Danser avec le burnout
Elles
vivent au même rythme que la plupart d’entre nous. Elles font face aux mêmes
défis que nous tous. Mais avec une
sensibilité plus marquée. Les trois femmes dont nous allons parler aujourd’hui
ont décidé d’explorer plus en profondeur le phénomène du burnout et de trouver des solutions pour lui échapper et s’en
sortir.
Ana-Maria Cononovici, 31.01.2023, 13:29
Elles
vivent au même rythme que la plupart d’entre nous. Elles font face aux mêmes
défis que nous tous. Mais avec une
sensibilité plus marquée. Les trois femmes dont nous allons parler aujourd’hui
ont décidé d’explorer plus en profondeur le phénomène du burnout et de trouver des solutions pour lui échapper et s’en
sortir.
De cette
ambition sont nés plusieurs projets de résidence visant à explorer ce
phénomène, ainsi que plusieurs performances et expériences inoubliables qui se
poursuivent encore aujourd’hui. Alors, lançons-nous, prenons cette
problématique à bras le corps, en compagnie de la chorégraphe Andreea Novac, à
l’origine du projet Burnout :
Andreea Novac : « Burnout est né du besoin ou
plutôt d’une réalité, celle à laquelle j’étais moi-même confrontée l’année
dernière. Je sors d’une période de plusieurs années qui m’ont
« brûlée ». Et l’année dernière, alors que j’étais complètement vidée
d’énergie, je sentais qu’il fallait que je continue malgré tout. J’ai alors
rédigé ce projet sur le burnout. Et aussi, un point important :
j’entendais beaucoup de gens parler de ce phénomène dans mon entourage, surtout
professionnel. A chaque fois, lorsque je le pouvais, je leur demandais comment
ils se sentaient et ils me répondaient « je suis épuisé ! je n’en
peux plus, je ne sais plus rien, je n’ai plus envie de rien ». J’ai donc
rédigé ce projet que j’ai déposé à l’AFCN (l’administration du fond culturel
national) qui a accepté de le financer. J’avais très envie d’explorer cette
notion de burnout sous plusieurs angles, pas seulement d’un point de vue
artistique. J’avais envie de comprendre le burnout dans un contexte un peu plus
large, social, comprendre comment on en arrive là, pourquoi on n’arrive plus à
rattraper, par exemple, ou pourquoi on ne s’autorise plus à se reposer. J’au
aussi eu envie de comprendre les effets du burnout sur moi-même, et là je parle
des conséquences psychologiques, mais j’ai aussi cherché à comprendre ce que
cela impliquait sur le plan physique, car le burnout se manifeste aussi
physiquement, pas seulement psychologiquement, le corps se transforme aussi. C’est
comme ça que j’ai débuté le projet. J’ai
commencé en partant de cette idée, qui a ensuite ouvert trois directions
différentes. Car nous étions trois artistes à participer. »
Nous nous sommes entretenus avec Alina Uşurelu, artiste visuel et
performeuse qui nous a raconté son
expérience dans le cadre de ce projet :
Alina Uşurelu: « Le projet Burnout est à l’initiative de la chorégraphe Andreea
Novac, qui nous a invités à participer, Irina Marinescu et moi-même. L’année
dernière elle nous a proposé une collaboration avec l’idée que nous sommes des
chercheuses qui abordent la question du burnout sous un angle différent. Nous
sommes chacune partie en résidence dans différentes villes de Roumanie. Par
exemple moi je suis allée à Cluj.
Là-bas, j’ai effectué mes recherches sur le burnout dans la Casa
Tranzit, avec Roxana, qui est médecin, et avec qui j’ai étudié ce phénomène de
burnout en me penchant sur les trois dernières années de pandémies et de
guerre. Et d’une certaine manière, ce flux d’informations extrêmement puissant
nous a bouleversées sur le plan émotionnel et nous a submergées sans que nous
ne nous y attendions. Personnellement, je me suis rendue compte que, comme
beaucoup dans le domaine culturel ou artistique, j’ai tendance à
m’enthousiasmer et à plonger à corps perdu dans un processus, et je finis par
me « brûler » toute seule. Ca a été une expérience déterminante pour
moi qui m’a appris à m’autoréguler dans ce contexte. Notre société nous pousse
à jouer plusieurs rôles et nous ne sommes plus en mesure de faire le tri, pour
ne jouer que ceux qui nous intéressent. Et nous n’avons plus la capacité de
juger si nous sommes en mesure de jouer le rôle qui nous est imposé par le
monde extérieur. J’aimerais aller plus loin dans ce projet. J’ai déjà vécu une
expérience complètement différente lorsque j’étais à Cluj. J’ai présenté ce
projet, qui a été pour moi une expérience unique, à l’AREAL de Bucarest ainsi
que dans la vitrine de la Galerie Suprainfinit. Je souhaiterais désormais
pouvoir le mettre en avant dans d’autres espaces, qui soient encore plus
déroutants pour moi, mais aussi pour le public ».
Irina
Marinescu, chorégraphe et danseuse, ajoute :
Irina Marinescu: « Pour moi ce projet a été très très
révélateur, et m’a donné de nombreuses pistes de travail. C’est aussi un
travail personnel, pour ne plus se retrouver en situation de burnout. Car ce
projet est né de notre volonté à toutes les trois, de notre besoin profond de
regarder droit dans les yeux un problème qui nous concerne nous, mais aussi
d’autres. De nombreuses personnes dans différents domaines sont touchées par ce
phénomène. Je continue à explorer le sujet, car l’année dernière, deux pistes
de travail ont émergé pendant ma résidence : la mise en place d’un atelier
de danse pour récupérer après un burnout, et le partage de ces informations
dans la formation en danse-thérapie que je suis actuellement. Aussi bien le
projet de danse proprement dit que le processus du travail, j’aimerais bien les
continuer pour les présenter dans d’autres espaces aussi. Ma résidence s’est
déroulée près des Gorges de la Nera et du coup, avec mes collègues, on a
compris ce qu’un vrai repos veut dire. Nos ateliers ont été donc organisés au
cœur de la nature. Que ça soit Socolari ou à Bucarest, mon travail s’est
concentré sur l’idée de réconfort, de détente. Une occasion pour remettre en
valeur le rôle des berceuses. Le fait de sortir au cœur de la nature a un fort
impact, puisque le spectacle gagne en potentiel. J’aime bien travailler sur de
tels projets qui rassemblent les gens. Dans le cas de mon atelier, au symbole
de la berceuse s’ajoute celui du tricotage et du fait que les participants sont
attachés les uns aux autres à l’aide d’un fil. C’est un geste symbolique dans
une société dominée par tous ces cahiers de charges qui nous incombent malgré
nous ».
Les
experts affirment que pour lutter contre le Burnout il faudrait s’accorder au
moins dix minutes en début de journée ou pendant la journée à ne rien faire,
juste pour nous connecter au propre corps. Cela nous permettre de voir plus
facilement les choses qui s’avèrent essentielles et celles qu’on pourrait
supprimer.