Around The Black Sea
Un projet photographique inédit emmène le spectateur à travers les pays riverains de la mer Noire. La succession d’images crée une réalité plus facile à saisir par les habitants des endroits respectifs que par les visiteurs. Il s’agit du projet « Around the Black Sea », « Autour de la mer Noire ».
Ana-Maria Cononovici, 26.10.2014, 13:04
C’est l’auteur de ces photos, Petruţ Călinescu, qui nous le fait découvrir: « Le projet Around the Black Sea a débuté il y a 5 ou 6 ans. C’était une idée à mon ami Ştefan Cândea et à moi-même. Je me suis chargé de l’image ; quant à lui, il s’est occupé du texte. Nous rêvions depuis pas mal de temps à un voyage lointain, en Afrique, par exemple. En consultant la carte, nous avons constaté que nous ne savions rien sur la région de la mer Noire, à commencer par nos voisins. Nous avons donc pensé qu’il serait bon de voyager dans un espace plus proche. En 2010, nous avons fait, en voiture, le tour de tous les pays riverains de la mer Noire. Grâce au financement que nous avons pu obtenir, nous avons parcouru, en quatre mois, quelque 15.000 km autour de la Mer noire, en essayant de découvrir la zone, de prendre connaissance des réalités. Quatre mois pour traverser dix pays, ce n’est pas beaucoup. Le voyage, qui a commencé en Roumanie, s’est déroulé en sens inverse des aiguilles d’une montre: la Bulgarie, la Turquie, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Haut – Karabakh, une petite république séparatiste, puis à nouveau la Géorgie, l’Abkhazie, autre petite république séparatiste, la Russie, la République de Moldova, l’Ukraine et la Roumanie ».
Sur ce parcours, il y a eu sans doute des zones préférées. Pour Petruţ Călinescu, la révélation du voyage a été l’Abkhazie: « L’endroit le plus beau à la mer Noire se trouve vis-à-vis de la côte roumaine. Il s’agit de l’Abkhazie. Nous avons été surpris de constater que ce pays a un climat beaucoup plus doux que le nôtre. Voilà qui explique la présence des palmiers sur la plage. On peut voir aussi des mandariniers et des citronniers. Le Caucase s’arrêtant juste en face de la mer, le ciel y est toujours couvert de gros nuages comme à l’approche de l’orage. En 1991, l’Abkhazie s’est séparée de la Géorgie, laquelle est issue, à son tour, de l’ancienne Union Soviétique. C’est en Abkhazie que se trouvaient les plus belles stations touristiques de l’URSS. C’est toujours ici que Staline possédait des maisons de vacances et que le régime stalinien avait construit des établissements de récupération et de repos pour le peuple soviétique. »
L’équipe qui s’est proposé de mettre en place ce projet a eu pour slogan l’idée que nous sommes en quête d’histoires qui puissent nous offrir des informations aussi. Le spectateur découvrira ainsi des images inédites, qui n’ont rien à voir avec la publicité. La réalité se dévoile à nous à travers des images représentant de endroits qui pourraient figurer sur la carte de n’importe quel pays riverain de la mer Noire, malgré les particularités distinctives: deux vieilles dames, modestement habillées, en train de pêcher sur un ponton ou un homme allongé sur sa serviette de bain, une plage au sable fin parsemée de coquillages, un stand étalant des maillots de bain, des bouées de sauvetage en forme d’animaux.
Petruţ Călinescu: « Les photos ne présentent pas nécessairement le côté le plus beau ou le plus touristique de la mer Noire. C’est d’ailleurs ce que nous avons visé d’emblée. Nous avons souhaité éviter les grands ensembles hôteliers, qui nous semblent dépersonnalisés, où qu’ils puissent se trouver. Par contre, nous avons recherché les plages populaires, bondées de gens, et tenté de faire découvrir le plus grand nombre de communautés ethniques. Par cette même occasion, nous avons appris qu’elles sont nombreuses dans les pays de la région de la mer Noire. Malgré le nivellement qu’elles ont subi au temps du communisme, bon nombre d’entre elles, vivant surtout en Russie, ont subsisté et réussi à sauvegarder leurs cultures et traditions. A la fin du projet, je m’amusais à montrer les photos à des amis, leur demandant de les localiser. Ils étaient tous dans le tort. A propos d’une image prise en Russie, ils affirmaient que ce ne pouvait être qu’un endroit de Roumanie; une photo réalisée en Ukraine était prise pour un instantané de Bulgarie et ainsi de suite. Je pense que tous les pays en question ont beaucoup de choses en commun, ce qui s’explique en tout premier lieu par leur histoire récente. »
Pour vous donner une idée de la richesse des images que nous a fait découvrir ce projet, nous avons demandé à Petruţ Călinescu combien de photos il recelait: « Nous avons écrit sur une sorte de blog de voyage, que l’on peut lire sur le site www.theblacksea.eu. A cette époque-là, nous essayions de poster 7 ou 8 photos, plusieurs fois par semaine. Ayant épuisé les éléments d’actualité, nous avons coopté des confrères journalistes. Du coup, le blog de voyage s’est transformé en une revue en ligne, qui rassemble des informations en tout genre sur la zone de la mer Noire. On a fait plusieurs dizaines de milliers de photos, mais, après les avoirs triées sur le volet, j’ai retenu une cinquantaine d’images auxquelles je tiens le plus. Les photos et les textes qui les accompagnent sont accessibles sur le site www.theblacksea.eu. Le projet continue et nous sommes toujours à la recherche de financement qui nous permette d’y ajouter de nouvelles histoires et images. Parallèlement au projet The Black Sea, nous en avons mené un autre, intitulé «fierté et béton», et qui traite des changements survenus dans le village roumain. Il s’agit, en clair, de l’histoire à succès de Roumains partis travailler à l’étranger, de la vie de la nouvelle campagne roumaine, après la migration massive de la main d’œuvre. »
Les plongeurs passionnés de descentes aux tréfonds de la mer Noire se ressemblent. Tout comme les touristes qui flânent sur les plages ou les vacanciers allongés sur des matelas gonflables. Les visiteurs contemplant la mer depuis les plages bondées ou désertes se ressemblent comme deux gouttes d’eau, eux aussi. Seuls les menus détails font la différence entre tel ou tel endroit immortalisé sur la photo. Des détails qui racontent la grandeur et la décadence: ici, une épave, là un ponton ou un bâtiment en ruines, près d’être englouti par les eaux. C’est une invitation non pas au voyage proprement-dit, mais à la réflexion ou plutôt à la découverte de la réalité telle qu’elle est. (trad. Mariana Tudose)