Les Juifs roumains durant la Première Guerre Mondiale
Avant 1918, les minorités ethniques de Roumanie ont participé pleinement aux côtés des Roumains à la réalisation de la Grande Roumanie et ont contribué à atténuer les effets de la Première Guerre mondiale.Les Juifs ont compté parmi ces minorités. Ils se sont enrôlés dans l’armée, ils ont intégré le personnel sanitaire déployé sur le front, ils ont fait des actes de charité pour alléger le fardeau de la guerre. A la fin de la conflagration, ils ont reçu la nationalité roumaine et tous les droits dont jouissaient les citoyens d’un Etat démocratique.
Steliu Lambru, 23.04.2018, 14:23
Avant 1918, les minorités ethniques de Roumanie ont participé pleinement aux côtés des Roumains à la réalisation de la Grande Roumanie et ont contribué à atténuer les effets de la Première Guerre mondiale.Les Juifs ont compté parmi ces minorités. Ils se sont enrôlés dans l’armée, ils ont intégré le personnel sanitaire déployé sur le front, ils ont fait des actes de charité pour alléger le fardeau de la guerre. A la fin de la conflagration, ils ont reçu la nationalité roumaine et tous les droits dont jouissaient les citoyens d’un Etat démocratique.
La participation des Juifs aux grands événements de l’histoire moderne de la Roumanie commence en 1877-1878, avec la guerre d’indépendance. Des Juifs y ont participé comme soldats ou officiers, comme médecins ou membres du personnel sanitaire, sur le front ou derrière les lignes du front, dans les hôpitaux ou partout où les blessés étaient soignés.
Pendant l’assaut de la redoute de Griviţa par l’unité du capitaine Valter Mărăcineanu, le Juif Mauriciu Brociner et d’autres héros sont tombés aux côtés du capitaine. Selon Marius Popescu du Centre d’Histoire des Juifs de Roumanie, le sacrifice de Brociner n’a pas été l’unique de ce genre. Durant la deuxième guerre balkanique de 1913, des militaires juifs ont servi dans les rangs de l’armée roumaine, entre autres le capitaine Armin Iaslovici, lieutenant pendant la guerre de 1877-1878 et commandant en 1916, au début de la Grande Guerre.
Selon Marius Popescu, la participation des Juifs roumains à la Première Guerre mondiale a été comparable à la participation des minorités juives dans les autres pays européens : « Dans les Principautés roumaines unies, la population juive comptait quelque 230.000 personnes, dont 23.000 – soit 10% – avaient été enrôlées. Ce nombre est similaire à celui des Juifs d’autres pays ayant participé à la guerre. Sur les 23 mille Juifs roumains enrôlés, 882 sont morts, 825 ont été blessés, 449 ont été faits prisonniers et 3043 ont été portés disparus. »
Les Juifs civils ont eux aussi accompli des actes héroïques pendant la guerre – par exemple celui enregistré à la fin de l’année 1916 dans la Roumanie occupée par les Allemands.
Marius Popescu explique : « J’aimerais mentionner un héros décoré à titre posthume. Il s’appelait Herman Kornhauser et il était originaire de la ville de Târgovişte. En décembre 1916, il s’est procuré des aliments et des vêtements civils pour aider les prisonniers roumains des camps allemands. Il a même facilité l’évasion de certains de ces prisonniers, mais, surpris par les autorités allemandes d’occupation, il a été condamné et exécuté. On lui a accordé à titre posthume la Vertu militaire. Kornahuser n’a pas été le seul, de nombreux autres Juifs ont accompli des actes d’héroïsme. »
A compter de 1916, les communautés juives ont participé pleinement à l’effort de guerre des Roumains pendant la première conflagration mondiale. Les efforts se sont intensifiés en 1917, lorsque les autorités s’étaient réfugiées en Moldavie et les armées roumaine et russe tenaient tête aux Puissances centrales dans les Carpates et le long de la rivière Siret.
Marius Popescu : « Un autre aspect est lié à la contribution des communautés juives derrière les lignes du front pour soutenir l’effort de guerre du pays. Car les Juifs non seulement ont participé effectivement aux combats, ils ont également apporté une contribution matérielle. Un comité d’aide de l’Union des Juifs natifs a été créé pendant la guerre, qui avait des ramifications partout dans le pays. Son but était de collecter des aliments et de l’argent pour contribuer aux aides accordées aux blessés et aux veuves des soldats morts sur le front. Ce comité collaborait avec d’autres institutions telles la Croix rouge, la Famille de combattants, le réseau d’hôpitaux « La Reine Marie » etc. Les communautés juives s’y sont engagées à fond. Les synagogues, les écoles juives, toute la chaîne d’institutions de la communauté ont été mises à la disposition de l’armée roumaine. Et cela alors que, pendant la guerre, les Juifs n’étaient pas des ressortissants roumains. Ces gens-là ont pris les armes et ont lutté pour le pays, alors qu’ils n’étaient pas ses citoyens. »
La signature de la paix n’a pas été la fin des difficultés. Les Juifs se sont engagés dans les efforts de reconstruction.
Marius Popescu : « Ils ont offert, individuellement, d’importantes sommes d’argent. Par exemple, Frederic Costiner, un industriel très riche du comté de Botoşani, a versé 20.000 lei dans un fonds créé pour acheter des terres au bénéfice des descendants des villageois tombés au combat. C’était la façon de ce philanthrope de manifester sa charité et sa reconnaissance envers les victimes de la guerre. »
C’est par la voix de son souverain, le roi Ferdinand Ier, que l’Etat roumain reconnaissait la loyauté des Juifs.
Marius Popescu : « A la fin de la guerre, le roi Ferdinand a fait une déclaration d’une grande importance. Celui-ci affirmait – je cite: « Je suis arrivé à la conclusion – et je suis satisfait de constater que je ne me suis pas trompé – que tous les habitants du territoire roumain, quelle que soit leur race et leur origine, sont animés par les mêmes sentiments nobles de fraternité. » – fin de citation. Cette déclaration était une reconnaissance des mérites de tous ceux qui avaient contribué à la guerre de réunification nationale. »
La reconnaissance finale fut l’abrogation de l’article 7 de la Constitution de 1866. La Constitution de la Grande Roumanie, élaborée en 1923, accordait des droits à tous les citoyens, quelle qu’eut été leur religion. (Trad. : Dominique)