L’histoire à travers la danse
Sur l’ensemble des édifices historiques de Bucarest, il y en a dont l’histoire reste méconnue. Mais, quand un édifice ayant joué un rôle militaire est transformé des siècles plus tard en un espace culturel, après avoir servi de centre de détention provisoire, il devient impérieux d’apprendre davantage sur lui. Voilà pourquoi on a décidé de vous inviter à découvrir les ateliers Malmaison, abrités par l’édifice homonyme au numéro 137, avenue Plevnei, au centre de Bucarest. Caserne militaire dans un premier temps, cet édifice s’est transformé récemment en un espace consacré à l’art contemporain. Voilà comment s’explique la présence à Malmaison de l’installation performative L’isolement à travers une série d’états contraignants”, coproduite par Alex Radu, fondateur de l’espace d’art contemporain, SAC.
Ana-Maria Cononovici, 02.12.2021, 07:03
Sur l’ensemble des édifices historiques de Bucarest, il y en a dont l’histoire reste méconnue. Mais, quand un édifice ayant joué un rôle militaire est transformé des siècles plus tard en un espace culturel, après avoir servi de centre de détention provisoire, il devient impérieux d’apprendre davantage sur lui. Voilà pourquoi on a décidé de vous inviter à découvrir les ateliers Malmaison, abrités par l’édifice homonyme au numéro 137, avenue Plevnei, au centre de Bucarest. Caserne militaire dans un premier temps, cet édifice s’est transformé récemment en un espace consacré à l’art contemporain. Voilà comment s’explique la présence à Malmaison de l’installation performative L’isolement à travers une série d’états contraignants”, coproduite par Alex Radu, fondateur de l’espace d’art contemporain, SAC.
« Depuis deux ans déjà, j’étais en dialogue avec Simona Deaconescu, au sujet de la possibilité de réaliser ensemble une installation performative. L’année dernière, il était question de mettre en place une lecture- performative, ou encore de différentes performances autour du corps. Mais, cette année, une fois les ateliers Malmaison rouverts et une fois mis en place l’espace d’art contemporain SAC, l’histoire de cet édifice est devenue tout d’un coup, très importante. Et ce fut Simona qui a mis sur la table le thème de l’isolement et surtout du corps contraint à s’isoler, que ça soit pour des raisons historiques, puisque l’édifice a fonctionné d’abord comme prison ou pandémiques. A la base, notre idée fut de créer une installation performative ancrée dans l’histoire des lieux. On parle d’un édifice construit pendant la Seconde Guerre Mondiale pour servir de centre d’enquête et de détention d’abord, pour les espions russes et anglais présumés et ensuite pour les soi-disant « ennemis du peuple » de la période communiste. On parle de Coposu, de Iuliu Maniu, leader d’un parti opposé au communisme, ainsi de suite.
Fondé en 1847 par Gheorghe Bibescu, le bâtiment, sur étagé suite à un incendie était connu à l’époque comme la Caserne Saint Georges, d’après le nom de l’église qui se dressait juste en face. Finalement, ce fut le prince régnant Alexandru Ioan Cuza qui a changé son nom en Malmaison, d’après un des domaines préférés de l’empereur Napoléon.
« On a à faire à la première caserne militaire pour la chevalerie de Bucarest que le prince Alexandru Ioan Cuza a rebaptisée Malmaison, en l’honneur de Napoléon III. Celui-ci détenait un domaine du même nom en France et comme à l’époque c’était la France qui exportait tout le savoir-faire militaire, Ioan Cuza a opté pour ce nom. Après la caserne, l’édifice a abrité une école militaire, ensuite un tribunal militaire avant de se transformer en centre de détention provisoire. »
Prison communiste dans les années 50, Malmaison a gardé entre ses murs les secrets des enquêtes impitoyables dont sont tombés victimes ceux ayant osé à s’opposer au régime en place à l’époque. L’idée de tous ces corps isolés dans leurs cellules a inspiré à un groupe d’artistes l’idée d’une installation performative, intitulée
« L’isolement à travers une série d’états contraignants ». Alex Radu :
Toute une équipe pluridisciplinaire a œuvré pour la mise en place de cette installation. La chorégraphe, Simona Deaconescu, le compositeur Vlaicu Golcea les architectes Justin Baroncea et Maria Ghement, le plasticien Ramon Sadîc, cinq danseurs. S’y ajoute un historien qui a fait un travail de recherche remarquable, en fouillant dans les archives pour trouver des témoignages des ceux condamnés à l’isolement au long des années, des documents qu’on utilise dans notre spectacle. Et puis, un anthropologue.
Pour la réalisation de cette installation performative, il a fallu aller plus loin dans l’histoire du bâtiment, jusqu’en 1977 quand l’édifice a accueilli un institut de recherches chimiques. Alex Radu :
« C’est une performance qui touche profondément le public. Simona et les performeurs arrivent à explorer les mouvements du corps pour en faire des images. La danse se complète par le son et l’installation et la composition de Vlaicu Golcea est plus que musique, les sonorités occupent de l’espace, un espace immersif aussi bien pour les performeurs que pour les visiteurs. Par son intervention directe sur le mur où il dessine en crayon, l’artiste visuel Ramon Sadîc contribue à cette performance, tandis que l’idée des architectes d’écrire les textes des témoignages des prisonniers sur des vestes que l’on porte sur scène plonge les visiteurs en une sorte de réalisme artistique. Il s’agit, comme vous le voyez, d’une création collective. »
A une époque où la pandémie nous a forcés à nous isoler, le spectateur est d’autant plus ému par cette installation performative visuelle et architecturale, qui met en rapport l’histoire passée à celle présente.