Les évaluations internationales et la situation de la Roumanie
Fin 2013, grâce aux évaluations PISA, la société roumaine a eu l’occasion de comparer le niveau de formation des jeunes Roumains avec celui des élèves de 64 pays du monde. Le Programme d’évaluation internationale — PISA (Programme for International Student Assessement) est mis en œuvre depuis l’année 2000 tous les trois ans, afin de mesurer les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines — clé : mathématiques, lecture et sciences. L’édition 2012 de l’étude PISA a visé tous les 34 pays membres de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et 31 pays partenaires, qui comptent pour 80% de l’économie mondiale. Dans le cas de la Roumanie, les résultats ont été plutôt décevants. 40% des élèves roumains ont eu de mauvais résultats et seulement 3,2% d’entre eux ont été classés excellents. Finalement la Roumanie est arrivée en 45e position sur 65 pays participants aux évaluations.
Christine Leșcu, 29.01.2014, 12:51
Voici la réaction du ministre de l’éducation nationale Remus Pricopie: « Si vous souhaitez recevoir une réponse simple, je vous confirme que les résultats sont mauvais. Dans le cas d’une réponse plus élaborée, mentionnons que nous nous situons toujours au-dessous de la moyenne de l’UE et qu’un grand nombre d’enfants, au bout de 8 ans d’école, ne sont pas capables de résoudre des problèmes de mathématiques et de sciences, ni de lire un texte, soit des exercices d’un niveau moyen. En même temps, afin de garder son objectivité, il faut reconnaître qu’il existe un petit progrès : par rapport aux précédentes évaluations PISA, de 2009, la Roumanie a connu un progrès de 4% au classement général. Voici donc un aspect réjouissant. »
Afin d’expliquer ces faibles résultats, le ministre de l’éducation a invoqué non seulement la manière d’évaluer les élèves dans le système roumain d’éducation, mais aussi le choix des matières enseignées. Ecoutons Remus Pricopie. « Il y a deux explications possibles. D’abord, dans les classes, les professeurs, n’enseignent pas ce qu’il doivent enseigner. La deuxième explication est relative à la méthodologie des examens. Et pourtant, il est très facile d’invoquer la méthodologie alors que dans les salles de classe, les enseignants ne font pas leur devoir. Ils ne vérifient pas les connaissances acquises et s’ils le font, c’est fait d’une manière superficielle. Il existe des établissements scolaires où les élèves reçoivent 9 points sur 10 même si, en réalité, leur note ne devrait pas dépasser 6. Par le biais des notes que nous donnons, nous disons aux élèves et aux parents qu’ils ont de bons résultats, puis, nous constatons aux examens que ces évaluations ne sont pas réelles. C’est pourquoi, à commencer par cette année, nous allons mettre en place plusieurs réglementations qui figuraient déjà dans la Loi de l’Education nationale. Des évaluations seront introduites dans les 2e, 4e et 6e année d’études, justement pour réaliser une série de radiographies et savoir à temps si dans une classe l’évolution est positive ou non. C’est uniquement de cette façon que l’on peut intervenir à temps pour corriger la situation. »
A l’avenir, les responsables de l’enseignement roumain souhaitent soumettre les élèves à des évaluations similaires à celles PISA, c’est à dire transdisciplinaires, un modèle auquel les élèves roumains ne sont pas encore habitués. Ce qui plus est, le programme scolaire sera lui-aussi modifié – un processus déjà entamé. Ciprian Ciucu, expert en éducation au Centre roumain de politiques européennes, parle de l’actuel programme scolaire jugé responsable des faibles résultats des élèves roumains « Notre programme scolaire n’est pas mis à jour. Malgré les fonds européens investis, le programme est dépassé alors que le progrès scientifique se fait remarquer dans tous les domaines. Normalement, le programme scolaire change toutes les deux générations, soit tous les 8 ans. La plus récente modification du programme, qui n’a pas visé tant le contenu, mais les objectifs, a eu lieu à la fin des années 1990, début des années 2000. Ce fut un changement plutôt partiel puisqu’à l’époque les responsables de l’éducation nationale envisageait un changement radical ultérieur, mais finalement celui-ci n’a pas été opéré. »
Les évaluations Pisa visent aussi le niveau de motivation des élèves, qui dans le cas de la Roumanie, est le plus bas parmi tous les pays ayant participé à l’étude. La question évidente est de savoir s’il faut chercher les raisons de ce manque de motivation en dehors du système d’enseignement. Voici ce que pense le ministre de l’Education nationale Remus Pricopie : « La motivation n’est pas à retrouver uniquement dans les cours, mais dans toutes nos activités quotidiennes. De nombreux enfants abandonnent l’école parce qu’il ne trouvent plus d’arguments ‘pour’. Côté enseignants, il est vrai qu’il existe un trait d’union entre la performance dans l’éducation et le niveau de respect accordé aux enseignants, ce qui inclut aussi la rémunération. Il ne suffit pas d’avoir un salaire motivant, à l’intérieur de l’école il faut créer une atmosphère positive. »
Pour Ciprian Ciucu, le manque de motivation des élèves ne fait qu’illustrer le manque de motivation des enseignants qui ne peut pas être expliqué sans une analyse de l’ensemble du système d’éducation: « L’enseignement est étroitement lié à la motivation, qui, dans le cas des enfants, est stimulée depuis l’extérieur, par l’enseignant. Par ailleurs, les professeurs sont eux-aussi démotivés. Le statut du personnel enseignant n’est plus ce qu’il était. Les meilleurs étudiants ne choisissent pas la carrière enseignante à la fin des années de fac. Ils préfèrent émigrer ou travailler dans d’autres secteurs des systèmes public et privé. C’est pourquoi la plage de recrutement de l’éducation nationale est assez étroite et celle-ci n’arrive plus à attirer les meilleurs d’entre nous. Il s’agit d’un phénomène qui n’est pas seulement spécifique à la Roumanie, et qui est visible aussi dans d’autres pays européens. »
Des changements radicaux s’imposent non seulement du côté des autorités mais aussi du côté de la société civile. Ces changements devraient modifier les fondements du système pour que l’acte d’enseignement — apprentissage regagne son prestige et son utilité. (trad. : Alex Diaconescu)