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La Constitution de la Grande Roumanie : le centenaire

La Constitution adoptée en 1923, et qui sera publiée le 29 mars 1923 dans le Journal officiel, a été de l'avis de spécialistes la forme la plus aboutie en matière de droit constitutionnel roumain.

La Constitution de la Grande Roumanie : le centenaire
La Constitution de la Grande Roumanie : le centenaire

, 05.06.2023, 00:02

La victoire des Puissances de l’Entente
à l’issue de la Grande Guerre avait ouvert la voie à la matérialisation du
principal dessein national des Roumains depuis un siècle : l’union de
toutes les provinces où ils constituaient la population majoritaire et où ils
pouvaient faire valoir leurs droits historiques dans un même Etat. Aussi, au
mois de mars de l’année 1918, la Bessarabie, soit la partie est de la Moldavie
historique, annexée par la Russie en 1812, plébiscitait l’union avec le royaume
de Roumanie. Aux mois de novembre et décembre de la même année, mettant à
profit le délitement de l’empire d’Autriche-Hongrie, ce fut le tour des
provinces de la frontière ouest, le Banat, la Bucovine et la Transylvanie, de
décider leur union avec le royaume de Roumanie. La Grande Roumanie, rêve
séculaire, venait ainsi de voir le jour.


En 1866,
lorsqu’accédait sur le trône de l’Etat roumain nouvellement constitué par l’union
de la Valachie à la Moldavie, le prince souverain Carol de Hohenzollern-Sigmaringen,
une première constitution avait été adoptée par l’Assemblée constituante. Sept
constitutions se sont succédées depuis lors, constituant chacune le miroir du
régime politique qu’elle entendait régenter. La constitution fondatrice de 1866,
inspirée de la constitution belge de 1830, avait mis les bases de la monarchie
constitutionnelle censée créer la fondation du nouvel Etat roumain. La constitution
de 1923 fut celle de la Grande Roumanie, la constitution de la réunification
pacifique des provinces historiques roumaines dans un seul et unique Etat. La
constitution royale de 1938 entendait en revanche graver dans le marbre le
régime d’autorité personnelle du roi Carol II. Les constitutions qui se sont
succédées, celles de 1948, de 1952 et de 1965 entendirent donner corps et
légitimité au régime communiste insaturé à l’issue de la Seconde guerre
mondiale sous la pression de l’occupation du pays par l’Armée rouge. La
dernière en date, toujours en vigueur, la constitution adoptée suite au référendum
de 1991, rétablit la démocratie, la séparation des pouvoirs, et le respect des
droits fondamentaux de cette Roumanie qui venait de se débarrasser du régime de
la dictature communiste.


Mais
la constitution adoptée en 1923, et qui sera publiée le 29 mars 1923 dans le
Journal officiel, a été de l’avis de spécialistes la forme la plus aboutie en matière
de droit constitutionnel roumain. Elle incarna le désir d’avenir démocratique d’une
nation réunie pour la première fois dans un même Etat, à l’issue d’une guerre
meurtrière soldée par près de 500.000 victimes. L’Académie roumaine et l’ambassade
de la république d’Italie à Bucarest avaient décidé de marquer ensemble, lors d’un
événement commun, le centenaire de l’adoption de cette constitution. Le
président de l’Académie roumaine, l’historien Ioan-Aurel Pop, nous explique l’importance
de l’événement :


« Vous
savez, la Roumanie s’était déjà dotée d’une première constitution en 1866. Mais
les réalités d’après 1918 étaient bien différentes, et il fallait dès lors mettre
à jour la loi fondamentale. Certains diront même que la Roumanie s’était dotée
tardivement d’une constitution. Cela n’est absolument pas exacte. L’Italie s’est
dotée d’une première constitution seulement en 1861, à la suite de la
réunification des Etats italiens, en reprenant beaucoup de la constitution de
1848 de Palerme. Une constitution doit en effet refléter la réalité de son
époque. Et c’est ce que la Roumanie avait fait, à l’instar des autres Etats
européens.
»


L’histoire
constitutionnelle roumaine de 19e est d’ailleurs fascinante à plus d’un
titre. Le droit coutumier de l’époque laisse peu à peu la place au droit formalisé,
façonné par les nouvelles valeurs de la modernité, portées par la Revolution française.
Parmi ces dernières : le vote populaire. Ioan-Aurel Pop :


« Vous savez, la constitution, on nous enseigne
cela sur les bancs de l’école, est la loi fondamentale des Etats. J’ajouterais :
des Etats modernes. Parce qu’on ne trouve pas de constitution au Moyen Age, Or,
dans l’espace roumain, nous avons déjà le Règlement organique de 1831-1832 pour
la Valachie et la Moldavie, voire le Diploma Leopoldinum de 1861 dans le cas de
la Transylvanie. Mais ces règlements d’ordre constitutionnel n’étaient pas tant
l’expression de la nation, mais plutôt la volonté de la Puissance occupante ou suzeraine.
Alors, la première constitution véritable est bien celle de 1866. Et elle s’est
inspirée d’un modèle extrêmement avancé à l’époque, celui de la monarchie
constitutionnelle prévue par la constitution belge de 1830.
»


Les
changements de frontières et les grands changements enregistrés à l’issue de la
Grande Guerre appelait forcément à une nouvelle loi fondamentale. Ioan-Aurel
Pop à nouveau :


« La Roumanie de 1918 avait doublé, sinon
triplé son territoire et sa population. Il fallait donc émettre un nouveau
pacte. Un pacte que seule la constitution était en mesure d’assumer en l’occurrence.
Et cette constitution de 1923 a été l’une de plus avancée en matière de démocratie
de tout le Sud-est européen. Le document affirmait la Roumanie comme un Etat
national, unitaire, indivisible, et dont le territoire était inaliénable. C’était
la constitution de l’unification, mais elle a fait long feu ».


En
effet, la constitution de 1923 tombera rapidement vite victime de l’appétit des
régimes autoritaires : le fascisme et le communisme. En 1938 d’abord, elle
sera remplacée par un ersatz de constitution, qui proclamait le régime
personnel du roi Carol 2. Rétablie après la guerre, elle sera remplacée en 1948
par le régime communiste. Ioan-Aurel Pop :


« Après moins de deux décennies, en 1938, la Roumanie
se dota d’une nouvelle constitution. Rétablie en 1944, elle sera suspendue fin
1947. Ce n’est qu’après la chute du régime communiste, en 1991, que la nouvelle
constitution, expression de la volonté de la nation roumaine qui venait de
recouvrir sa liberté, s’inspirera de celle de 1923. »


Fêter
le centenaire de la constitution de 1923 est un acte de justice rendu à ce
document qui avait pour un temps incarné les hautes valeurs morales de cette
nation roumaine qui s’était retrouvée rassemblée entre les frontières d’un même
Etat : le sien. (Trad Ionut Jugureanu)

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