Entreprises sociales en milieu rural
A première vue, l’expression « économie sociale » semble une contradiction en soi. L’économie, telle que nous la connaissons, repose sur la consommation et le profit. Sa dimension sociale ne tient pas de l’évidence. Cependant, l’économie sociale existe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE. Elle est même un des piliers de l’économie européenne, produisant environ 10% du PIB. Plus de 11 millions de personnes, soit 4,5% de la population active de l’UE, travaillent dans l’économie sociale. Une résolution adoptée par le PE en novembre 2009 encourage d’ailleurs le développement des entreprises sociales en tant que modèles de croissance et d’entraide communautaire.
Christine Leșcu, 22.07.2014, 13:00
Elisabeta Varga, de la Fondation NESst de conseil aux entreprises sociales, fournit une définition plus détaillée de l’économie sociale : « Elle est une réponse aux besoins concrets des communautés, qui trouvent des solutions nouvelles aux problèmes sociaux que les secteurs public et privé ne couvrent pas. L’économie sociale se donne pour objectifs de créer des emplois et d’encourager les citoyens à mettre la main à la pâte pour résoudre les problèmes de leur communauté. A la différence de l’économie de marché qui ne cherche que le profit, l’économie sociale se propose d’améliorer la vie des gens et d’offrir de nouvelles opportunités aux personnes défavorisées. »
L’économie sociale n’est pas inconnue des Roumains, puisqu’elle fonctionnait même sous le régime communiste sous la forme des coopératives d’artisans. Dumitru Fonea, du Commité économique et social européen, précise : « L’économie sociale n’est pas un concept nouveau pour les européens, en général, ni pour les Roumains en particulier. Avec cette différence que, chez nous, elle a connu d’autres formes ; elle avait commencé avec « les coopératives », qui ont fini par échouer au moment où l’Etat communiste a mis la main dessus. Dans le monde occidental, les coopératives ont été remplacées par d’autres formules, les associations des travailleurs en Espagne, par exemple, ou bien diverses fondations, très actives en Europe et même en Roumanie. L’économie sociale se propose de valoriser au maximum les ressources humaines, sa principale cible étant l’être humain, non pas le profit. »
Fortement marquée par la période communiste, l’économie sociale a fonctionné difficilement en Roumanie après la chute du régime Ceausescu. Toutefois, en 2009 , elle employait 3,3% des travailleurs enregistrés en Roumanie. En 2011, elle était déjà un secteur économique et social important, où les ONGs étaient les principaux acteurs. En 2009, 69% des entités actives dans l’économie sociale étaient créées par différentes associations et fondations, le reste de 31% étant des coopératives. Elisabeta Varga, de la Fondation NESst de conseil aux entreprises sociales, dresse une brève liste d’entreprises sociales roumaines, dont la plupart fonctionnent à la campagne: «Parmi elles, on retrouve l’Association « Village Life », fondée par un groupe de jeunes, soit d’anciens employés de corporations. Lesquels ont redécouvert les valeurs du village qu’ils souhaitent promouvoir. Leur entreprise sociale a pour objet d’activité le tourisme rural, qu’ils souhaitent promouvoir. Pour ce faire ils collaborent avec une série d’hôtes du milieu rural qui accueillent des touristes. L’occasion de leur faire découvrir la vie à la campagne, par le biais de leurs activités quotidiennes. Ils leur présentent aussi des maisons et endroits d’une beauté à part ainsi que des traditions en voie de disparition. Un autre exemple serait celui d’une fondation du département de Sàlaj, qui, aux côtés des pouvoirs locaux, a mis en place une entreprise sociale. Son objectif : créer une marque touristique sur la Vallée du Barcàu. La Fondation soutient aussi les petits entrepreneurs de miel de la contrée ».
Vu qu’il s’agit d’un secteur si important pour l’UE, les institutions communautaires mettent à la disposition des Etats membres de nombreuses opportunités de financement, comme nous l’explique Dumitru Fornea : « Le programme opérationnel sectoriel Développement des ressources humaines — POSDRU – comprend ce domaine, en Roumanie aussi. Entre 2007et 2013 on s’est attaché à soutenir l’économie sociale et j’espère que pendant l’exercice financier prochain on fera la même chose. On a essayé de venir en aide aux entreprises sociales mais attirer ces fonds européens exige des connaissances et une certaine expérience. C’est pourquoi il est important de s’associer. »
Toutefois, bien que les gens souhaitent prendre part à une entreprise sociale, l’accès au financement n’est pas toujours facile. Elisabeta Varga : « Pour les petits entrepreneurs, pour les petites entreprises sociales présentées, attirer ces fonds s’est avéré une tâche ardue. En réalité, ces fonds sont inaccessibles pour eux. Tout d’abord, en raison de la nécessité du cofinancement, de leur propre contribution au projet, soit une somme dont bon nombre de ces entrepreneurs ne disposent pas. En pratique, tout s’arrête là lorsqu’il s’agit d’attirer des fonds européens de ce type ».
Améliorer l’accès au financement, c’est un objectif intégré dès 2011 à « l’initiative pour l’entrepreneuriat social », un ample plan de l’UE figurant dans la stratégie de l’Union pour 2020. Entre temps, un nombre infime d’entrepreneurs sociaux du milieu rural attire des fonds européens.
(aut.: Ileana Taroi, Alexandra Pop)