Les pionniers de l’astronomie dans l’espace roumain
La voûte céleste a depuis toujours interpellé de manière irrésistible les humains, qu’ils soient riches ou pauvres, lettrés ou ignorants, qu’ils fassent partie des sociétés primitives ou encore très avancées. Le désir de voler, toujours plus haut, toujours plus loin, est sans doute intimement lié à cet irrépressible désir des hommes d’apprendre, et surtout de comprendre ce qui se trouve au-delà de l’univers visible, au-delà du monde connu. L’histoire de l’astronomie, souvent imprévisible, émaillée à la fois d’impressionnantes découvertes et de taches noires insoupçonnées, symbolise plus que nulle autre le besoin de l’homme à comprendre l’univers qui l’entoure.
Steliu Lambru, 04.03.2019, 13:20
La voûte céleste a depuis toujours interpellé de manière irrésistible les humains, qu’ils soient riches ou pauvres, lettrés ou ignorants, qu’ils fassent partie des sociétés primitives ou encore très avancées. Le désir de voler, toujours plus haut, toujours plus loin, est sans doute intimement lié à cet irrépressible désir des hommes d’apprendre, et surtout de comprendre ce qui se trouve au-delà de l’univers visible, au-delà du monde connu. L’histoire de l’astronomie, souvent imprévisible, émaillée à la fois d’impressionnantes découvertes et de taches noires insoupçonnées, symbolise plus que nulle autre le besoin de l’homme à comprendre l’univers qui l’entoure.
De nos jours toutefois, la représentation que l’homme moderne se fait de l’univers est entachée par la dichotomie, apparemment irréconciliable, entre science et religion. C’est que sans doute l’homme contemporain, assimilant dieu au monde de l’irrationnel, la science à la raison, ne trouve plus le moyen de faire fonctionner ces deux dimensions de concert. Cela n’a pas toujours été le cas, et l’histoire de l’astronomie nous le montre à profusion. Car, en effet, pour ce qui est de l’espace roumain, astronomie et religion ont souvent essayé d’expliciter ensemble ce lointain méconnu, et que les hommes s’essayaient de percer. Le premier astronome reconnu comme tel semble avoir été d’ailleurs un moine, Dionisie Exiguus, Denys le Petit, né dans la ville de Tomis, l’actuelle Constanta, située en Roumanie, vers 470, et mort à Rome, vers 555. Les spécialistes le considèrent comme le fondateur de l’ère chrétienne, celui qui a établi l’Anno Domini, l’an 1 de notre ère, après J.-C. Grand érudit, maîtrisant à la fois le grec ancien et le latin, Denys le Petit a travaillé sur le droit canonique et le comput, autrement dit sur le calendrier ecclésiastique.
L’astronome Magda Stavinschi considère Denys le Petit comme l’un de grands noms de l’histoire de l’astronomie: «Comprendre l’univers d’un point de vue scientifique, tout en étant homme de foi, voire théologien, n’était pas inconcevable à l’époque. L’exemple de Denys le Petit étaye justement cette thèse d’une manière éclatante. En 525 il publie le Livre de Pâques. Pour moi, ce monsieur a été un génie. A 500 ans de distance, il réussi à estimer la date de naissance du Christ avec une marge d’erreur de seulement 4 à 7 ans. Même nous, en usant de nos jours de nos technologies de pointe, de nos connaissances historiques, nous n’avons pas réussi à établir cette date avec précision. Mais Denys le Petit n’était pas un simple moine. Il était invité au Vatican pour mettre au point le calendrier ecclésiastique, afin de rapprocher la date des Pâques de celle de l’équinoxe. Mais le fait qu’il réussisse à fixer avec une telle précision la date de la naissance de Jésus, en usant de ses connaissances d’histoire, de ses connaissances linguistiques, et en mettant à profit ses connaissances de mathématiques et d’astronomie, me laisse carrément perplexe. Il a fait de cette date une référence, mondialement connue, peu importe sa religion. Même ceux qui n’ont aucun savoir historique, la date de la naissance de Jésus, celle-là au moins ils la connaissent. »
Et puis, au Moyen-Âge, dans l’espace roumain, tout comme en Europe occidentale, les monastères s’avèrent être un lieu du savoir, des centres d’une culture qui rayonne. Le nom du prince Constantin Brancovan, qui a vécu entre 1688 et 1714, connu notamment pour avoir été un infatigable bâtisseur d’églises, est également lié aux premiers pas de l’astronomie roumaine, car le prince s’avère être aussi un grand protecteur et un promoteur des sciences et des arts de son temps. Magda Stavinschi :« Un personnage haut en couleurs, Hrisant Notara, a été contemporain du prince Constantin Brancovan. Il était grec, parce qu’à l’époque beaucoup d’érudits venaient de Grèce, et il a été appelé par Constantin Brancovan comme précepteur pour ses enfants. Or, Brancovan faisait ce que l’on fait nous aussi aujourd’hui : il envoyait ses enfants étudier à l’étranger, dans les grandes universités de l’époque. Et en 1667, l’Observatoire astronomique de Paris vient d’être fondé par Louis XIV, qui nomme à sa direction un italien francisé, Jean Dominique Cassini. Ce Cassini travaille de façon étroite avec Hrisant Notara envoyé par Brancovan à Paris. Et l’on voit paraître en 1716 sous la plume de Hristant Notara un traité scientifique de trigonométrie et d’astronomie, Introductio ad geographia et sphaeram, sans doute le premier traité scientifique paru sur le sol roumain. Hrisant Notara a été un véritable homme de science. J’ai retrouvé sa signature sur les éphémérides de l’Observatoire de Paris. Il a été étudié à l’observatoire de Padoue, de Londres, il paraît qu’il est allé jusqu’à l’observatoire de Moscou. Et, ce qui est génial, il grimpe en même temps l’échelle ecclésiale, jusqu’à devenir patriarche de Jérusalem. Dans cette position, il fait un compromis, présentant les modèles de Ptolémée et de Copernic comme les deux manières qui peuvent interpréter l’Univers. Je parle de compromis, parce que, vu ses connaissances, il était impossible qu’il ne se rende pas compte que le modèle de Copernic était le seul réel. »
Les premiers astronomes qui se sont remarqués dans l’espace roumain étaient de véritables pionniers de la science, mais qui s’essayaient à concilier à la fois connaissances scientifiques et quête spirituelle, dans un effort conjugué pour comprendre tant le monde du visible que celui de l’invisible. (Trad. Ionut Jugureanu)