu’ils viennent de nouveau, nos sourires ? », me demandait-il. Nous avons bénéficié d’une équipe médicale extraordinaire, qui nous a traités comme des personnes normales, bien que dans ces moments de désespoir et de colère nous ayons été difficiles à supporter. Ils ont eu une telle intuition de ce que nous étions en train de vivre et de ressentir tous les deux, qu’ils nous ont aidé sans même que nous nous en rendions compte. »
Il est préférable que les soins palliatifs soient délivrés aussi bien à la maison que par l’hospitalisation du patient, si celui-ci vit seul ou si les membres de sa famille doivent travailler. De toute façon, ce genre de soins est bénéfique à tous : au malade, à sa famille et à son entourage.
(Aut. : Christine Leşcu ; Trad. : Mariana Tudose, Dominique)