Cent ans depuis la campagne militaire de 1919
Après quatre longues années de luttes sanglantes et leur cohorte de tragédies individuelles et collectives, la fin de la première guerre mondiale n’avait pas apporté la paix tant espérée. Certains individus, certains groupes ethniques et certaines nations étaient profondément bouleversés par le règlement post conflit. Les vainqueurs étaient confrontés aux effets de la guerre et s’esquintaient à trouver des solutions pour recouvrer la paix sociale et la prospérité d’avant la guerre. Le sort des vaincus étaient encore pire. Tout cela fera en sorte que l’état de guerre perdurera dans certaines contrées de l’Europe tout au long de l’année 1919. En Europe Centrale et Orientale, le délitement de l’empire d’Autriche-Hongrie s’accompagnera de violences, qui ne cesseront qu’après la signature du Traité de Trianon, à l’été 1920. Pour ce qui est de la république de Hongrie, déclarée au mois de mars 1919, cette dernière s’érigera en Etat bolchévique, calqué sur le modèle soviétique, breveté par Lénine en Russie peu de temps auparavant. Dirigée par Bela Kun, la république hongroise devient la principale source d’instabilité dans la région et le principal obstacle devant la paix. Car il s’agissait, en effet, d’un communisme à vocation conquérante, les agents communistes hongrois ciblant en priorité les Roumains et les Tchécoslovaques dans leur volonté de conquête.
Steliu Lambru, 16.09.2019, 14:27
Après quatre longues années de luttes sanglantes et leur cohorte de tragédies individuelles et collectives, la fin de la première guerre mondiale n’avait pas apporté la paix tant espérée. Certains individus, certains groupes ethniques et certaines nations étaient profondément bouleversés par le règlement post conflit. Les vainqueurs étaient confrontés aux effets de la guerre et s’esquintaient à trouver des solutions pour recouvrer la paix sociale et la prospérité d’avant la guerre. Le sort des vaincus étaient encore pire. Tout cela fera en sorte que l’état de guerre perdurera dans certaines contrées de l’Europe tout au long de l’année 1919. En Europe Centrale et Orientale, le délitement de l’empire d’Autriche-Hongrie s’accompagnera de violences, qui ne cesseront qu’après la signature du Traité de Trianon, à l’été 1920. Pour ce qui est de la république de Hongrie, déclarée au mois de mars 1919, cette dernière s’érigera en Etat bolchévique, calqué sur le modèle soviétique, breveté par Lénine en Russie peu de temps auparavant. Dirigée par Bela Kun, la république hongroise devient la principale source d’instabilité dans la région et le principal obstacle devant la paix. Car il s’agissait, en effet, d’un communisme à vocation conquérante, les agents communistes hongrois ciblant en priorité les Roumains et les Tchécoslovaques dans leur volonté de conquête.
L’historien Şerban Pavelescu esquisse le tableau des voisinages hostiles auxquels est confronté le nouvel Etat roumain : « Si l’on veut caractériser les effets de l’armistice du 11 novembre 1918, il faudra parler d’une véritable guerre dans l’après-guerre. Pratiquement, l’Etat roumain a été mis devant l’évidence de devoir défendre, arme à la main, la décision prise par les habitants des provinces historiques, aux mois de novembre et de décembre 1918, de rejoindre le Royaume de Roumanie. Car la Roumanie se trouvait alors pratiquement cernée par des forces hostiles aussi bien à ces unions qu’à l’existence de l’Etat roumain en tant que tel. Il y avait, à l’Est, la Russie soviétique et les forces soviétiques d’Ukraine, ces dernières revendiquant, d’ailleurs de concert avec les forces démocratiques ukrainiennes, des pans du territoire roumain au nom de l’Ukraine. A l’ouest, l’on retrouve la Hongrie, dirigée, après la dissolution de l’Empire, par des personnages tels le comte Tisza ou Karolyi, des personnages avec lesquels les Roumains avaient négocié la séparation de la Transylvanie d’avec la Hongrie. Au sud-ouest, les Roumains étaient confrontés à l’appétit vorace de la Serbie, issu d’un différend territorial entre les deux pays, qui découlait des engagements pris par l’Entente envers la Roumanie, mais également la Serbie. Au sud, rappelons l’opposition bulgare à l’évacuation de la Dobroudja, évacuation prévue dans la Convention d’armistice. »
C’est dans ce contexte extrêmement volatile que s’inscrit la guerre déclenchée par l’armée rouge hongroise contre les forces militaires roumaines, une campagne déroulée en deux temps. Ainsi, pendant les mois d’avril et de mai 1919, les troupes hongroises attaquent une première fois les troupes roumaines de Transylvanie, mais elles se voient vite repousser. Puis, à partir de la deuxième moitié du mois de mai 1919, les troupes hongroises reviennent à la charge. La puissance de feu et d’effectifs des deux armées combattantes est à peu près la même.
L’historien Şerban Pavelescu met toutefois en avant l’existence d’une guerre menée sur deux fronts: la confrontation militaire, d’une part, et la guerre diplomatique, d’autre part : « Il y a, pratiquement, deux guerres. L’une, menée à la Conférence de paix, l’autre sur le front militaire. C’est une confrontation étrange, avec des opérations militaires déroulées entre deux sessions de négociations, entrecoupées de temps à autre par des armistices imposés par les Grandes Puissances. Ainsi, le 1er mai 1919, les opérations militaires cessent-elles brusquement, à la demande des Grandes Puissances. Cet intermezzo inattendu offre néanmoins aux troupes de Bela Kun l’opportunité de se réorganiser, et de lancer, le 20 mai, une attaque dévastatrice, non pas contre les Roumains, mais contre les Tchécoslovaques, occupant de fait toute la Slovaquie, en seulement deux semaines. Ils échouent assez rapidement, en revanche, contre les troupes roumaines. Dans ce contexte, les Roumains contre-attaquent sur le front démarqué par la rivière Tisza, puis, après deux ou trois jours de combats acharnés, ils franchissent la rivière et finissent par occuper Budapest. »
La dernière étape de cette guerre s’achèvera ainsi au mois d’août 1919, avec l’occupation de Budapest par les troupes roumaines et la dissolution de la république soviétique hongroise. Şerban Pavelescu : « L’occupation de Budapest est un problème. Bien que la Roumanie ait été attaquée, bien que ses troupes aient riposté à un ennemi qui les avait attaquées deux fois, c’est à la Roumanie que l’on a demandé d’arrêter son offensive. Les pressions externes ont été extrêmement fortes pour arrêter la contre-offensive roumaine, et ce n’est que l’opiniâtreté des commandants militaires roumains qui a mené à l’occupation de Budapest par l’armée roumaine et, par voie de conséquence, à la dissolution de la république soviétique, la République des conseils instaurée à Budapest. A vrai dire, la population budapestoise de l’époque a été soulagée de se voir délivrer des communistes. Quant à la Roumanie, elle poursuivait plusieurs objectifs. D’une part, elle voulait mettre l’ennemi hors d’état de nuire, d’autre part elle cherchait à se présenter en position de force à la Conférence de paix post conflit. D’ailleurs, les troupes roumaines n’allaient quitter la Hongrie qu’après la signature du Traité de Trianon, au mois de juin 1920. Aussi, vu les tribulations de la délégation roumaine à la Conférence de paix, je ne puis que rendre hommage à la sagesse des commandants roumains d’avoir pris cette décision. »
Il y a cent ans, la Roumanie avait mené ces opérations militaires en Europe centrale afin d’asseoir sa propre stabilité territoriale et de traduire dans les faits la volonté exprimée par les populations qui habitaient la Transylvanie de l’époque. Mais l’intervention militaire a également permis de tuer dans l’œuf le danger communiste qui guettait à nos portes et de rétablir le système parlementaire et démocratique hongrois. (Trad. Ionuţ Jugureanu)