Quelques moments de l’histoire de la presse roumaine
Steliu Lambru, 20.03.2023, 00:22
Le rôle de la presse dans l’évolution de la société
moderne a été tellement énorme, qu’en parler n’est que lui faire justice. Aussi,
les premiers journaux quotidiens parurent dans l’espace roumain voici près de 200
ans, vers la fin des années 1820. Mais la première publication roumaine, parue à
Iasi, et éditée en langue française, est sans nulle doute « Courier de la
Moldavie ». Dans son premier numéro, issu en 1790, elle informait ses
lecteurs des actualités moldaves, sans oublier les nouvelles d’ailleurs. La
récente exposition, abritée par la Bibliothèque de l’Académie roumaine et intitulée La presse roumaine entre tradition et modernité, entend retracer les 200 années d’histoire de presse
roumaine. Le choix du lieu de l’exposition n’est pas anodin. En effet, la
Bibliothèque de l’Académie conserve les plus importantes collections de quotidiens
et de revues parus dans l’espace roumain depuis l’apparition de la presse
écrite, soit plus de 8,5 millions d’exemplaires.
La
commissaire de l’exposition, Daniela Stanciu, relève au public présent à l’inauguration
le rôle essentiel que joue cette presse roumaine pour l’historiographie
contemporaine. Ecoutons-la :
« Vous
savez, lorsque l’on parle presse écrite, il ne faut pas entendre juste magazines
et quotidiens, mais encore périodiques, revues de spécialité, parfois même les
actes des conférences. Cela fait que l’on peut retracer l’histoire moderne d’une
nation en puisant tout simplement dans ces sources riches d’information. C’est
l’histoire écrite, à chaud, par ces témoins privilégiés qu’ont depuis toujours
été les journalistes. Prenez les reporters, qui puisent leurs informations à la
source, au plus près de l’événement. Et leurs reportages, qui rendent compte au
mieux de l’ineffable de ce quotidien d’un autre temps, et dont l’on soupçonne à
peine l’existence. Prenez encore la manière dont sont relayés les grands soubresauts
de l’histoire, ne fut-ce que pour avoir un aperçu de la manière dont ils ont
été perçus par ceux qui les traversaient et qui en étaient directement
concernés. Ces reportages et articles, relus après des décennies, voire des
siècles, rendent au mieux compte de ce que les Français appellent « l’air
du temps » ».
Mais
l’apparition et l’essor de la presse écrite ont bien évidemment été depuis
toujours liés au développement technologique. L’apparition de l’imprimerie a représenté
un saut décisif pour le développement d’une presse écrite rapidement accessible
à son public. Daniela Stanciu :
« C’est
grâce à l’apparition de l’imprimerie que la presse écrite est née, et a pu ensuite
répandre avec célérité l’information. Avant elle, il n’y avait que ce que l’on connait
sous l’appellatif de feuilles volantes, soit des feuilles détachées, manuscrites,
imprimées ou copiées à la machine à écrire. Et dans notre exposition, vous
allez pouvoir admirer ces feuilles volantes, qui ont été mises en valeur dans l’espace
réservé aux parutions de presse écrite du 19e siècle. Voici la
feuille volante qui annonce le lancement du quotidien Le courrier de Bucarest,
devenu ultérieurement Le courrier roumain. Ou encore la feuille volante de la
Proclamation d’Islaz, qui reprenait le programme politique révolutionnaire de
1848, apprécié par certains comme étant la première constitution roumaine. La
feuille volante encore qui renseigne de la fondation de l’imprimerie de la Métropolie,
en 1859. Enfin, celle reprenant et diffusant le discours du prince souverain Alexandru
Ioan Cuza, devant l’Assemblée constituante, en 1860, moment où l’on avait acté
l’union de la Moldavie et de la Valachie, et la fondation de l’Etat roumain.
Enfin, la feuille volante distribuée par le roi Carol 1er, au moment
où il décidé d’envoyer ses troupes traverser le Danube, pour recouvrir la
pleine indépendance de l’Etat roumain envers la Sublime Porte. »
Mais
qu’allons-nous trouver dans cette exposition intitulée « La presse roumaine,
entre tradition et modernité » ? Daniela Stanciu, commissaire de l’exposition
abritée par la Bibliothèque de l’Académie roumaine, nous renseigne :
« Des
parutions des célèbres quotidiens « Adevarul », « La vérité »
en traduction française, fondé en 1871, et « Dimineata », « Le
matin », fondé en 1900. Mais l’exposition présente aussi des inédits.
Telle la revue intitulée « Le musée National. Gazette littéraire et industrielle »,
parue en 1836, où l’on découvre, pour la première fois, une rubrique météo,
nichée en dernière page de chaque numéro. C’est encore cette revue qui publie
la correspondance entre ces deux grands poncifs de la révolution de 1848, Constantin
Negruzzi et Ion Heliade Rădulescu, le premier originaire de Valachie, le second
de Moldavie, deux pays encore séparés à l’époque. Vous pourrez voir aussi « Claponul. Feuille
populaire et humoristique », parue en 1877, rédigée d’un bout à l’autre
par un seul homme, le célèbre écrivain Ion Luca Caragiale. Six numéros parurent
de cette revue, mais c’est dans cette revue que Caragiale publia pour la
première fois quelques-unes de ces nouvelles, où il faisait connaître au public
sa vision sur le risible de la politique politicienne. Les numéros d’Adevarul,
La vérité, contiennent les premières correspondances de l’étranger publiées par
un quotidien roumain. C’est encore le premier journal qui introduit la
caricature de presse dans ses pages. La rédaction d’Adevarul s’est muni au fil
du temps d’une bibliothèque propre, d’une maison d’édition, d’une archive
extrêmement riche et même du premier palais, propriété de la rédaction d’un
journal. Les journalistes de ce quotidien étaient bien rétribués, et c’était un
vrai privilège de faire partie de sa rédaction. »
Ces
deux cents ans d’histoire de presse écrite roumaine constituent un héritage du
passé autant qu’une promesse d’avenir. Confrontée au défi de l’internet et de
la digitalisation, aux nouvelles technologies et aux nouveaux médias, la presse
écrite fait encore et toujours son petit bout de chemin, malgré vents et marées. (Trad.
Ionut Jugureanu)