Le massacre d’Odessa
Le massacre d’Odessa a lieu du 22 au 25 octobre 1941, lorsque l’Armée roumaine a organisé une rafle de l’entièreté de la population juive de la ville qu’elle a ensuite liquidée. Cette exécution en masse a été considérée à l’époque comme une action punitive contre les Juifs locaux, supposés être les auteurs de l’attentat qui avait visé le siège du Quartier général de l’armée roumaine, installée dans la ville récemment conquise.
Steliu Lambru, 27.08.2018, 12:21
Le massacre d’Odessa a lieu du 22 au 25 octobre 1941, lorsque l’Armée roumaine a organisé une rafle de l’entièreté de la population juive de la ville qu’elle a ensuite liquidée. Cette exécution en masse a été considérée à l’époque comme une action punitive contre les Juifs locaux, supposés être les auteurs de l’attentat qui avait visé le siège du Quartier général de l’armée roumaine, installée dans la ville récemment conquise.
Le 22 octobre 1941, au soir, une bombe a tué 16 officiers roumains, dont le général Ion Glogojanu, commandant militaire de la ville, 46 soldats et sous-officiers, plusieurs civils et 4 officiers allemands de la Marine du Reich. Face à des auteurs introuvables, les représailles se sont vite orientées vers les Juifs de la ville d’Odessa, considérés comme des soutiens inconditionnels des Soviétiques et de leurs partisans. Chargé des opérations de liquidation, le général Iosif Iacobici notait dans son rapport que de nombreux Juifs avait été pendus aux poteaux sur les places publiques, d’autres tués sur place, d’autres enfin emmenés à l’extérieur de la ville et exécutés. Le nombre des victimes recensées dans ces jours de terreur varient selon les sources entre 22.000 et 40.000 juifs exécutés.
L’archiviste Florin Stan des Archives diplomatiques du ministère roumain des Affaires étrangères a publié un livre d’histoire sur le sort de la population juive durant la deuxième guerre mondiale. Il considère que le massacre d’Odessa doit être mis dans la perspective de la situation militaire de l’époque : « Pour comprendre ce qu’il s’est passé au mois d’octobre 1941, il faut dérouler l’action de quelques mois et regarder de plus près les événements qui ont lieu après la libération de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord, fin juillet 1941. Ainsi, le 6 août 1941, Ion Antonescu, notre Duce local, rencontre Hitler, au Quartier général de celui-ci, à Berdicev, dans l’actuelle Ukraine, et lui fait part de la décision roumaine de poursuivre les opérations militaires aux cotés de la Wehrmacht. Par ailleurs, un chercheur de la période souligne que de tous les Etats alliés et associés de l’Allemagne nazie, seuls deux Etats s’impliquent à fond dans la guerre à l’Est – la Roumanie et la Finlande, dont les armées, agissant au Nord et au Sud du front de l’Est, ont bénéficié d’une large autonomie de la part de l’Allemagne. Antonescu avait fait un point d’honneur de la conquête, par l’armée roumaine, de la ville d’Odessa, par ailleurs important point stratégique.»
Au début des années 1940, l’antisémitisme était à l’apogée. Prônant l’intolérance et la haine raciale, le fascisme devenait non seulement une manière d’imaginer la politique, le régime et l’Etat, mais s’érigeait en une manière d’organiser la vie quotidienne. Les clichées que la propagande de guerre utilisait représentaient la vérité suprême. Florin Stan considère l’antisémitisme d’abord comme une attitude qui a préparé le massacre d’Odessa, résultat logique du climat de haine dominant à ce moment dans toute l’Europe, souvent pour cacher et justifier les échecs enregistrés par ces régimes.
Florin Stan : « La conquête d’Odessa se prolongeait au-delà des attentes. Cela rendait les autorités nerveuses. Le 5 septembre 1941, Antonescu affirmait, ni plus, ni moins, que le Juif était le Satan. La propagande affirmait en toutes lettre que «On serait depuis longtemps à Odessa si les commissaires politiques juifs n’étaient pas là». Dans un rapport des services de renseignement couvrant la période du 10 au 14 septembre 1941, reprenant la formule du chef de facto de l’Etat roumain, les juifs menaient tous la guerre contre l’Armée roumaine. C’est ce type de généralisation, de projection d’un fantasme sur une population dans sa totalité qui mène au massacre. C’est le 16 octobre que les troupes roumaines pénètrent dans une ville pratiquement vidée des troupes soviétiques ennemies. De suite, les patrouilles militaires de l’Armée roumaine marquent les maisons habitées par les juifs. Puis, très vite, le 18 octobre, le ghetto d’Odessa est établi dans la prison locale. Du 18 et jusqu’au 23, il ne reste plus que 4 jours. Au moment de l’explosion, la plupart de juifs étaient prêts au départ pour le ghetto, avaient les bagages sur le pas de la porte. On y voit là la préméditation, car ils ont été évidemment dépossédés de tous leurs biens, c’était facile ainsi ».
Une fois le massacre déclenché, certains ont toutefois réagi, car même les autorités avaient compris que la culpabilité, supposée de masse, des Juifs, ne pouvait pas être établie si aisément.
Florin Stan : « A rappeler l’attitude du maire d’Odessa, Gherman Pântea, qui, le 23 octobre au petit-matin, révolté de ce qu’il pouvait voir en traversant la ville, avait transmis aux officiers que ce crime allait être pour toujours une tache indélébile sur la Roumanie aux yeux du monde civilisé, d’autant plus que les victimes des exécutions sommaires ne pouvaient aucunement être tenus responsables de quelque crime ou infraction que ce soit. Présentant, au mois de novembre 1941,les conclusions de l’enquête diligentée par le général Ion Antonescu, suite au massacre, le général de la Gendarmerie Constantin Vasiliu mentionnait l’absence de preuves impliquant des Juifs dans l’attaque contre le Quartier général roumain d’Odessa.»
Le massacre d’Odessa du mois d’octobre 1941 a constitué un des chefs d’accusation contre Ion Antonescu et trois de ses comparses, lors du procès ouvert en 1946. Ion Antonescu sera condamné à la peine capitale et fusillé au mois de juin 1946. En 2006, suite au recours en annulation formulé par le fils d’un ancien condamné au procès de 1946, la Cour d’Appel de Bucarest a confirmé la sentence. (Trad. Ionut Jugureanu)