Crimes de masse contre les Roumains du nord de la Bucovine.
L’occupation du Nord de la Bucovine par l’Union Soviétique à l’été 1940 a signifié la déportation de la population roumaine et la purification ethnique de la région. En 1930, les Roumains comptaient pour 44% de la population de la Bucovine, suivis par les Ukrainiens avec 29%, alors que les Allemands, les Juifs, les Polonais et les Roms comptaient ensemble pour 26% de la population de la région. Pour déloger la population roumaine, les autorités soviétiques ont utilisé des méthodes violentes, dont des crimes en masse. La population civile roumaine, dépourvue de toute protection, a été obligée soit d’obéir aux ordres de partir en Sibérie sans permission de retourner au pays, soit de fuir en Roumanie. Des gens simples étaient mis devant un choix qui pouvait s’avérer mortel. Et dans certains cas, ce choix a eu des conséquences catastrophiques.
Steliu Lambru, 09.05.2016, 14:42
L’occupation du Nord de la Bucovine par l’Union Soviétique à l’été 1940 a signifié la déportation de la population roumaine et la purification ethnique de la région. En 1930, les Roumains comptaient pour 44% de la population de la Bucovine, suivis par les Ukrainiens avec 29%, alors que les Allemands, les Juifs, les Polonais et les Roms comptaient ensemble pour 26% de la population de la région. Pour déloger la population roumaine, les autorités soviétiques ont utilisé des méthodes violentes, dont des crimes en masse. La population civile roumaine, dépourvue de toute protection, a été obligée soit d’obéir aux ordres de partir en Sibérie sans permission de retourner au pays, soit de fuir en Roumanie. Des gens simples étaient mis devant un choix qui pouvait s’avérer mortel. Et dans certains cas, ce choix a eu des conséquences catastrophiques.
L’historien Pavel Morariu, de l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu, affirme que la politique soviétique d’homogénéisation du territoire ne visait pas uniquement la lutte de classe, menée par l’idéologie du régime soviétique, mais aussi la destruction de la diversité ethnique : « A la différence des autres régions de l’URSS, la répression a également visé certains groupes ethniques. La répression des Roumains ne faisait que contribuer à la purification ethnique des territoires. Une grande partie de ceux qui ont été déportés et supprimés par les autorités soviétiques étaient des Roumains. Il est vrai que d’autres ethnies ont également souffert, mais en moindre mesure. Les Juifs ont été persécutés, notamment les Sionistes de Cernauti, ainsi que les Juifs très riches. Mais on parle surtout d’une épuration ethnique de la population roumaine, surtout des jeunes, qui ne pouvaient pas être assassinés. L’Union soviétique avait besoin de jeunes qui étaient envoyés travailler dans ses usines. »
La province historique de Bucovine n’avait jamais appartenu à l’Union Soviétique, ni même à la Russie impériale. Elle fut le noyau de l’Etat moldave fondé au milieu du 14e siècle par les Roumains de Maramures, dans le nord de la Roumanie actuelle. Puis, elle fut disputée par la Moldavie et par la Pologne. Au 17e siècle, la Bucovine a été brièvement contrôlée par l’Empire Ottoman avant d’être annexée en 1775 par l’Autriche. En 1918, la Bucovine était réunie au Royaume de Roumanie.
L’historien Pavel Moraru a souligné que les habitants de la Bucovine se sont vus confrontés en 1940 non seulement à un nouveau régime, mais aussi à sa brutalité : « Le régime installé dans le nord de la Bucovine était complètement étranger aux habitants de la région. La population de la Bessarabie voisine connaissait en quelque sorte les pratiques de ses voisins de l’est, vu que la région délimitée par les rivières Prut et Dniestr avait été à un moment de son histoire incorporée à l’Empire russe. Mais pour la Bucovine c’était une situation inédite, un régime complètement étranger qui menait une politique de russification et d’ukrainisation visant à changer le mode de vie même de la population. Ces transformations étaient accompagnées par la répression. »
Les Roumains de Bucovine ayant refusé de continuer leurs vies sous l’occupation soviétique et de se voir déporter en Sibérie ont cherché refuge en Roumanie. Le régime soviétique n’était pourtant pas prêt à respecter la volonté des gens et surtout leur droit à la libre circulation. Juste après l’occupation de la région, la frontière avec la Roumanie voisine fut fermée. Pourtant, début 1941, le NKVD, précurseur de la KGB, la police politique soviétique, a répandu une rumeur selon laquelle le régime permettait à la population civile de passer la frontière avec la Roumanie. Le 1er avril 1941, un groupe d’environ 3000 Roumains provenant des villages de la Vallée du Siret se sont dirigés vers la frontière, pour entrer en Roumanie. A seulement trois kilomètres de la frontière roumaine, les gardes-frontières soviétiques ont sommé la colonne de civils à arrêter sa marche. Les gens ont ignoré la sommation et les militaires soviétiques ont ouvert le feu, tuant un nombre inconnu de civils. Les survivants ont essayé de fuir, mais les garde-frontières les ont suivis et embrochés avec leurs baïonnettes. Après le massacre, tant les morts que les blessés, hommes, femmes et enfants, ont été enterrés dans des fosses communes. Les personnes arrêtées ont été ensuite soumises à des interrogatoires, torturées et même tuées. Les archives soviétiques font état d’une vingtaine de victimes, mais selon des estimations indépendantes, le bilan des morts serait de 200 à 2000 morts.
L’historien Pavel Moraru affirme que ce n’est pas par hasard que ces massacres et déportations ont eu lieu, mais ils furent le résultat d’un calcul cynique et odieux des autorités soviétiques: « Les pratiques soviétiques reposaient sur décisions de justice prises à la va-vite. Le 9 juillet 1940, des tribunaux militaires ont été créés pour se prononcer rapidement. Au lendemain du 9 juillet 1940, Lavrenti Beria, le commissaire du peuple aux affaires étrangères et chef de la NKVD, a demandé au gouvernement de renforcer les troupes d’escorte de la police politique. Les tribunaux militaires devraient arrêter un nombre croissant de personnes que les troupes de la NKVD allaient ensuite escorter. Pourquoi les autorités soviétiques insistaient-elles sur l’arrestation d’autant de civils ? Eh bien, selon les statistiques, l’instauration du régime communiste dans tous les coins du monde a impliqué l’extermination de 10% de la population. Cette statistique s’est confirmée aussi dans le cas de la Bessarabie et de la Bucovine. Une année durant, selon certains calculs, 12% de la population des deux provinces a été exterminée et déportée. La population devait être loyale aux autorités qui voulaient ainsi éliminer l’élément roumain et démontrer ensuite aux générations suivantes que le territoire n’avait jamais été roumain. Puis, il y a eu le pillage des économies des deux territoires. Juste après l’occupation, le marché à eu à souffrir puisque l’approvisionnement a été interrompu. »
Les crimes de masse et les déportations de 1940-1941 n’ont été que le prélude de la tragédie de la déportation des Roumains de Bucovine et de Bessarabie, qui a eu lieu après la Seconde guerre mondiale. (Trad. Alex Diaconescu)