Les affres de la surveillance politique dans le monde rural roumain
La police politique, la Securitate, la Milice, qui était la police communiste, enfin les réseaux dindics ont constitué la triade de la terreur exercée par le régime. Elle sest souvent traduite par des vagues de persécutions et de condamnations à tout va, et dont sont le plus souvent tombaient victimes les innocents. Dautres étaient persécutés pour leurs opinions politiques et pour défendre leur patrimoine, grâce auquel ils gagnaient leur vie. La surveillance et la répression policière étaient en effet omniprésentes à lépoque, le régime ayant commis tous les types dinfractions à légard de la personne, homicides compris.
Steliu Lambru, 23.08.2021, 13:38
La police politique, la Securitate, la Milice, qui était la police communiste, enfin les réseaux dindics ont constitué la triade de la terreur exercée par le régime. Elle sest souvent traduite par des vagues de persécutions et de condamnations à tout va, et dont sont le plus souvent tombaient victimes les innocents. Dautres étaient persécutés pour leurs opinions politiques et pour défendre leur patrimoine, grâce auquel ils gagnaient leur vie. La surveillance et la répression policière étaient en effet omniprésentes à lépoque, le régime ayant commis tous les types dinfractions à légard de la personne, homicides compris.
La question de la surveillance et de la répression politique exercées dans les grandes agglomérations urbaines a été amplement abordée par les chercheurs, à bon escient dailleurs, car le risque dexplosion était plus important, et pouvait avoir des conséquences dramatiques pour le régime. Et, en effet, cest dans la ville, peuplée par une grande diversité en termes de catégories sociales et bénéficiant dune grande concentration de populations, que la surveillance était ressentie de manière prégnante. Pourtant, le monde rural na pas non plus été dispensé de la présence de lappareil de surveillance et de répression du régime. De fait, historiquement, le début de la répression communiste commence à se faire sentir surtout dans le monde rural, un élément qui se poursuit, sans discontinuer, jusquà la chute violente du régime, fin 1989.
Le processus de collectivisation de lagriculture, entamé le 2 mars 1949 et impliquant la confiscation des terres agricoles, sétait heurté demblée à la résistance acharnée des petits propriétaires terriens quétaient les paysans de lépoque, organisés à certains endroits dans de véritables troupes paramilitaires anticommunistes, composées danciens militaires opposés au régime et de paysans révoltés. Devant cette résistance, lEtat communiste réplique, en instaurant la terreur, qui a vite fait de gagner les campagnes. Cest là quil développa dabord son réseau dindics, indispensable pour le renseigner sur lidentité des partisans, sur les ressources et les appuis dont ils disposaient, sur leurs moyens de communication. Pour lEtat communiste, la surveillance des campagnes représente ainsi, dès le départ, un enjeu énorme. Et lhistoire de la résistance anticommuniste note le rôle essentiel des informateurs pour la liquidation des groupes de partisans. Les fosses communes découvertes ces dernières années permettent dimaginer lampleur du carnage, laissant apparaître des dizaines de corps de paysans, souvent exécutés sommairement et ensevelis sur place, à proximité des bois, à lécart des villages.
Lhistorien Gheorghe Miu a longuement étudié les dispositifs de surveillance et de répression mis en place par le régime dans la région de Buzău. Des dispositifs quil croit répliqués à lidentique dans tout le pays. Gheorghe Miu :
« Ces structures militarisées du régime communiste ont été implantées dans les campagnes roumaines, dans ces villages qui devenaient socialistes, au travers des antennes de la Securitate, et aussi des postes de milice. Ces antennes disposaient dun réseau dindics souvent bien étoffé, de logements conspiratifs, dagents, dune structure informative complexe, et dont faisaient état beaucoup de documents auxquels jai eu accès. Lantenne de la Securitate, établie dans un village, avait pour rôle de renseigner. Elle surveillait et supervisait les réseaux dindics. Le responsable de lantenne pouvait être le chef du poste de milice communale par exemple. Il remontait les informations glanées sur le terrain vers lofficier de la Securitate. »
Cet appareil complexe ne pouvait évidemment pas fonctionner en labsence dindicateurs. Pour les recruter, la Securitate ratissait large. Certains étaient appâtés par des avantages matériels, dautres cédaient devant les contraintes et le chantage. Ainsi, ceux de la première catégorie pouvaient espérer accéder à un meilleur poste, se voir répartir une belle maison, bénéficier dun meilleur salaire et dautres formes de récompense financière, voire avoir accès au passeport et pouvoir voyager à létranger. Mais souvent en milieu rural, le recrutement des indics se faisait par la peur et la terreur seules. Gheorghe Miu explique :
« Très souvent, les informateurs étaient affublés dun nom de code, dun sobriquet. Ils étaient issus de toutes les classes sociales, de tous les milieux. La Securitate cherchait à recruter surtout dans le milieu de ceux quelle visait : des voisins, des proches, dautres agriculteurs. Mais lon a découvert aussi des enseignants, voire un employé de banque, de la banque dEtat, envoyé dans les campagnes pour vanter les bienfaits du système dépargne géré par lEtat. Il était pourtant chargé par la Securitate dun certain nombre de missions précises. Ces gens ne bénéficiaient pas davantages matériels à proprement parler en échange de leur félonie. Ils étaient racolés par la peur, par la terreur. On les appelait au poste de milice et ils se mettaient à écrire parce quils avaient peur. »
Lhistorien Gheorghe Miu a rencontré pourtant des paysans qui ont préféré longuement souffrir plutôt que de trahir. Lun de ces cas fut son propre grand-père :
« Prenez le cas de mon grand-père, Vasile Miu, un agriculteur qui sétait opposé à la collectivisation des terres. Le régime na pas pu le faire changer davis, il est resté en dehors de la coopérative agricole de production jusquen 1989, mais il en a subi les conséquences. Javais retrouvé un dossier denquête à son nom, il a été poursuivi au pénal. Pourtant, ce nétait pas un propriétaire denvergure. Cétait un paysan, il possédait en tout et pour tout 9 hectares de terre. Malgré cela, il a été accusé dêtre réactionnaire, ennemi du régime. Lenquête a démarré à la suite de la lettre quil avait envoyée au président du Conseil populaire de la commune de Padina, Gigel Stoicescu, lun des artisans locaux de la collectivisation au département de Buzău. La Securitate dresse alors un dossier de vérification et un autre denquête pénale à son nom, et cest là que le calvaire commence. Il sera condamné à trois mois de prison ferme pour avoir vendu au marché un cheval qui avait été placé sous séquestre par le Fisc communiste, suite au non-paiement des quotas auxquels étaient astreints les agriculteurs à lépoque. »
Lappareil de surveillance et de répression du régime communiste a sévi avec la même brutalité à la campagne comme à la ville. De nombreux paysans ont encore des souvenirs du calvaire que la Securitate, la milice et les indics leur ont fait subir dans les campagnes pendant les longues années noires du régime communiste.
(Trad. Ionut Jugureanu)