Le cerveau, la plus forte des télécommandes
A la fin 2012, devant une salle archi-pleine, un groupe de jeunes a démontré que le cerveau humain pouvait être la télécommande la plus puissante du monde. A l’aide d’un casque EEG, un bénévole a réussi à faire marcher une voiture radiocommandée uniquement avec la force du cerveau. Ce fut une excellente occasion de parler de Modulab, le laboratoire qui a réalisé cette expérimentation et d’Arduino, la plate-forme interactive qui a rendue possible le déplacement de la voiture.
România Internațional, 07.02.2013, 14:45
A la fin 2012, devant une salle archi-pleine, un groupe de jeunes a démontré que le cerveau humain pouvait être la télécommande la plus puissante du monde. A l’aide d’un casque EEG, un bénévole a réussi à faire marcher une voiture radiocommandée uniquement avec la force du cerveau. Ce fut une excellente occasion de parler de Modulab, le laboratoire qui a réalisé cette expérimentation et d’Arduino, la plate-forme interactive qui a rendue possible le déplacement de la voiture.
Mais qu’est ce que Modulab? Eh bien, c’est une plate-forme interdisciplinaire de promotion de la recherche et de développement des nouvelles méthodes et technologies d’expression dans l’art et les industries créatives. Cette plate forme est ouverte à tous ceux qui ne se contentent pas uniquement d’appuyer sur un bouton, mais à ceux qui veulent créer leurs propres boutons, les modifier afin de détourner leurs fonctions initiales. Y sont invités ceux qui aiment démonter les gadgets pour voir ce qui s’y cache, ceux qui préfèrent plutôt les problèmes que les solutions. Modulab est un espace dans lequel un simple fil électrique peut se transformer en un gadget. C’est ici que les artistes, les programmeurs informatiques et les théoriciens sont encouragés à regarder les choses sous un autre angle, à se libérer des contraintes des conventions et à créer. Ioana Calen compte parmi les initiateurs de Modulab.
Elle explique en quelques mots ce qu’est Arduino : « Arduino est une plate-forme d’interactivité, qui crée une communication entre l’ordinateur et l’environnement et son invention est souvent comparée à l’apparition de l’ordinateur personnel. Suivant le modèle du passage très brusque d’un paradigme mécanique à un paradigme numérique, suite à l’utilisation de l’ordinateur par des personnes qui n’ont pas étudié la mécanique, maintenant on passe à un paradigme interactif par l’utilisation de cette plate-forme Arduino. Il n’est pas nécessaire d’être ingénieur, ni d’avoir fait des études technologiques, il faut savoir un peu de programmation, que l’on peut acquérir en un seul jour, vu que la plaque – ? proprement dite est très accessible et que tout étudiant peut acheter en-ligne avec peu d’effort. Pensez à l’impact de l’ordinateur sur les industries créatives : films, arts, et ainsi de suite. Un impact similaire aura aussi le concept de plaque microcontrôleur avec une interface que tout le monde peut utiliser. C’est à l’aide d’un casque Emotiv que les ondes cérébrales sont traduites en mouvement d’objets du monde réel, comme des draps ou d’autres installations. »
Le casque EEG Emotiv est en fait un accessoire développé par l’industrie des jeux vidéo. Il mesure les fluctuations électriques au niveau du cuir chevelu. Au moment où celui qui porte le casque fait un effort cognitif, les impulses électriques de cette zone du cerveau sont communiqués aux capteurs du casque. Ces dernier les communiquent par le biais d’Arduino et c’est ainsi que les objets du milieu réel sont contrôlés. Un tel casque a été utilisé dans la démonstration que nous venons d’évoquer.
Ioana Calen. « Lorsque son utilisateur se concentrait, la voiture allait en avant ou en arrière. Elle tournait à gauche si la personne clignait des yeux et à droite si elle souriait. Nous avons choisi une personne du public que nous avons entraînée un peu avant de participer à l’expérimentation. Nous l’avons priée de faire le même exercice avec un cube virtuel qu’il fallait déplacer vers l’avant ou vers l’arrière. Nous avons capté ainsi le niveau de son activité cérébrale, une sorte d’échantillon que nous avons utilisé comme référence. Et lorsqu’il s’est concentré pour faire avancer la voiture, elle s’est déplacée. Nous avons eu la chance de trouver un volontaire qui jouait des jeux vidéo et qui était habitué à utiliser son imagination dans le milieu virtuel. Il n’a pas été crispé du tout et a réussi à contrôler la voiture dès le début. »
Paul Popescu, le partenaire de Ioana Calen à la tête d Modulab, affirme que le casque s’adresse à n’importe quel utilisateur, joueur de jeux vidéo ou non, à condition qu’il s’entraîne avant: « C’est comme si on se voyait obliger d’apprendre à se servir d’un membre nouveau ou de jouer d’un instrument. Il faut de l’entraînement. Au début, il était très difficile, il nous a fallu trois jours d’exercices intensifs avec le casque pour maîtriser 4 ou 5 commandes. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, on arrive à bien utiliser le casque, c’est comme avec un instrument musical, ou du moins, ce fut mon impression à moi ! »
Ces démonstrations se proposent justement de mettre en lumière le potentiel des nouvelles technologies, affirme Ioana Calen : « Il serait vraiment intéressant que cette technologie arrive à donner un coup de main aux personnes handicapées qui souhaitent s’orienter plus facilement dans leur propre maison. Vous avez un casque EEG et toutes les lumières de chez vous, y compris celle naturelle, sont contrôlées par votre état d’esprit, votre pouls, votre niveau de détente ou d’agitation. Autant de paramètres qui dicteront aux rideaux de baisser ou bien aux ampoules de s’allumer. Techniquement, cela est bien possible. Reste à voir pratiquement comment pourrait-on faire marcher les choses, mais on peut toujours commencer par des applications plus simples. Par exemple, on peut réaliser une interaction à l’aide de différents capteurs. Il est vrai que ces nouvelles technologies sont pour l’instant utilisées dans le domaine des arts contemporains, des installations artistiques par exemple, mais je suis certaine qu’elles finiront par trouver leur place dans la vie pratique. Dans les hôpitaux, par exemple, j’aimerais bien voir des installations interactives dans les espaces réservés aux enfants afin de leurs faire oublier une opération qui approche, par exemple, ou encore dans les foyers pour les personnes âgées, on pourrait apporter un animal de compagnie robotisé. Je crois que les technologies finiront par entrer dans notre vie de tous les jours, qu’elles ne seront plus une composante strictement fonctionnelle. La plupart d’entre nous ont du mal à réaliser à quel point il est facile de faire tout ce que l’on veut à condition de savoir où chercher, à qui poser des questions, où acheter ».
Quant à Paul Popescu, celui-ci se dit adepte d’un travail collectif, d’équipe: « Personnellement, je crois que ce type d’affaire aura de plus en plus de succès. Et je pense à un business où l’on se dit prêt à partager le travail de recherche, les expériences et les solutions trouvées. On les offre gratuitement afin de les disséminer plus rapidement. Et c’est de cette manière que l’humanité finira par avancer plus rapidement. »
Modulab s’est donné pour but de créer une plate-forme para-universitaire s’adressant à tous les étudiants des domaines artistiques et pas seulement. Une plate-forme qui contribue à la démocratisation de la science et de la technologie, affirme Ioana Calen:« Les étudiants se plaignent souvent du fait que ce qu’ils apprennent à l’école n’a rien à voir avec ce qu’ils trouvent sur Internet. Une simple installation interactive leur semble du domaine de la Science Fiction, ils pensent qu’il faut un million d’euros pour ouvrir un labo technologique, ils croient qu’on doit travailler dans les TI pour faire bouger une installation en fonction de certains capteurs, ils disent que seulement les ingénieurs sont capables de résoudre les problèmes d’électricité. Or tout cela c’est du passé ! Actuellement, nous avons des solutions à même de faciliter les choses. Donc, tout ce qu’il leur faut c’est le courage de poser des questions, de faire des recherches et de se mettre au travail ». (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)