L’assassinat d’Armand Călinescu
Le premier ministre et sa garde de corps tomberont sous la rafale de 21 balles tirées par les assaillants. L’action du commando légionnaire voulait venger de la sorte la mort de son leader, Corneliu Zelea Codreanu, arrêté, puis tué par la police, sous escorte, au mois de novembre 1938. Armand Calinescu, ministre de l’Intérieur au moment de l’assassinat, en était tenu responsable par les partisans de Codreanu. Après avoir accompli son forfait, le commando s’est ensuite dirigé vers le siège de la Radio, pour faire une déclaration. Vasile Ionescu, l’un des responsables de la Radio roumaine de 1935 à 1945, avait assisté à la descente des légionnaires au siège de la Radio. Dans une interview réalisée en 1974, il raconte la scène : « J’étais le directeur général adjoint de la Radio roumaine, et au moment de la descente des légionnaires je me trouvais dans mon bureau, situé au premier étage. J’avais comme toujours le poste de radio allumé, j’écoutais les émissions que l’on diffusait. A ce moment-là, les actualités venaient de s’achever, et la radio diffusait le prélude d’une aire d’opéra, joué par l’orchestre de la radio, dirigée à l’époque par le célèbre Constantin Bobescu ».
Steliu Lambru, 07.11.2022, 13:57
Le premier ministre et sa garde de corps tomberont sous la rafale de 21 balles tirées par les assaillants. L’action du commando légionnaire voulait venger de la sorte la mort de son leader, Corneliu Zelea Codreanu, arrêté, puis tué par la police, sous escorte, au mois de novembre 1938. Armand Calinescu, ministre de l’Intérieur au moment de l’assassinat, en était tenu responsable par les partisans de Codreanu. Après avoir accompli son forfait, le commando s’est ensuite dirigé vers le siège de la Radio, pour faire une déclaration. Vasile Ionescu, l’un des responsables de la Radio roumaine de 1935 à 1945, avait assisté à la descente des légionnaires au siège de la Radio. Dans une interview réalisée en 1974, il raconte la scène : « J’étais le directeur général adjoint de la Radio roumaine, et au moment de la descente des légionnaires je me trouvais dans mon bureau, situé au premier étage. J’avais comme toujours le poste de radio allumé, j’écoutais les émissions que l’on diffusait. A ce moment-là, les actualités venaient de s’achever, et la radio diffusait le prélude d’une aire d’opéra, joué par l’orchestre de la radio, dirigée à l’époque par le célèbre Constantin Bobescu ».
En dépit de la surprise et de la violence employés par le commando légionnaire dans l’exécution de la mission qu’il s’était assignée, le personnel de la Radio roumaine était finalement parvenu à les empêcher de mener à bien leur dessein. Vasile Ionescu : « J’entends tout un coup le bruit de deux coups de révolver. Le bruit parvenait depuis l’entrée du bâtiment de la Radio. Je me jette vers la fenêtre, je l’ouvre, et demande des éclaircissements aux gens qui s’amassaient sur le trottoir, devant l’entrée. Et l’on me répond : « Ce sont les légionnaires ». Je comprends tout de suite que l’on était attaqué. L’orchestre continuait pourtant de jouer, comme si de rien n’était, je l’entendais sur mon poste. Et puis, alors que je revenais depuis la fenêtre et que me dirigeais vers la porte, j’entends sur les ondes un drôle de bruit, suivi d’une voix étranglée qui s’exclame : « Le premier-ministre Armand Calinescu a été… ». Mais le mec n’est pas parvenu à achever sa phrase. Dès que j’entends ce début de phrase, j’appuie sur le bouton de panique, qui produisait un court-circuit, et mettait le micro hors service. Je déclenche aussi l’alarme, qui avait été installée précisément pour parer à ce genre d’occurrence ».
En ce mois de septembre 39, la Seconde Guerre mondiale venait juste de commencer. La Roumanie, encore neutre, prenait déjà des mesures de précaution, et la militarisation des institutions publiques clées en faisait partie. Entre autres, la direction de la Radio allait passer sous commandement militaire. Vasile Ionescu : « J’étais tout remué par ce que je venais de vivre. J’ai dévalé les marches à toute vitesse et, une fois arrivé au rez-de-chaussée, j’avais pris le commandement des gardes qui se trouvaient sur place, à l’entrée. J’ai fait mettre les gens en dispositif, devant la porte d’entrée du studio, là où le commando s’était retranché. J’avais à ma suite un gradé de l’armée, mais aussi un chauffeur, Coşciug Theodor, et le concierge Crâşmaru Vasile, les deux armés ».
Et c’est bien cette troupe improbable qui se lance à désarmer et à mettre hors état de nuire le commando légionnaire. Vasile Ionescu : « Je vois s’ouvrir d’un coup la porte du studio où s’étaient retranchés les mecs. Ils avaient l’air perdu, complétement sonnés. C’est moi qui ai hurlé : « Haut les mains, sinon je tire ! ». J’avais juste mes lunettes à la main. Mais mes compagnons, qui me suivaient de près, les ont tout de suite pris en joue. Je n’ai pas eu le temps de répéter la somation que le type qui était devant moi, et qui était le meneur de la bande, Miti Dumitrescu, a tout de suite jeté son arme. Les autres lui ont emboîté le pas, tous les 7. »
Une fois la menace annihilée, Ionescu et ses compagnons s’empressent de sécuriser le périmètre : « Les gardes sont rapidement arrivées en nombre et les ont immobilisés. On a ensuite appelé la préfecture de police, puis je suis allé voir les musiciens de l’orchestre, qui étaient anéantis par la scène qu’ils venaient de vivre. Le directeur de l’orchestre, Constantin Bobescu, s’était figé, sa baguette à la main. Il était incapable de sortir le moindre son, incapable de bouger, tellement il était effrayé. La pianiste, madame Voicu, me montre alors ce que les tueurs avaient déposé dans une niche, qui cachait un fichet, et que l’orchestre utilisait pour entreposer les partitions. Et là, je découvre une machine infernale, dotée d’une mèche, qui était allumée. La mèche brûlait déjà. Longue de 30, 40 centimètres. Vous imaginez que mon premier réflexe a été d’éteindre la mèche, de désamorcer la bombe. Je l’ai éteinte, je l’ai écrasé sous les semelles de mes chaussures ».
Les tueurs du premier-ministre Armand Călinescu seront exécutés sous peu, en l’absence de tout procès légal. Mais cet épisode marque pour la Roumanie son entrée de plein pied dans l’époque des horreurs de la Seconde Guerre mondiale. (Trad. Ionut Jugureanu)