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L’Internationale des polices politiques dans l’ancien bloc de l’Est

A compter de 1945, suite à la défaite de l’Allemagne nazie et à l’occupation de l’Europe de l’Est par les troupes soviétiques, l’histoire de la région est à nouveau bouleversée, cette fois par l’instauration du régime communiste dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Et puis, on le sait, et ce depuis 1917, dire communisme au pouvoir, c’est parler répression et terreur d’Etat. Que la police politique se soit appelée Tchéka, NKVD ou KGB dans l’ancienne URSS, AVH en Hongrie, SB en Pologne, StB en Tchécoslovaquie, STASI en Allemagne de l’Est ou encore Securitate dans la Roumanie communiste, les services de police politique ont tous rempli la même mission – réprimer toute tentative de mettre en cause ou en danger l’autorité du régime. Le célèbre Felix Dzerjinski, premier chef de la Tchéka soviétique, créa le monstre qui se nourrit au fil des ans de dizaines de millions de victimes, et dont le modèle fut importé à l’identique dans tous les pays du bloc de l’Est occupés par l’URSS après la Seconde Guerre mondiale.

L’Internationale des polices politiques dans l’ancien bloc de l’Est
L’Internationale des polices politiques dans l’ancien bloc de l’Est

, 09.03.2020, 13:24

A compter de 1945, suite à la défaite de l’Allemagne nazie et à l’occupation de l’Europe de l’Est par les troupes soviétiques, l’histoire de la région est à nouveau bouleversée, cette fois par l’instauration du régime communiste dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Et puis, on le sait, et ce depuis 1917, dire communisme au pouvoir, c’est parler répression et terreur d’Etat. Que la police politique se soit appelée Tchéka, NKVD ou KGB dans l’ancienne URSS, AVH en Hongrie, SB en Pologne, StB en Tchécoslovaquie, STASI en Allemagne de l’Est ou encore Securitate dans la Roumanie communiste, les services de police politique ont tous rempli la même mission – réprimer toute tentative de mettre en cause ou en danger l’autorité du régime. Le célèbre Felix Dzerjinski, premier chef de la Tchéka soviétique, créa le monstre qui se nourrit au fil des ans de dizaines de millions de victimes, et dont le modèle fut importé à l’identique dans tous les pays du bloc de l’Est occupés par l’URSS après la Seconde Guerre mondiale.


Et si ces polices politiques nationales ont toutes bénéficié de cet ADN commun, l’on peut se poser légitimement la question de leur advenir après la chute du régime qui leur avait donné naissance, fin 1989. L’historien Marius Oprea, fin connaisseur des systèmes répressifs communistes, croit pouvoir identifier une similitude dans leurs destinées respectives, à la seule exception notable de la STASI, la police politique de l’ancienne RDA. Ecoutons-le : « L’évolution des services secrets communistes a été assez similaire dans les différents pays du bloc de l’Est après la chute du régime qui les avait créés, à l’exception de la situation en Allemagne de l’Est. Dans ce dernier cas, les noms des agents de la STASI, la police politique allemande, ont été épluchés et passés au peigne fin. Certains se sont retrouvés devant la justice, mais tous, sans exception, ont dû quitter le système. Vous savez, avec Ticu Dumitrescu, l’ancien président de l’Association des anciens détenus politiques roumains, invités par Joachim Gauck, nous nous sommes plongés pendant plus d’un mois dans les archives de la STASI. Et le chauffeur de taxi qui m’amenait depuis mon hôtel et au bâtiment des archives était un ancien officier de la STASI. Il connaissait, certes, le chemin. Mais il avait changé de vocation. C’est que, dans le cas allemand, après la réunification, les Allemands de l’Ouest ont voulu connaître ceux qu’ils avaient invités à table. »


Dans le langage des historiens, une nouvelle expression s’est fait jour. Il s’agit de l’Internationale des polices politiques communistes. Cela renvoie à l’Internationale communiste, cet instrument que les Soviétiques avaient créé pour propager leur influence aux quatre coins du monde. Cette Internationale tchékiste, telle que l’avait baptisée l’historien français Emmanuel Droit, car dotée d’un même ADN, s’abreuvant de cette même source qu’avait été la Tchéka, a poursuivi sa destinée commune dans l’ensemble des pays du bloc de l’Est après la chute du régime communiste, à l’exception de l’Allemagne. L’opinion générale est que les anciens membres de cette Internationale inédite ont réussi à devenir les nouveaux riches, les profiteurs de la période de transition, ils se sont mués en l’espace d’une nuit en les nouveaux gourous des médias et en hommes politiques incontournables. Marius Oprea n’a pourtant pas l’air de s’étonner de cette métamorphose subite. C’est que, fin 89, la liberté a été recouvrée par les sociétés d’Europe centrale et de l’Est, une liberté qui a profité aussi, ou surtout, aux anciens membres des polices politiques du régime déchu. Dans un ouvrage qui retrace la carrière de certains membres du système répressif des anciens pays communistes, Marius Oprea montre à profusion comment ces gens se sont hissés au sommet du pouvoir dans la société postcommuniste : « Malheureusement, dans les anciens pays du bloc de l’Est, les structures répressives se sont maintenues au pouvoir. Il est vrai toutefois que l’unité d’action et de coordination, qui était de mise entre les services similaires à l’époque, s’est effritée. Parce qu’avant 1989, les services du Pacte de Varsovie collaboraient étroitement. Entre la Securitate roumaine et le service hongrois il y avait un échange soutenu d’informations au sujet des dissidents et des opposants politiques. Il y avait un transfert de technologies, notamment entre les services roumains, est-allemands et tchécoslovaques. Cela pouvait même constituer une raison de fierté nationale, pour ainsi dire. Par exemple, les services roumains avaient mis au point en 1949 un système qui permettait la mise sous écoute du poste téléphonique. »


Mais dans ce contexte peu reluisant, la Roumanie se distingue comme le mauvais élève de la classe dans le domaine de la désaffectation des anciens agents de la Securitate, selon le même Marius Oprea : « J’avais eu le plaisir de participer en 2003, dans la ville de Weimar, en Allemagne, à un colloque sur ce thème, le seul en son genre. Il s’agissait d’une réunion des services de renseignement des anciens pays de l’Est. J’étais un des seuls historiens de l’assemblée. Et l’on abordait l’évolution des services secrets dans les différents pays de la région. Et la Roumanie, c’était terrible. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’en Roumanie, aussi bien l’armée que les services secrets ont participé à la répression, au changement sanglant du régime, au coup d’Etat contrerévolutionnaire qui a vu monter au pouvoir la clique pro moscovite de Ion Iliescu après la chute du communisme pur et dur. Et dans ces conditions, ces gens n’avaient plus le choix. Il leur fallait garder le pouvoir à tout prix, pour sauver leur peau, après le bain de sang qu’ils avaient produit à Timisoara et à Bucarest. Ils se sont en fait rangés à leur corps, défendant les oukases moscovites qui ont fait chuter le régime de Nicolae Ceausescu le 22 décembre 1989. »


Ce qui est évident, c’est que le sort des pays d’Europe centrale et de l’Est est demeuré solidaire, depuis 1945 à nos jours. Et le sort de leurs polices politiques respectives a dû partager, en gros, la même destinée.


(Trad. Ionut Jugureanu)

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