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Les principes de Thomas Woodrow Wilson.

Au début de 1918, la fin de la Grande Guerre semblait encore loin. L’étreinte mortelle entre les deux grandes alliances combattantes, l’Entente et les Puissances centrales, approchait le paroxysme et aucune ne semblait prête à lâcher du leste. C’est dans ce contexte que le président américain Thomas Woodrow Wilson s’est essayé à proposer la paix, son administration ayant élaboré la célèbre Déclaration, en 14 points, et qui devait devenir le socle d’une paix durable. Avec l’historien Ioan Scurtu nous passons au crible autant la signification et les objectifs des principes wilsoniens, que le contexte qui les a vus naître.

Les principes de Thomas Woodrow Wilson.
Les principes de Thomas Woodrow Wilson.

, 08.10.2018, 13:25

«Ils ont travaillé à un projet qui aurait dû être proposé aux belligérants, pour bâtir une paix durable et pour que les atrocités d’une telle guerre ne se reproduisent plus. Alors, les 14 points mis en avant par le président Wilson, constituaient une proposition de paix, mais aussi un instrument pour organiser le monde post conflit, voire à long terme. Si on les regarde de près, on constate que ces principes ne présupposent pas l’existence d’un avantage pour le vainqueur, quel qu’il soit, l’Entente ou les Puissances centrales. Leur objectif était d’aboutir à une certaine démocratisation des relations. Il s’agissait tout d’abord d’obtenir le retrait des troupes d’occupation des territoires conquis durant la guerre, pour que les belligérants reviennent dans leurs frontières d’avant la guerre. Ensuite, les nations devaient bénéficier d’une large autonomie, mais toujours dans le cadre des empires constitués. »

La déclaration wilsonienne ambitionnait d’être pacificatrice, de restaurer la situation d’avant la guerre, mais aussi d’innover en matière de droit international. Cela ressort clairement en regardant de près le sort réservé aux empires, selon l’historien Ioan Scurtu : « Concernant la Russie, l’on préconisait son maintien à l’intérieur de ses frontières d’avant la guerre, et certains égards lui étaient réservés afin de la convaincre d’adhérer à la Ligue des Nations, une Société censée pouvoir résoudre les problèmes internationaux. Pour rappel, au mois de janvier 1918, la révolution russe était entrée dans sa phase bolchevique, radicale, la guerre civile battait son plein, la Bessarabie avait d’ores et déjà proclamée son indépendance et votée son union avec la Roumanie. Aussi, pour ce qui est du sort de l’Autriche-Hongrie, on préconisait le maintien de l’empire, tout en offrant une large autonomie aux nations qui en faisaient partie. »

Mais les nations qui composaient ces empires ne semblaient pas se contenter de si peu, et elles n’ont pas tardé à le faire savoir, en s’opposant aux principes wilsoniens. D’après Ioan Scurtu: « Ces 14 principes ont eu un impact politique et psychologique énorme. D’abord parce que l’on avait esquissé une paix construite sans que le vaincu perde des plumes, c’est-à-dire qu’il perde des territoires. Puis, parce qu’ils proposaient un monde de l’après-guerre ainsi organisé pour que les guerres soient devenues impossibles à l’avenir. Et puis, parce qu’ils consacraient un terme très cher aux nations captives des empires multinationaux. Il s’agissait d’autonomie. Au mois de janvier 1918, les Roumains qui vivaient dans l’empire austro-hongrois, à l’instar des autres nations de l’empire d’ailleurs, n’envisageaient rien de plus que l’autonomie. C’est bien ce qu’avait revendiqué tout ce petit monde depuis belle lurette, surtout après 1867, et c’est bien ce qu’ils revendiquaient toujours au mois de janvier 1918. L’idée d’union n’a vu le jour qu’à l’automne 1918, lorsque l’empire battait gravement de l’aile. Ce n’est qu’à ce moment-là que certains peuples décidèrent de prendre leur sort en main d’abord, puis d’organiser leur avenir. »

Au Congrès de Rome du mois d’avril 1918, les nations d’Autriche-Hongrie décidèrent de déclencher, au niveau européen et mondial, une vaste campagne qui aboutit à la reconnaissance de leur droit de disposer de leur propre sort. Des rassemblements organisés par les représentants de ces nations sur le sol américain en faveur de ces idées ont reçu le soutien des leurs compatriotes, devenus citoyens américains. De plus en plus, la presse d’outre Atlantique soutenait les causes nationales, au détriment du maintien du statu quo de l’empire. A partir de la fin du mois d’août 1918, les diasporas roumaine, serbe, croate, tchèque, slovaque, italienne ou encore polonaise lancèrent des campagnes communes dans les médias américains et organisèrent des manifestations concertées.Dans les autres parties du continent européen, les principes wilsoniens ne recevaient un meilleur accueil. La France et la Grande-Bretagne insistaient pour que les Puissances centrales soient considérées coupables du déclanchement de la guerre, et en payent le prix fort. Finalement, le président Wilson dut se résoudre à l’évidence.

L’historien Ioan Scurtu : « La campagne avait atteint l’apogée le 20 septembre 1918, lorsque le président Woodrow Wilson avait reçu à la Maison Blanche les représentants des nations. Chacune avait plaidé sa cause, le président recevait aussi les informations sur les campagnes que leurs diasporas respectives déroulaient aux Etats-Unis. C’est le moment où il comprit, tirant ses conclusions, que la monarchie des Habsbourg ne pouvait pas survivre à ce raz-de-marée. L’intégrité territoriale de l’empire n’était plus taboue. Les Etats-Unis changèrent alors de camp et décidèrent qu’ils allaient appuyer les revendications nationales dans ce qu’allait devenir sous peu l’ancien empire d’Autriche-Hongrie. »

C’est à la suite de ce changement opéré par la politique américaine qu’allaient voir le jour de nouveaux Etats nations, tels la Pologne et la Tchécoslovaquie, alors que d’autres, tels la Roumanie et la Yougoslavie, allaient redessiner le contour de leurs frontières. Malgré tout, et bien que les principes politiques de Thomas Woodrow Wilson aient été battus en brèche, sa philosophie politique a bénéficié d’une carrière autrement plus favorable. L’instance des nations verra le jour, sous les dehors d’une agora internationale. Les bases du droit international contemporain allaient être ainsi jetées, et cet idéal cher au président américain, l’idéal de la paix éternelle, montrera le bout de son nez, en dépit du scepticisme général. (trad. Ionut Jugureanu)

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