Le Musée du consommateur communiste
Où retrouver, ce quotidien ? Au Musée du consommateur communiste, qui a ouvert à Timişoara en 2015. Il attire déjà de nombreux visiteurs. C’est un musée interactif où l’on peut fouiller du regard – mais aussi de ses propres mains – des étagères, des armoires, des tiroirs pour découvrir, ou se souvenir, à quoi ressemblait l’intérieur d’une maison à l’époque communiste. L’entrée est libre, mais ceux qui le souhaitent peuvent faire don au musée d’une somme d’argent ou d’objets pour enrichir sa collection.
Ana-Maria Cononovici, 15.01.2019, 13:50
Pourquoi un musée du consommateur communiste ? Ovidiu Mihăiţă, un de ses fondateurs, explique : « Il est né d’une nécessité que nous avons ressentie, moi et quelques amis – collectionneurs depuis leur enfance. En fouillant les marchés aux puces, ainsi que les greniers et les caves de nos proches, nous nous sommes rendu compte que tout un monde était en train de disparaître ; les gens jettent à la poubelle les reliques du passé et nous avons entrepris de les sauver. Nous avons quitté l’appartement que nous habitions et nous en avons fait ce qui est devenu aujourd’hui le Musée du consommateur communiste. »
Après 5 années de collecte organisée, l’espace destiné au musée était rempli d’objets. Ovidiu Mihăiţă: « L’appartement se trouve au sous-sol d’un immeuble – une maison allemande des années ’30 – qui accueille aussi l’activité de la troupe de théâtre « Aoleu ! » (Oh, là, là !) ainsi que le bistro « Scârţ » – « Crac ! ». C’est un bâtiment qui accueille pas mal de choses, un endroit très fréquenté par les touristes, situé au centre-ville, donc facile à trouver. On y découvre un appartement typiquement roumain de la période communiste, avec la chambre d’enfant, la salle de séjour, la cuisine, les couloirs. Dans chaque pièce on peut voir les objets spécifiques. Par exemple, dans la chambre d’enfant il y a des jeux, des jouets, des poupées, des cahiers, des fournitures scolaires, des manuels, des sacs à dos… Il y a là, bien sûr, beaucoup plus d’objets que les Roumains n’avaient dans leur maison, à l’époque. L’endroit est même surchargé, parce que tout ce qui s’y trouve est le fruit de 5 années de collecte qui ont précédé l’ouverture du musée. Et depuis son inauguration il y a trois ans, les visiteurs nous ont apporté de nombreux autres objets et nous en avons également reçu par la poste. Ils apportent des armoires, de télés, des postes de radio… L’espace est un peu encombré, mais j’aime bien ça, car on contredit en quelque sorte l’idée de musée où il y a un mur blanc et un objet dans une vitrine, accompagné d’un écriteau plus grand que l’objet lui-même. Chez nous, c’est l’inverse : il n’y a aucune description de l’objet, aucune explication, le plus souvent les visiteurs manipulent les objets, ils peuvent fouiller dans les tiroirs, dans les armoires, ce que beaucoup de gens adorent. »
Les visiteurs sont libres, ils interagissent avec les objets et leurs réactions sont très diverses: « Les jeunes ne savent pas trop de quoi il s’agit, ils sont déjà habitués à vivre dans des pièces dont les murs sont peints avec une peinture au teflon et avec des portes et des fenêtres en PVC. Beaucoup d’entre eux ignorent l’existence du téléphone avec disque rotatif, tellement banal, pour nous. En passant le seuil du musée, les personnes plus âgées, qui ont vécu ces années-là, ont toutes la même réaction : « Moi aussi, j’avais ça ! » ou bien « Ça sent comme chez ma grand-mère ! » Les touristes étrangers ont des réactions tout à fait différentes. Les touristes qui sympathisent le plus avec nous sont ceux qui viennent de l’ancien bloc de l’Est : les Tchèques, les Polonais, les Russes. Beaucoup de touristes chinois commencent à pleurer, nous n’avons pas réussi à comprendre pourquoi. Il y a aussi beaucoup de touristes occidentaux – des Français, des Anglais – qui regardent tout d’un air froid. Ils ne comprennent pas. Il est très intéressant de voir de quelle façon les gens se rapportent à l’histoire en fonction de ce qu’ils ont vécu. »
Depuis la fameuse bouteille de lait en verre aux tapis décorés de scènes de « L’Enlèvement au sérail », tout l’éventail d’objets si courants à l’époque est là : le poisson en verre sur la télé en noir et blanc, les livres, les bibelots, les fournitures scolaires, les jouets et les meubles, les porte-plumes en vinyle ou en bois, les stylos chinois, les herbiers, les tirelires en tôle qui ferment à clé, les poupées de ramoneur ou de médecin, les poupées roumaines «Arădeanca » fabriquées à Arad, les jeux de pions, les vélos « Pegas » et j’en passe. Bien que petit, le Musée du consommateur communiste est le plus visité de Timişoara. Ovidiu Mihăiţă : « Il y a des gens qui s’y attardent des heures, d’autres qui sortent au bout de 5 minutes. Certains visiteurs s’assoient, écoutent de la musique, lisent des livres, feuillettent des catalogues, jouent à des jeux, s’amusent avec les jouets. D’autres passent tout en revue rapidement, ils cochent le musée sur leur liste de sites à visiter et s’en vont. »
Une exploration sans nostalgie de cette époque révolue, une incursion dans le temps, une prise de conscience – c’est ce que nous propose, en fait, le Musée du consommateur communiste de Timişoara.(Trad. : Dominique)