Les mineurs et la mendicité
On les voit déambuler dans les rues de Bucarest, devant les gares ou les supermarchés. Malgré un âge assez tendre, leur expérience de vie rivalise souvent avec celle d’un adulte. On les appelle enfants de la rue et leur nombre est malheureusement plutôt grand en Roumanie. Comment s’explique ce phénomène? Pourquoi tous ces gamins font-ils la manche sous la neige ou sous le grand soleil au lieu de se faire cajoler par leur famille? Une question épineuse à laquelle l’Association Le téléphone de l’enfant”, en collaboration avec l’Agence Nationale contre le Trafic des Personnes et l’Institut pour la Recherche et la Prévention de la Criminalité, ont essayé de répondre à travers leur projet L’enfance finit là où la mendicité commence”.
Christine Leșcu, 18.09.2013, 11:42
Un projet financé par l’Ambassade de France et qui s’est donné pour but d’identifier les causes de la mendicité juvénile et les mesures censées la combattre. Cette recherche n’a pas de velléité statistique et repose notamment sur les opinions des pouvoirs locaux. Et pourtant, elle en dit long sur l’ampleur du phénomène en Roumanie, selon le commissaire en chef Constantin Stroescu. « Selon les pouvoirs locaux, la pauvreté serait le principal facteur responsable dans 85,4% des cas de mendicité juvénile. S’y ajoutent une mauvaise influence familiale, l’absence de toute surveillance et de soutien aussi bien de la part de la famille que de l’école et des autorités locales. Dans la plupart des cas, la mendicité des enfants constituent un réservoir financier notamment pour la famille qui en tire profit. Les enfants, eux, ne bénéficient que très peu de l’argent reçu. Quant à la question de savoir d’où proviennent tous ces enfants de la rue, la plupart des sondés ont affirmé que 75% d’entre eux sont issus des familles démunies. Le reste d’entre eux proviennent d’environnements familiaux alcooliques, violents ou qui ne se préoccupent pas d’eux. »
Quant au nombre d’enfants réduits à quémander dans la rue, il est presque impossible de le connaître. Pourtant, parlant des 200 mineurs roumains qui font la manche dans les rues de Paris, l’ambassadeur de la France à Bucarest, M. Philippe Gustin, affirme: « Pour moi, la question des chiffres, elle n’est pas intéressante. C’est le phénomène qui est intéressant. Un seul enfant c’est déjà trop. Donc 200 c’est énorme ! »
Créée justement pour venir en aide aux enfants maltraités ou en danger, l’Association Le téléphone de l’enfant” met à leur disposition un numéro vert disponible 24 heures sur 24. D’ailleurs, ce sont notamment les nombreux appels reçus de la part des gamins qui ont poussé les membres de l’Association à mettre sur pieds le projet L’enfance finit là où commence la mendicité”’.
Catalina Florea, directrice de l’ONG. « Un nombre très élevé de cas similaires est signalé au numéro vert de l’enfant. C’est pourquoi nous avons choisi de faire cette démarche, car c’est très frustrant pour nous, ceux de l’autre bout du fil, de prendre acte de ces situations et d’apprendre que la législation ne permet pas de faire plus qu’on ne le fait déjà, vu que les équipes mobiles les ramassent déjà de la rue. »
Identifiés par les Directions de protection de l’enfance, les mineurs-mendiants sont pris en charge par les centres d’accueil en régime d’urgence. Toutefois, ils n’y restent pas très longtemps. Catalina Florea : « La loi est telle qu’ils se retrouvent dans la rue, le jour suivant. Les Directions d’assistance sociale affirment ne pas avoir le droit de priver de liberté un mineur. Il est libre de quitter le centre d’accueil d’urgence quand il le veut. Il est évident qu’il y a un problème quand un enfant se retrouve dans la rue plusieurs fois. Et le problème ne relève pas de l’enfant, qui ne retourne pas de son propre choix dans la rue. Il s’agit de sanctionner les parents et de ce point de vue la législation a des lacunes.»
Que faire pour que le phénomène ne gagne encore plus en ampleur ? Une solution serait d’éduquer les enfants à l’école, de leur parler du phénomène et de ses causes. De même, on doit leur apprendre à défendre leurs droits et à dire non au moment où ils se voient obliger à quémander. Cătălina Florea, directrice exécutive de l’Association « Le téléphone de l’enfant ». « Il s’agit d’activités éducationnelles destinées aux enfants qu’on va multiplier cette année. Il faut que ces activités soient déroulées aussi par les enseignants. Il est important de mettre en place aussi des sanctions très claires pour les parents qui obligent leurs enfants à mendier. Selon moi, forcer un enfant à faire la manche dans la rue devrait conduire à des peines de prison. Si une famille se sert de l’enfant pour survivre, ses ressources financières étant limitées à ce que l’enfant gagne de cette manière, alors ces parents là devraient finir derrière les barreaux. »
D’après le Ministère de l’Intérieur, le nouveau Code Pénal qui entrera en vigueur en février 2014, prévoit des sanctions dures pour le parent ou le tuteur d’un mineur qui mendie. Les autorités espèrent ainsi réduire le phénomène de la mendicité juvénile. (Trad : Ioana Stancescu, Alexandra Pop)