Le violon roumain fête son 65e anniversaire
65 ans se sont écoulés depuis la production industrielle du premier violon en Roumanie. Cet anniversaire a été marqué par la fabrique d’instruments de musique en bois de Reghin, dans l’est du pays, la seule de ce genre en Roumanie et la plus grande d’Europe, construite en 1951, pendant la période communiste.
Ana-Maria Cononovici, 12.02.2017, 13:10
65 ans se sont écoulés depuis la production industrielle du premier violon en Roumanie. Cet anniversaire a été marqué par la fabrique d’instruments de musique en bois de Reghin, dans l’est du pays, la seule de ce genre en Roumanie et la plus grande d’Europe, construite en 1951, pendant la période communiste.
Après la Révolution anticommuniste de 1989, la fabrique de Reghin a été privatisée, le paquet majoritaire étant racheté par ses salariés. Elle est devenue le plus grand producteur d’instruments de musique en bois d’Europe, les sociétés de prestige du continent s’étant scindées ou ayant restreint leur activité.
Avant la création, en 1951, de la fabrique d’instruments de musique en bois de Reghin, il n’y avait en Roumanie que quelques petits ateliers de lutherie. La nouvelle fabrique allait acquérir la reconnaissance internationale en 1959, suite à ses exportations de guitares, de violons et de violoncelles.
L’ingénieur Nicolae Bâzgan, directeur de cette fabrique depuis 1967, nous raconte l’histoire du violon de Reghin : « Le violon est en fait le roi des instruments de musique. Il est construit en bois d’épicéa ; les éclisses et le manche sont en bois d’érable sycomore. Ce matériau ligneux est coupé beaucoup de temps avant d’être utilisé, pour qu’il puisse sécher lentement, de manière uniforme, permettant une homogénéisation des propriétés du bois. Le bois destiné à la fabrication d’un violon doit avoir les cernes annuels aussi réguliers que possible et être dépourvu de défauts, tels les nœuds ou les torsions. La fibre doit être droite, pour ne pas provoquer de distorsions dans la propagation du son. L’association de l’épicéa, pour la résonnance, et de l’érable sycomore est traditionnelle, elle a été adoptée par les premiers luthiers, il y a 6 siècles. »
La passion est-elle nécessaire pour fabriquer des violons ? Nicolae Bâzgan : « Oui, il faut de la passion, de la patience et surtout du bon goût. Car le violon exprime la perfection. Si on le regarde, on peut le comparer au corps d’une femme, avec ses épaules, sa taille, ses hanches. Et c’est le style baroque qui a imposé cette forme du violon, que l’on n’a pas pu changer depuis des centaines d’années. »
C’est le grand violoniste russe David Oïstrakh qui a apporté une des confirmations les plus prestigieuses de la qualité des violons fabriqués à Reghin, jouant d’un tel violon, lors du Festival international de musique George Enescu de Bucarest, en 1967.
Les violons de Reghin sont très recherchés. Nicolae Bâzgan nous dit pourquoi : « Ils sont recherchés avant tout en raison de la qualité du bois que nous utilisons et de sa fabrication. Nous avons du bois en réserve pour fabriquer des violons pour les 10 prochaines années. Après avoir été coupé, le bois est déposé dans des entrepôts couverts où il sèche lentement, naturellement. Avant de l’utiliser, on procède également à un séchage artificiel, qui ramène le taux d’humidité à une valeur comprise entre 6 et 8%. Après ce séchage, l’instrument peut résister à tous les changements météorologiques auxquels il sera soumis. »
C’est à 1986-1987 que remontent les premières tentatives de fabriquer des flûtes de Pan à Reghin. Abandonnées, elles ont été reprises il y a une quinzaine d’années. A présent on y produit des flûtes de Pan à partir de 10 espèces de bois. L’instrument le plus cher est en ébène et il coûte plus de 1000 euros à la porte de l’entreprise. Le grand virtuose de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir utilise des instruments fabriqués à Reghin, tout comme, d’ailleurs, sa plus jeune disciple, Cornelia Tihon.
A part les violons et les flûtes de Pan, à Reghin on produit 200 types d’instruments de musique et plus de 300 accessoires pour ces instruments, reconnus pour leur qualité en Roumanie et à l’étranger. Nicolae Bâzgan précise : « A Reghin nous produisons tous les types d’instruments à archer : violon, viole, violoncelle, contrebasse. A la variante classique de ces instruments s’ajoutent des variantes électroniques. Nous produisons des guitares classiques – y compris pour enfants, des guitares acoustiques et électriques. Nous fabriquons des instruments à percussion en bois, soit des xylophones – destinés aux enfants et aux professionnels – et des instruments à cordes frappées – soit des cymbalums (petits et de concert). S’y ajoutent des instruments à vent en bois : flûtes champêtres et flûtes de Pan. A part la flûte de Pan traditionnelle roumaine, nous fabriquons une flûte de Pan péruvienne et nous avons également développé une flûte de Pan hybride, très facile à accorder. Car, comme tout instrument à vent, la flûte de Pan doit être accordée à chaque fois que la température de l’environnement où l’on en joue change. Il ne nous reste qu’à continuer la tradition », conclut Nicolae Bâzgan. C’est sur cette idée que le directeur de la fabrique d’instruments de musique de Reghin achève son histoire. Une histoire sur la passion, l’abnégation et l’art de créer des valeurs. (Trad. : Dominique)