Facteurs de risque pour les mères et les enfants de Roumanie
Indicateur des performances économiques d’un pays, le bien-être des mères et des enfants est aussi un indice de l’efficacité de ses politiques sociales. De ce point de vue, malheureusement, les chiffres ne parlent pas en faveur de la Roumanie, selon une étude internationale lancée par la Fondation « Sauvez les enfants ». Réalisée chaque année depuis 15 ans, cette étude comporte également une recherche concernant la Roumanie, fondée sur des données provenant de l’Institut National de la Statistique, ainsi que d’autres recherches européennes concernant la santé de la mère et de l’enfant.
Christine Leșcu, 03.09.2014, 14:08
Adina Clapa, membre de la filiale roumaine de la Fondation « Sauvez les enfants », nous dit quelle est la situation dans ce domaine, selon les données officielles de 2012 : « 187 Etats ont été pris en compte pour cette étude. Une fois de plus, dans la catégorie des Etats où il est préférable d’être mère, se retrouvent les pays nordiques, avec la Finlande en tête du classement. Pour la 15e fois de suite, la Roumanie occupe la dernière place parmi les Etats de l’UE et la 65e dans le monde. (…) La Roumanie enregistre le taux de mortalité infantile le plus élevé, soit 9 pour mille. Cela représente presque le double de la moyenne européenne, qui est de 4,3 pour mille. En chiffres absolus, on parle de quelque 1812 décès chez les nourrissons de moins d’un an. C’est un classement inquiétant et honteux. Les décès prématurés en sont la principale cause, suivis par les différents troubles respiratoires ou digestifs et par les accidents domestiques. Cela prouve que près d’un tiers de ces décès pourraient être prévenus».
La pauvreté mise à part, les femmes et les enfants de Roumanie sont aussi confrontés au faible niveau d’instruction et d’information des futures mères. Beaucoup d’entre elles ne se soumettent pas aux contrôles réguliers pendant la grossesse et, après l’accouchement elles ne se rendent pas assez souvent chez le pédiatre.
Ciprian Grădinaru, membre de la Fondation « Sauvez les enfants », synthétise les données de l’étude mentionnée : « L’enquête a pris en compte tous les 28 Etats de l’UE, plus l’Islande, la Norvège et la Suisse. Nous avons constaté qu’environ 28% des enfants — y compris les jeunes de moins de 18 ans — risquent la pauvreté et l’exclusion sociale. Cela se passe sur la toile de fond du clivage entre riches et pauvre, indique encore l’étude. En Roumanie, le pourcentage est beaucoup plus grand, presque double, 52% des enfants se trouvant dans cette situation. De ce point de vue, sur l’ensemble de l’UE, nous partageons la première place avec la Bulgarie. Un autre constat de l’étude c’est qu’en dépit d’une intensité des plus élevées dans l’UE du travail déployé pour accomplir les tâches ménagères, la pauvreté des enfants roumains reste accentuée. Pire encore, ce sont eux qui souffrent le plus à cause du dénuement. Le pourcentage d’enfants exposés au risque de pauvreté et d’exclusion sociale est supérieur de 13 % à celui des adultes ».
Bien qu’en Roumanie on travaille davantage, le risque de pauvreté est plus grand en raison notamment du bas niveau des salaires. Ciprian Grădinaru mentionne un deuxième facteur: «Pour déterminer l’intensité du travail, on prend en compte le nombre de membres de la famille qui ont un emploi. Chez nous, pour qu’une famille puisse survivre, il est nécessaire qu’un nombre aussi grand que possible de ses membres aient un emploi. Et c’est ainsi que l’on arrive à l’exploitation des enfants par le travail. Si on regarde de près, on constate qu’une bonne partie des enfants roumains sont actifs du point de vue économique — et pas uniquement en milieu rural. C’est pourquoi, même si l’intensité du travail est élevée en Roumanie, le taux de pauvreté ne baisse pas. »
Une autre ONG — World Vision — a abordé, de son côté, l’implication des enfants dans la survie de la famille. Daniela Buzducea, directrice plaidoyer de World Vision explique : « Nous nous sommes réjouis de constater, dans une première étape, qu’en milieu rural, la croissance économique quelque peu surprenante de la Roumanie rapportée l’année dernière est visible dans le niveau de vie des familles en général. Le nombre de familles qui affirment avoir des difficultés à pourvoir à leurs besoins quotidiens a baissé de 75 à 66%. Pourtant, chose triste et inquiétante, les enfants ne profitent pas de ce bien-être que les familles commencent à ressentir. Ainsi, le nombre d’enfants qui déclarent aller se coucher le soir sans avoir soupé a augmenté de 2%. Le nombre d’enfants qui déclarent travailler et qui, pour cette raison, s’absentent parfois de l’école est lui-aussi en hausse. Et nous parlons d’une durée du travail au bénéfice de la famille ou des voisins de plus de deux heures par jour. »
La pauvreté ainsi que le travail des enfants explique également le taux élevé d’abandon scolaire en Roumanie.
Les fonds européens — alloués avec sagesse et efficacité — pourraient constituer une chance pour ces enfants. Un autre soutien pourrait leur être accordé par voie institutionnelle, soit par une collaboration entre le système d’éducation, le système de protection et d’assistance sociale et les autorités locales. (Trad. Dominique, Mariana Tudose)