La formidable histoire de la Radiodiffusion roumaine
C’était le 1er novembre 1928 que la voix de Radio Roumanie se faisait entendre pour la première fois. Les aspirations que les Roumains exprimaient à la fin des années ’20 donneront le ton à ces premières émissions. Depuis lors, la Radio roumaine s’est avérée un tournesol efficace des bouleversements qui ont traversé et secoué, parfois violemment, la société roumaine, tout au long du 20e siècle.
Steliu Lambru, 11.11.2019, 13:50
C’était le 1er novembre 1928 que la voix de Radio Roumanie se faisait entendre pour la première fois. Les aspirations que les Roumains exprimaient à la fin des années ’20 donneront le ton à ces premières émissions. Depuis lors, la Radio roumaine s’est avérée un tournesol efficace des bouleversements qui ont traversé et secoué, parfois violemment, la société roumaine, tout au long du 20e siècle.
Ainsi, le 23 août 1944, la Roumanie passait-elle, avec armes et bagages, dans le camp des Alliés, provoquant l’effondrement rapide des positions allemandes dans les Balkans. La Roumanie écourtait en cela la durée de la Seconde Guerre mondiale, et limitait ainsi les pertes humaines et matérielles subies par les pays combattants. Vasile Ionescu, directeur de Radio Roumanie de l’époque, a été présent au conseil de guerre convoqué par le roi Michel, le soir du 23 août 1944. Il s’en souvient :
« C’est dès 18h00 et jusqu’à environ 22h00, le soir historique du 23 août 1944, que j’ai assisté dans le cabinet même du souverain aux décisions censées renforcer le coup d’Etat qui avait eu lieu peu de temps auparavant. Ce coup d’Etat, fomenté et mené par le roi, avait arrêté le maréchal Antonescu, notre Duce local, grand allié d’Hitler, et ses principaux collaborateurs. Parmi ces derniers, notons le professeur Mihai Antonescu, vice-président du Conseil des ministres mais également ministre des Affaires étrangères et de la Propagande, Constantin Pantazi, ministre de la Guerre, le général Piki Vasiliu, à l’époque de son arrestation secrétaire d’Etat aux Affaires intérieures et commandant des gendarmes, enfin, Gheorghe Alexianu, professeur des universités et ancien gouverneur de la Transnistrie. Radu Lecca, commissaire général aux questions juives, avait été arrêté plus tôt, le même jour, entre 15h30 et 16h00. »
En 1968, les troupes du Pacte de Varsovie, à l’exception notable de celles de la Roumanie, allaient envahir la Tchécoslovaquie pour mettre un terme à la politique réformiste d’Alexandre Dubcek. L’ingénieur Ilie Drăgan a fait partie de l’équipe technique de Radio Roumanie, qui a transmis en direct le discours de Nicolae Ceaușescu, celui-là même qui l’a rendu célèbre, alors qu’il condamnait l’intervention de l’URSS dans ce pays frère. Ecoutons-le :
« C’était en 1968, l’on m’a appelé en urgence, car il fallait transmettre en catastrophe, en direct, le meeting qui avait lieu place de la République. J’y suis arrivé avec une équipe technique, on filmait, monté sur un camion de la Télévision, l’on avait improvisé une place pour le correspondant là-même, sur le toit du camion. Cela a été une transmission extrêmement difficile, nous avons eu du mal à pénétrer à travers la foule qui se pressait pour assister au discours. Je me rappelle être parvenu à placer le camion un peu à l’écart, juste devant une fenêtre du bâtiment qui abritait le Comité central du parti communiste roumain. C’est grâce à des techniciens des PTT que l’on est parvenu à réaliser les connexions, juste un quart d’heure avant le début du discours. Nous étions en contact permanent avec la cabine de transmission et le contrôle général de la Radio ».
A Radio Roumanie Internationale, les grands moments de l’histoire universelle ont été enregistrés sur bande magnétique. Le premier homme sur la Lune a certainement été l’un de ces moments d’exception. Sergiu Levescu, journaliste au Service français de la RRI, se rappelle comme si c’était hier cette journée du 20 juillet 1969, jour où l’équipage d’Apollo 11 allait fouler sous ses pas le sol lunaire. On l’écoute revivre ces moments :
«Lorsque l’on a abordé cet événement, les disputes géopolitiques entre l’Est et l’Ouest ont été laissées de côté. Vous savez, lorsqu’Amstrong est sorti du module, nous nous sommes tous réunis dans le bureau de la rédactrice en chef de l’époque, Hortensia Roman, pour entendre la transmission à la radio. C’était émouvant, vous savez, ce compte à rebours : « 100 mètres, 50 mètres… ». Et puis, lorsqu’il s’y est posé, on a été submergés par la joie ».
Lors d’un enregistrement réalisé en 1960, lors des Jeux olympiques de Rome, Ion Ghiţulescu, notre envoyé spécial, transmettait le sacre de Iolanda Balas, grande athlète roumaine, devenue championne olympique au saut en hauteur :
«L’on entend le silence au moment où Iolanda Balas prépare son 3e essai, à 1,85 m. Elle prend son élan, touche et se lance !… Nous assisterons à la festivité où notre championne recevra la médaille d’or en saut en hauteur, épreuve féminine. En ce moment même, la recordwoman roumaine, Iolanda Balaş, gravit les marches du podium. Pour ses performances, pour sa volonté à toute épreuve, pour sa réussite, la Roumanie est avec vous, Iolanda! »
La poète Ana Blandiana a été une des premières personnalités à faire entendre sa voix pendant les heures fébriles de la Révolution anticommuniste du 22 décembre 1989 :
« Mes amis, j’arrive de ce pas depuis la place du Palais où, ensemble avec les dizaines de milliers de nos concitoyens, j’avais du mal à croire être arrivée à ce jour où l’on puisse prendre part à la chute du régime. C’était très dur à imaginer, après tant d’années d’humiliation, que l’on puisse achever cela, cette chose insensée, non pas grâce à des arrangements politiciens, non pas en s’appuyant sur des forces étrangères, mais par nous-mêmes, tout seuls, en s’appuyant juste sur notre force de caractère, sur notre détermination. Arriver à faire cela. Les victimes tombées à Timişoara et les victimes tombées à Bucarest nous ont rendu d’un coup cette indispensable et formidable confiance en nous-mêmes, en la force de notre unité ».
Le 1er janvier 2007, la Roumanie rejoignait le club sélect des pays développés et civilisés de l’Union européenne. Le 20 décembre 2006, Radio Roumanie transmettait la séance solennelle du Parlement roumain, occasion pour une déclaration politique du président d’alors, Traian Băsescu :
« Rappelons ces deux phrases concises, d’une valeur politique exceptionnelle, et qui consacrent ce moment qui demeurera à jamais dans l’histoire de la Roumanie, mais aussi dans l’histoire de l’UE. Le Conseil européen salue chaleureusement l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, en tant qu’Etats membres à part entière, à partir du 1er janvier 2007 ».
Tout au long de ses 91 années de son histoire, Radio Roumanie a été tantôt acteur, tantôt observateur attentif de l’histoire du pays et du monde. Et Radio Roumanie poursuivra sur cette même lancée, car c’est bien cela sa raison d’être.
(Trad. Ionut Jugureanu)