La résistance française de Roumanie pendant la Deuxième guerre mondiale
La Roumanie entre
dans la Deuxième guerre mondiale à l’été 1941, après avoir souffert une triple
amputation territoriale l’année précédente. C’était, en effet, au mois de juin
1940 que l’Union soviétique avait annexé la partie est de la Moldavie, soit la
Bessarabie, et la Bucovine de Nord. Au mois d’août de la même année, c’était le
tour de la Hongrie d’annexer la partie nord de la Transylvanie, ainsi que la
province historique du Maramureș. Enfin, au mois de septembre 1940, la Bulgarie
occupait la Dobroudja et le Quadrilatère. La crise profonde, qui en résultat, s’acheva
par l’abdication du roi Charles II, au profit de son fils, Michel I, puis par
l’instauration de l’Etat national-légionnaire, qui amènera la Roumanie dans le
giron de l’Allemagne nazie, puis dans la guerre que cette dernière déclenche
contre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique.
Steliu Lambru, 20.09.2021, 10:04
La Roumanie entre
dans la Deuxième guerre mondiale à l’été 1941, après avoir souffert une triple
amputation territoriale l’année précédente. C’était, en effet, au mois de juin
1940 que l’Union soviétique avait annexé la partie est de la Moldavie, soit la
Bessarabie, et la Bucovine de Nord. Au mois d’août de la même année, c’était le
tour de la Hongrie d’annexer la partie nord de la Transylvanie, ainsi que la
province historique du Maramureș. Enfin, au mois de septembre 1940, la Bulgarie
occupait la Dobroudja et le Quadrilatère. La crise profonde, qui en résultat, s’acheva
par l’abdication du roi Charles II, au profit de son fils, Michel I, puis par
l’instauration de l’Etat national-légionnaire, qui amènera la Roumanie dans le
giron de l’Allemagne nazie, puis dans la guerre que cette dernière déclenche
contre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique.
La destruction de l’équilibre qui avait prévalu à la fin de la Première
guerre mondiale n’avait pourtant pas pu être achevée avant que la France,
principal artisan de la paix signée à Versailles, ne soit mise hors-jeu, à la
suite de sa défaite du mois de juin 1940. La chute de la France allait jeter
l’Europe dans la guerre la plus meurtrière que le monde eut connue, une guerre
soldée par des dizaines de millions de victimes, ainsi que par des pertes
matérielles incalculables. Après la débâcle française, l’Europe entre sous la
férule allemande, et il faudra aux Alliés près de 5 années de guerre pour
mettre à genoux l’Allemagne nazie et ses alliés.
Ces années ont pourtant été marquées par l’héroïsme, encore trop souvent
méconnu, des petites gens, qui avaient décidé, au péril de leur vie, de
s’engager dans la lutte contre le nazisme. C’est aussi l’histoire de ces trois
Français, résidents en Roumanie, que nous contera Oana Demetriade, du Conseil
national pour l’étude des archives de la Securitate, l’ancienne police
politique roumaine de l’époque communiste. Ecoutons-la : « C’est l’histoire d’un petit groupe de Français qui avaient pris la
décision de s’engager contre le nouveau régime pro nazi de la Roumanie de
l’époque. Des gens qui avaient commencé à faire de l’espionnage au profit de la
France libre, au profit des Anglais aussi. Et dans le centre de notre histoire
se trouve une Française, Henriette Sümpt, établie en Roumanie en
1928, qui avait acquis la nationalité roumaine par le mariage. Au moment où elle
s’engage dans la Résistance, la France était déjà défaite. Pourtant, elle trouve
le moyen d’établir un contact avec l’agence britannique, la Special Operations
Executive, basée à Istanbul. C’est à partir de ce moment-là qu’Henriette Sümpt commence à transmettre
des informations précieuses aux Anglais, sans se douter que le Service spécial
d’informations, soit le contre-espionnage roumain, l’avait repérée. »
Henriette Sümpt travaillait comme secrétaire dans les bureaux de la
célébré agence française de presse Havas. En 1940 déjà, soit avant le début du
conflit, elle utilise les bases de données de l’agence de presse pour fournir
les premières informations aux Français et aux Anglais. Elle commence par
transmettre les mouvements des troupes allemandes en Roumanie: corps d’armées,
numéros d’immatriculation des véhicules militaires, armement utilisé, trajets
empruntés par ces troupes, leur nombre, tout y passe. Henriette
Sümpt faisait ses promenades dans le quartier de Floreasca, à
Bucarest, d’où elle pouvait suivre sans encombre les mouvements de l’aviation
allemande, basée à l’aéroport de Băneasa, situé à proximité. Mais elle se
déplace aussi dans d’autres endroits de Roumanie pour dénicher les informations
qu’elle cherche réunir. L’on suit ainsi sa trace à Galați, Râmnicu Sărat,
Focșani, Bacău, Iași, Botoșani, toutes ces villes qui bordaient la frontière
est de la Roumanie, celle avec l’URSS. Oana Demetriade : « C’est toujours elle qui, avec un
journaliste français, Maurice Nègre, arrive à monter un petit réseau
d’espionnage. Ensemble, ils envoient de drôles de dessins, qui ne voulaient rien
dire à un non initié. Leurs dessins représentaient des feuilles, des biches, un
chien ou un serpent. Mais chaque dessin représentait en fait un type bien
précis d’unité militaire allemande, des unités qui se déplaçaient à travers la
Roumanie, pour se déployer dans les Balkans ou se concentrer à la frontière
soviétique. »
En dépit des précautions prises, le réseau finira par tomber et Henriette
Sümpt sera arrêtée. Oana Demetriade : « Le réseau a été découvert et ses membres arrêtés, sous la pression
des Allemands. Henriette a été arrêtée la première. Les agents du
contre-espionnage roumain découvrent du matériel informatif lors des
perquisitions de sa maison. L’agent qui l’arrête lui brosse le portrait :
une femme belle, très intelligente, à l’esprit vif, douée en dessin, sachant se
maîtriser et ne laissant rien paraître lors de l’arrestation. Le procès est
mené tambour battant, à la suite duquel Maurice Négre, condamné, sera libéré
après seulement quelques mois passés en prison, à la suite de l’intervention
des autorités françaises. Henriette, elle, condamnée à 10 années de travaux
forcés, demeurera en prison plus longtemps, passant le plus clair de cette
période dans le centre pénitentiaire pour femmes de Mislea. Ses ex-époux, car
elle avait été mariée à deux reprises, ne l’avaient pourtant pas abandonnée.
Ils vont l’aider à rédiger ses mémoires en grâce, qu’elle va adresser au roi
Michel. Elle sera finalement libérée le 22 août 1944. Le lendemain, le roi
Michel déposera le maréchal Antonescu, pro nazi, et la Roumanie passera dans le
camp des Alliés. »
Après la guerre, Henriette Sümpt devient sœur de charité, puis
masseuse, travaillant pour des centres médico-sportifs. Ses moindres faits et
gestes seront épiés par la police politique communiste, la Securitate, mais il
semble qu’elle se soit départie de ses activités d’espionne, car les notes
informatives rédigées par les agents de la Securitate ne font état d’aucun
agissement suspect. En 1959, elle sera rapatriée en France, grâce à
l’intervention de son troisième mari. Aux côtés d’Henriette Sümpt et de Maurice Négre, rappelons encore la
présence du journaliste Jean Paul Lenseigne, qui avait à son tour rejoint les
deux premiers résistants, dans leurs actions courageuses menées pour défendre aussi
bien la France libre que leurs convictions personnelles. (Trad Ionut Jugureanu)