Chorégraphie du cancer
Ana-Maria Cononovici, 25.04.2023, 13:29
Nous
abordons aujourd’hui dans cette rubrique un sujet délicat, celui du cancer, et
plus particulièrement le cancer du sein, au travers du spectacle de danse
contemporaine « Cancer chorégraphié ». Ce projet est le fruit de la
rencontre entre Cătălina Florescu, dramaturge et professeur à l’Université Pace
de New York, et le chorégraphe Cosmin Manolescu. Le spectacle tourne autour d’un
personnage masculin atteint du cancer du sein. Une performance qui souhaite
attirer l’attention sur les personnes touchées par cette maladie, quelque soit
leur genre, mais aussi sur la réponse, ou au contraire les manquements de la
société qui ne répond pas toujours à leurs besoins médicaux, sociaux ou
affectifs. Conçu en 2022 lors d’une résidence artistique au siège d’AREAL de
Bucarest, le spectacle est pensé comme un « voyage émotionnel cathartique
et participatif ». La chorégraphie et l’interprétation sont signées par
Cristina Lilienfeld et Cosmin Manolescu, membres fondateurs d’AREAL, un espace
pour le développement chorégraphique (arealcolectiv.ro). Mais l’équipe au
complet est beaucoup plus nombreuse.
Cosmin
Manolescu nous a expliqué que pour lui la danse était une façon de célébrer la
vie et la mort :
« « Cancer
chorégraphié » révoque un sujet assez délicat, très lourd pour ceux qui
ont été touchés par la maladie ou qui travaillent aux côtés de patients
atteints de cancer. De ce point de vue, je suis heureux d’avoir été entouré de
toutes ces belles personnes qui ont accepté mon invitation, lorsque je leur ai
proposé de faire partie du projet. Le cancer n’est pas une maladie qui touche
seulement les femmes, elle touche aussi les hommes, et c’est pour cela que lors
de l’avant première du spectacle, à New York, nous aurons avec nous sur scène Michael
Singer, qui a survécu à la maladie. C’est une personne exceptionnelle qui va
partager avec nous son expérience. Personnellement j’ai eu une expérience
indirecte avec le cancer, qui m’a néanmoins touché fortement, et je suis
persuadé que cette expérience joue un rôle décisif dans la perception que les
spectateurs ont de notre spectacle. »
« Que retiens-tu de cette vie ? » se
demandent les protagonistes chacun à son tour. Une question qui s’adresse aussi
au public. Cristina Lillienfeld raconte comment le spectacle s’est
éloigné quelque peu du texte original, sans pour autant perdre de vu son
objectif :
« Dès le départ, cela tournait autour de l’idée
d’accepter la mort, la souffrance et de les célébrer. Nous avons cherché à
rendre cela explicite à l’aide de gestes chorégraphiés. Car il est essentiel de
garder l’espoir et aussi d’avoir conscience que chaque instant doit être vécu
le plus intensément possible. C’est le message que nous avons voulu
transmettre. Nous avons senti que cette idée restait très présente et c’est
pour cette raison, je crois, que Cătălina nous a laissé cette liberté, car
certains dramaturges restent très rigides par rapport à ce qu’ils proposent. Cătălina
a été très ouverte à chacune des propositions de changement que nous avons
faites. Car nous étions sur la même longueur d’ondes en fait. »
A la
fin du mois de septembre 2022, la compositrice Sabina Ulubeanu a rejoint
l’équipe, comme elle nous le raconte :
« Je
me suis identifiée immédiatement avec l’idée du texte et avec tout ce que
l’équipe faisait. J’ai participé aux répétitions et à leurs ateliers. Je me
suis rapprochée de leur univers, né à partir de la lecture du texte de
Catalina, à New York. Ce fut très
intéressant pour moi, parce qu’en écrivant ces ouvrages, même si je disposais
de beaucoup de matériel, les vidéo, les
dialogues, absolument tout, j’ai fait semblant de les oublier et j’ai laissé
l’intuition me guider. Pratiquement, j’ai accédé cette partie de moi qui a
résonné avec eux durant les répétitions et les discussions. Et j’ai écrit en
partant de tous ces sentiments-là ».
Pour
sa part, Cinty Ionescu est en charge du design vidéo du spectacle : « Je n’ai pas voulu suivre un certain scénario
dans le film que j’ai fait pour le spectacle, et où j’ai puisé mon inspiration
pour différents moments du spectacle. Et ce fut justement à cause de la
thématique, qui est assez difficile pour tout le monde et très personnelle pour
beaucoup d’entre nous. Pour moi, ce fut très difficile en fait, de me mettre à
travailler. Alors toutes ces rencontres, ces discussions, ces moments de
mouvements aux côtés de Cristina et de Cosmin se sont avérés très utiles pour
arriver la forme finale des éléments vidéo ».
Le
cadre créé nous tient à bout de souffle, mais il y a aussi le contrepoint de tous
les éléments qui symbolisent la vie, car c’est la vie qui gagne à chaque fois. C’est
l’opinion unanime de l’équipe du spectacle de danse contemporaine
« Cancer, chorégraphie », équipe qui inclut aussi Alina Comanescu. En
tant que navigateur de patients, elle vient avec un message clair dans ce spectacle :
la prévention peut t’empêcher de devenir une statistique. Alina
Comănescu :
« Ce que l’on peut voir sur scène est
un plaidoyer pour la prévention. Malheureusement, statistiquement parlant, une
personne sur trois peut avoir un cancer. Cette statistique est assez dure. Pourtant,
40% de ces cas pourraient être prévenus par un style de vie sain et équilibré. En
fait, c’est ça le message, à mon avis: ne pas stigmatiser, mais transmettre un
message comme quoi il est important de ne pas devenir cette personne sur
trois. »
Alexandros
Raptis, en charge de l’éclairage et du live DJ a ajouté :
« C’est un
thème très difficile et beaucoup plus commun ou connu de plus en plus de
personnes, malheureusement. En travaillant sur un tel spectacle, il est très
difficile de ne pas aboutir sur une forme de théâtralité hyper lourde,.
Lorsqu’on vient voir un spectacle qui s’appelle « Cancer chorégraphié »
on a certaines attentes. En même temps, en essayer d’éviter cette situation on
risque facilement de tomber dans le dérisoire. En fait, ce que j’ai aimé le
plus, c’était l’alternance des états d’esprit. Dans ce spectacle, à certains
moments on a l’impression que c’est une pièce de théâtre, puis on a à faire à
une performance de dance et des fois parfois il semble que nous sommes en train
de faire la fête. »
La
première nationale du spectacle a eu lieu les 6 et 7 avril 2023 à ARCUB, alors
que la première internationale est prévue pour les 26 avril 2023 au théâtre Jersey
Theatre City Center et le 28 avril 2023 à l’Institut culturel roumain de New
York. A compter de juin, le spectacle retrouvera son public de Roumanie. (Trad.
Charlotte Formenteaud, Alexandru Diaconescu)