Arlette Coposu
Les femmes ont souffert dans les prisons communistes autant que les hommes. Ce fut le cas parmi beaucoup d’autres d’Arlette Coposu, l’épouse du détenu politique Corneliu Coposu, qui a purgé 14 ans de prison en raison de ses convictions et de celles de son époux. Arlette Coposu a été tout aussi intègre, intelligente et dévouée que son célèbre époux, l’homme politique Corneliu Coposu.
Steliu Lambru, 21.09.2020, 13:51
Les femmes ont souffert dans les prisons communistes autant que les hommes. Ce fut le cas parmi beaucoup d’autres d’Arlette Coposu, l’épouse du détenu politique Corneliu Coposu, qui a purgé 14 ans de prison en raison de ses convictions et de celles de son époux. Arlette Coposu a été tout aussi intègre, intelligente et dévouée que son célèbre époux, l’homme politique Corneliu Coposu.
L’histoire de la vie de Corneliu Coposu a été amplement racontée et analysée après la chute du communisme en 1989. Il est d’ailleurs un modèle de la renaissance de la démocratie roumaine et de la souffrance dignement assumée durant l’époque communiste. Secrétaire personnel du grand homme politique roumain Iuliu Maniu durant l’entre deux guerres, Corneliu Coposu a passé 17 ans et demi dans les prisons communistes, de 1947 à 1964, dont 8 ans en isolement. En décembre 1989, alors que la révolution anti-communiste était en plein déroulement, ce fut lui qui aux côtés de plusieurs survivants des prisons communistes, ont rebâti le Parti national paysan chrétien démocrate. Mais Arlette Coposu est moins connue du grand public. Victime des horreurs du communisme, la destinée d’Arlette a été encore plus injuste que celle de son époux, surnommé Seniorul »/« Le Sénior », par ses camarades de parti d’après 1989. Après l’arrestation de Corneliu Coposu le 14 juillet 1947, Arlette a été évacuée de leur maison et a dû s’installer chez sa belle famille. En 1950, aux côtés de sa sœur, France, Arlette a été a été arrêtée et condamnée à 14 ans de prison, étant accusée d’espionnage en faveur de la France. Sa sœur, France, meurt en prison et Arlette, même si elle survit au système carcéral communiste, meurt en 1966 emportée par un cancer, deux ans seulement après sa mise en liberté et les retrouvailles avec son époux. Après le décès de sa femme, Corneliu Coposu ne s’est jamais remarié et n’a pas eu d’enfants.
Arlette Marcovici, future Arlette Coposu, est née en 1915 à Constanta, sur la côte roumaine de la mer Noire. Son père était le général Ion Marcovici et sa mère d’origine franco-suisse s’appelait Jeanne Huser. Arlette a eu trois sœurs : Odette, issue du premier mariage de son père, France et Antoinette. La famille Marcovici possédait à Constanta un hôtel sur la côte qui s’appelait « Hotelul Francez »/ « L’hôtel français » et ce fut là qu’Arlette Marcovici et Corneliu Coposu se sont rencontrés pour la première fois en 1941. Ils se sont mariés le 24 octobre 1942 et ont vécu ensemble pendant seulement 5 ans, jusqu’à l’arrestation de Corneliu.
Beaucoup de gens parlent de ce que Corneliu Coposu a signifié dans l’histoire de la Roumanie, et il a certainement été une personnalité remarquable. Certains historiens pensent que la démocratie en Roumanie aurait été beaucoup plus difficile à reconstruire si son personnage n’avait pas survécu au régime communiste. Mais pour mieux connaître la personnalité d’un homme de la taille du « Senior », il est très important d’aller au-delà du personnage politique et de regarder de plus près ses sensibilités et ses proches. Ionuț Gherasim, président de la fondation «Corneliu Coposu», a présenté un portrait de l’épouse de Corneliu Coposu, Arlette, réalisé par Flavia Bălescu-Coposu, sa belle-sœur : « Le nom d’Arlette est entré dans la maison de notre famille d’une façon aussi soudaine que surprenante. C’était au printemps 1941, quand nous nous étions réfugiés loin de chez nous. Mon père était revenu de Bucarest où il avait assisté à une réunion avec l’archevêque Andrea Casulo, le nonce papal. Après la conférence, mon père a rencontré Cornel, qui était accompagné d’une jeune femme blonde aux yeux bleus. Elle parlait la plus belle langue roumaine, le roumain littéraire, sans aucun accent provincial. Elle avait un visage lumineux et un regard direct. Papa nous a dit qu’il était sûr qu’elle serait l’épouse de Cornel. Sur le calendrier, leur mariage a duré 24 ans, mais ils n’ont vécu ensemble que 6. Elle a vécu peu de temps à nos côtés, mais nous l’avons aimée, admirée, elle était vraiment l’incarnation du nom Arlette (« Honneur ») tel qu’il apparaît dans le dictionnaire: compétente, active, sympathique, généreuse, attentive, sérieuse, créative, tempéramentale. »
L’historienne Andreea Mâniceanu est l’autrice d’une biographie consacrée à Arlette Coposu. Pour l’écrire, elle a passé des dizaines d’heures en compagnie de Flavia Bălescu-Coposu et de Rodica Coposu, les sœurs de Corneliu Coposu et les belles-sœurs d’Arlette Coposu, qui ont raconté des tas de choses sur la relation entre les Corneliu et Arlette, elle a vu des photos et des documents des archives familiales. Le résultat en est un volume de micro-histoire dont Andreea Mâniceanu est très contente, car elle a réussi à trouver pour son héroïne une place dans l’histoire récente de la Roumanie et dans la galerie des femmes qui ont défendu leur honneur contre le mal et ont trouvé la force de regarder vers l’avenir : «Une histoire de vie est continuée. C’est une histoire de vie car Arlette Coposu était un exemple de dignité et de simplicité. C’était une femme extraordinaire, son courage et sa foi étaient inébranlables. En regardant la photo prise le jour de sa sortie de prison, après 14 ans de tourment dans les geôles communistes, Arlette trouve la force de sourire. C’est une photo sur laquelle une femme, après plus d’une décennie de souffrance, trouve cette force de continuer à regarder avec optimisme vers l’avenir. Si ce n’était que cela et son histoire a mérité de ne pas être oubliée par l’histoire. »
La tragédie d’Arlette Coposu est peu connue des Roumains d’aujourd’hui. Mais justice lui a été tout de même rendue, d’une certaine manière, à travers les deux bustes de son mari et le nom d’un boulevard, à Bucarest, et à travers d’autres monuments du pays. (Şt.B)