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La Roumanie et les préliminaires de la Conférence de Paix de la Grande Guerre

La fin de la Grande Guerre, la victoire de l’Entente, formée par la Grande Bretagne, la France, les Etats-Unis, l’Italie et le Japon, rejoints par la Roumanie en 1916, n’était pas synonyme de paix. Ou, du moins, pas synonyme de paix facilement acquise. Certes, à la fin de la guerre, l’on pouvait compter les vainqueurs et les vaincus, mais convenir d’un traité de paix se révélait être une affaire autrement plus difficile, car cela devait tout d’abord garantir une paix durable. D’où l’idée de la création d’un organisme international qui puisse gérer les crises régionales et empêcher qu’elles ne se muent en des conflits mondiaux. En outre, la protection du droit des minorités devait se voir garantir d’une manière plus ardue qu’elle ne l’avait été jusqu’alors. Enfin, la fin officielle de la Grande Guerre n’a pas évité les règlements des comptes ultérieurs, qui prolongeront de fait l’état de guerre pour une période plus ou moins longue, en fonction des régions. Prenez, par exemple, la guerre déclenchée en 1919 entre la Roumanie et la Hongrie, et qui durera 6 mois. Ou encore le conflit entre la Grèce et la Turquie, déclenchée la même année, et qui perdurera jusqu’en 1922. Quant à la Roumanie, elle devait batailler ferme sur le terrain diplomatique pour que ses aspirations nationales soient reconnues par les Puissances alliées, tenues à une attitude plus équilibrée entre les exigences des vainqueurs et celles des vaincus. Au fond, la diplomatie roumaine s’esquintait de bétonner dans les traités ce que la Roumanie avait d’ores et déjà accompli sur le terrain.

La Roumanie et les préliminaires de la Conférence de Paix de la Grande Guerre
La Roumanie et les préliminaires de la Conférence de Paix de la Grande Guerre

, 30.09.2019, 11:33

La fin de la Grande Guerre, la victoire de l’Entente, formée par la Grande Bretagne, la France, les Etats-Unis, l’Italie et le Japon, rejoints par la Roumanie en 1916, n’était pas synonyme de paix. Ou, du moins, pas synonyme de paix facilement acquise. Certes, à la fin de la guerre, l’on pouvait compter les vainqueurs et les vaincus, mais convenir d’un traité de paix se révélait être une affaire autrement plus difficile, car cela devait tout d’abord garantir une paix durable. D’où l’idée de la création d’un organisme international qui puisse gérer les crises régionales et empêcher qu’elles ne se muent en des conflits mondiaux. En outre, la protection du droit des minorités devait se voir garantir d’une manière plus ardue qu’elle ne l’avait été jusqu’alors. Enfin, la fin officielle de la Grande Guerre n’a pas évité les règlements des comptes ultérieurs, qui prolongeront de fait l’état de guerre pour une période plus ou moins longue, en fonction des régions. Prenez, par exemple, la guerre déclenchée en 1919 entre la Roumanie et la Hongrie, et qui durera 6 mois. Ou encore le conflit entre la Grèce et la Turquie, déclenchée la même année, et qui perdurera jusqu’en 1922. Quant à la Roumanie, elle devait batailler ferme sur le terrain diplomatique pour que ses aspirations nationales soient reconnues par les Puissances alliées, tenues à une attitude plus équilibrée entre les exigences des vainqueurs et celles des vaincus. Au fond, la diplomatie roumaine s’esquintait de bétonner dans les traités ce que la Roumanie avait d’ores et déjà accompli sur le terrain.

L’historien Ioan Scurtu explique la dure mission, assumée à la Conférence de Paix, par le président du Conseil roumain, le libéral Ion I. C. Brătianu, un des artisans de l’alliance de la Roumanie avec l’Entente pendant la guerre.

« Ion I. C. Brătianu avait un argument de choix dans sa poche. Il s’agissait tout d’abord de la convention signée par les Alliés avec la Roumanie avant que cette dernière n’entre en guerre à leurs côtés. Et dans cette convention, les frontières de la Roumanie post conflit étaient clairement mentionnées, dont notamment sa souveraineté future sur les territoires roumains, antérieurement partie de l’Autriche-Hongrie. Il emporta aussi dans sa besace les décisions de l’union votées par les parlements ou les représentants roumains de Chişinău, de Cernovitz et d’Alba Iulia. Enfin, il pouvait faire valoir le prix du sang, payé par les Roumains dans le conflit, aux côtés de l’Entente. Brătianu mena une bataille diplomatique acharnée pour faire valoir le point de vue roumain, dans un contexte d’égalité de traitement entre les Alliés, petits ou grands, initiant de la sorte, à la Conférence de Paix, la collaboration de la délégation roumaine avec ses homologues tchécoslovaques, serbes et grecques, pour qu’elles agissent ensemble et s’épaulent réciproquement. Malheureusement, d’abord Venizelos, chef de la délégation grecque et puis d’autres ont abandonné la position commune des petits Etats alliés. Et Bratianu est ainsi resté un peu le seul à soutenir l’égalité de traitement, entre les petits et les grands. Une confrontation entre Bratianu, d’une part, et les membres du Conseil suprême des Alliés, dont le président Wilson, de l’autre, est restée dans la mémoire des témoins oculaires, notamment de par la pugnacité avec laquelle Bratianu avait défendu les droits de la Roumanie, y compris à l’égard des minorités. »

Et là où les stratégies employées par les hommes politiques semblaient échouer, l’on voit apparaître la présence autrement plus dissuasive d’une femme d’exception, la reine Marie de Roumanie, épouse du roi Ferdinand. Elle qui, au plus fort de la guerre c’était fait remarquer au milieu des soldats, des blessés, des estropiés. Elle, qui mettait tout le poids de son énergie et de son charme pour faire valoir la position roumaine à la table des négociations. Car la reine Marie a toujours été là où la Roumanie avait le plus besoin de sa présence, en temps de guerre, comme en temps de paix. L’historien Ioan Scurtu raconte : « Brătianu avait réussi l’exploit d’irriter tout le monde, les grands alliés de la Roumanie, qui gobaient difficilement son caractère intraitable. Et alors, il suggère au roi Ferdinand de demander à la reine Marie de se rendre à Paris, ce que la souveraine a fait avec joie. Entourée de journalistes dès sa descente du train à la gare Centrale à Paris, interrogée sur les raisons de sa présence à la Conférence de Paix, la souveraine répond du tac au tac : Elle est là pour montrer le beau visage de la Roumanie. C’était le sien. Elle sera reçue en grande pompe et décorée au Palais de l’Élysée. Le président Wilson se rendra à son hôtel, et elle n’hésitera pas à plaider la cause roumaine devant lui. Mais avant cela, Wilson lui avait envoyé un mot pour lui dire que son programme débutait à 9h00, et que son programme était bien trop rempli, et qu’il ne pouvait recevoir la reine. Alors la reine lui répondit dans une lettre, qu’elle l’attendrait au Ritz à 7h00. Wilson arriva, lui, vers 8h30, accompagné de son épouse, et c’est la reine qui les reçoit. Lors de cette entrevue, le président américain plaidera devant la reine pour la création de la Société des Nations, et pour bâtir ce monde idéal, post conflit, dont il rêvait. La reine Marie, qui n’avait, elle, presque pas eu l’occasion de parler devant le flot de paroles et l’emportement du président américain, et voyant le temps filer, l’interpela directement, lui disant: « Monsieur le président, j’ose espérer que vous ne me ferez pas l’impolitesse de refuser de m’inviter à votre déjeuner de demain ». Et le président Wilson, après un échange de regards avec sa femme, invita à son tour la reine le lendemain. Mais lors de cette entrevue, les choses changèrent. C’est la reine Marie qui parla. Elle parla des droits des Roumains, des droits des minorités, concluant par ces mots, je cite : « Monsieur le président a sans doute raison de défendre le droit des minorités, surtout lorsqu’on connaît le grand nombre de droits dont les Noirs d’Amérique jouissent ». Cela laissa, vous vous en doutez, le président américain sans réplique. »

C’est que l’histoire d’une nation est quelques fois écrite par quelques personnalités d’exception. Les petites nations, tout comme les grandes, y ont droit. Et la Roumanie a eu cette chance inouïe d’être représentée à cette Conférence de Paix par une reine et par un premier ministre, deux personnalités hors du commun, qui ne se sont pas privées de batailler bec et ongles pour faire valoir les droits de la Roumanie de l’après-guerre.
(Trad. Ionuţ Jugureanu)

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