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Les visées africaines de la Roumanie

Depuis la « lutte pour l’Afrique », telle qu’elle avait été définie par les grandes puissances européennes après 1880, le monde, bouleversé par la deuxième guerre mondiale, s’orienta progressivement vers la décolonisation progressive mais inévitable du continent noir. Vers la fin des années 1950 et dans les années 1960, de nouveaux Etats apparurent, et des nations inconnues jusqu’alors firent entendre leur voix. L’Etat roumain de l’époque saisit l’opportunité et noua des relations privilégiées avec ces nations africaines, nouvellement apparues sur la scène internationale.A bien d’égards, la décolonisation et la libération de l’Afrique de ses anciennes puissances coloniales étaient une manière de réinventer le monde. L’Afrique renaissante essaya de se placer entre les deux grands modèles dominants de l’époque : le capitalisme et le communisme.

Les visées africaines de la Roumanie
Les visées africaines de la Roumanie

, 06.08.2018, 13:00

Depuis la « lutte pour l’Afrique », telle qu’elle avait été définie par les grandes puissances européennes après 1880, le monde, bouleversé par la deuxième guerre mondiale, s’orienta progressivement vers la décolonisation progressive mais inévitable du continent noir. Vers la fin des années 1950 et dans les années 1960, de nouveaux Etats apparurent, et des nations inconnues jusqu’alors firent entendre leur voix. L’Etat roumain de l’époque saisit l’opportunité et noua des relations privilégiées avec ces nations africaines, nouvellement apparues sur la scène internationale.A bien d’égards, la décolonisation et la libération de l’Afrique de ses anciennes puissances coloniales étaient une manière de réinventer le monde. L’Afrique renaissante essaya de se placer entre les deux grands modèles dominants de l’époque : le capitalisme et le communisme.

Pourtant, pendant que les anciennes puissances coloniales faisaient de leur mieux pour garder leur main mise sur les anciennes colonies, l’Union soviétique, épaulée par ses satellites communistes, se plaçait dans les starting-blocks, essayant d’attirer ces nouveaux Etats africains dans son giron. Dans ce contexte international complexe, la Roumanie déclencha son « offensive » africaine au début des années ’70, la politique africaine devenant très vite une des lignes maîtresses de la politique étrangère du régime dirigé par Nicolae Ceaușescu. La Roumanie, à l’instar d’autre pays européens, avait ses atouts : sans passé colonial, sans avoir jamais occupé la moindre parcelle de territoire africain, elle pouvait y foncer sans traîner des casseroles. C’est d’abord sur l’Afrique du Nord que la Roumanie jeta son dévolu. En premier lieu, parce que les pays tels que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie ou l’Egypte avaient, comme la Roumanie, une tradition francophone et l’usage en commun du français. Puis, une proximité géographique plus importante qu’avec d’autres pays de l’Afrique noire. Aussi, les premiers contacts bilatéraux sont établis suite aux visites de haut niveau.

L’universitaire Domnica Gorovei, professeur à la Faculté des Sciences politiques de l’Université de Bucarest, nous fait voyager à travers les tournées africaines du président roumain de l’époque dès le début des années 70: « Le premier pays qu’il visite sur le continent africain c’est le Maroc en 1970 et par la suite il va faire plusieurs tournées en Afrique en 72, le Maroc, l’Algérie en Egypte, ainsi qu’en Afrique subsaharienne, tels le Soudan, la République centrafricaine, le Congo, le Zaïre, la Tanzanie, la Zambie. Ensuite une année plus tard, en 1973, ce fut le Sénégal, puis à nouveau le Maroc et l’Algérie. Il s’en est suivi, en 1974 le Libéria et la Guinée, en 1977 l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie et Sénégal) puis à nouveau le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Nigeria. Je vais vous donner les dates de ces tournées pour vous faire une idée sur la fréquence de ses visites : 72, 73, 74, 77, 79 puis en 83, 87 et 88. Chaque tournée, c’était visiter 5 Etats africains au bas mot. Prenez l’Egypte, par exemple, on y compte pas moins de 8 visites, elle était un de nos partenaires privilégiés du continent africain. »

Pour mieux comprendre le sens de cette politique africaine, il faut bien saisir le contexte international, car l’Afrique constituait le terrain d’affrontement par excellence entre capitalisme et communisme. Domnica Gorovei : « Quel est le contexte dans lequel Ceausescu développe ces relations avec les Etats Africains. Il s’agit évidemment de la Guerre fronde, lorsque chaque partie cherche un appui avant toute autre chose idéologique pour balancer la situation en sa faveur. Cette rivalité entre les deux blocs vient et s’ajoute aux influences que les anciens pouvoirs coloniaux cherchent à encore maintenir et c’est d’ici qu’on retrouve un certain avantage pour les leaders africains qu’ils ont su d’ailleurs valoriser au maximum. La relation Occidentaux – Soviétiques – communistes africains est à aborder à partir du concept de sopft power, qui est défini par la compétence des Etats à obtenir ce qu’ils veulent non pas par des moyens coercitifs mais en employant la voie de l’attractivité par des politiques très diverses. Les grandes lignes de la politique africaine de Ceausescu à cette époque-là ont de fortes connotations idéologiques sous la forme de la défense de la paix. Ce que j’ai observé, par contre c’est qu’à un certain moment surtout dans les années 80 les leaders africains commencent à répéter le langage de bois de Ceausescu et en effet ils s’adaptent très vite à l’interlocuteur. Pour vous évoquer un peu ce langage de bois : il plaide pour le soutien des mouvements de libération nationale contre l’impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme pour la paix et la collaboration entre les peuples. Voilà donc une synthèse de cette politique de Ceausescu. »

La Roumanie offrait de l’assistance économique, s’engageait dans la construction de certains projets industriels d’envergure, tels les barrages des centrales hydrologiques, et puis elle exportait de la technologie, par exemple des tracteurs pour l’agriculture égyptienne. Mais pour ce qui est de la forme que revêtait l’assistance économique, là il est clair que l’idéologie avait son rôle à jouer. Domnica Gorovei : « Ce qu’il essaie de forger c’est justement une alternative roumaine pour l’Afrique contre le comportement néocolonial de l’est et de l’ouest. On retrouve évidemment au niveau de son discours une référence à la démocratisation des relations internationales, une démocratisation comprise dans cette acception communiste. On retrouve un soutien très fort des mouvements de libération nationale des colonies portugaises, un engagement contre le régime ségrégationniste du sud du continent : Rhodésie, Afrique du Sud et évidemment la question syndicale pour militer en faveur de la cause des travailleurs dans les nouveaux Etats africains. Il n’est pas suffisent d’aider l’industrie, mais d’aider les ouvriers dans ces pays qui commencent à s’industrialiser. »

Les ambitions africaines se sont poursuivies jusqu’en 1989. Mise à part la coopération et l’assistance économique, les relations nouées entre la Roumanie communiste et les Etats africains se sont aussi matérialisées par un certain nombre de places réservées aux étudiants africains dans les universités roumaines, par des mariages mixtes et par des échanges culturels. Les pays d’Afrique du Nord sont demeurés des partenaires traditionnels, même si, le changement du régime politique qui a eu lieu à Bucarest fin 1989, suite à la chute du Mur, a déterminé l’entrée dans un coin d’ombre de ces relations privilégiées, et qu’une redéfinition de la politique africaine de la Roumanie soit toujours attendue.
(Trad. : Ionut Jugureanu)

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