Radio Donau
La propagande de guerre a été un des moyens les plus importants de rehausser le moral de l’armée et de la population civile, de justifier les décisions et les actions d’un régime politique. Tant les démocraties que les régimes totalitaires ont utilisé la propagande par la radio et exercé leur contrôle sur l’information diffusée sur les ondes. La chaîne Radio Donau a été créée pour diffuser des informations du monde allemand vers l’espace de l’Europe Centrale et du sud-est. La rédaction était à Vienne, alors que les émetteurs se trouvaient dans les montagnes de la Bohème. L’émission en langue roumaine de Radio Donau commençait en juin 1940, le programme étant assuré par une rédaction formée de quelques traducteurs.
Steliu Lambru, 28.03.2016, 14:35
Après le 23 août 1944, lorsque la Roumanie a tourné les armes contre l’Allemagne nazie, un gouvernement roumain de la Légion de l’Archange Michel fut formé à Vienne avec le leader du mouvement d’extrême droite, Horia Sima, en tant que premier ministre. Ses messages envers les Roumains étaient transmis par le biais de la section roumaine de Radio Donau, une chaîne qui allait fermer définitivement en mai 1945.
En 1942, Iustin Liuba, originaire de la ville de Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, partait faire des études à Dresde. Il s’est installé en 1944 à Vienne et dans une interview accordée en 1998 au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il se souvenait que cette radio employait des étudiants roumains de la capitale autrichienne: « Une petite équipe d’environ trois Roumains traduisaient des commentaires écrits en langue allemande de deux ou trois minutes maximum. La plus grande partie de leur activité se réduisait aux infos. Le bulletin informatif était fourni par le Commandement suprême allemand qui annonçait par exemple : « Nos sous-marins ont coulé dans l’Atlantique Nord 50 milles tonnes de navires marchands et de cargos alliés. Trois heures plus tard, l’émission s’interrompait à nouveau et le public apprenait que « nos sous-marins ont coulé 80 mille tonnes de navires dans l’Atlantique central ». Ces infos étaient traduites dans plusieurs langues car la section roumaine n’était qu’une section parmi d’autres. Radio Donau émettait aussi en tchèque, slovaque, hongrois, serbo-croate, ainsi qu’en japonais et italien, les langues de l’Axe donc. »
Les programmes étaient brefs, 15 minutes environ, et étaient uniquement des bulletins d’informations concis. Iustin Liuba se rappelait aussi les programmes de Radio Donau et de la manière dont l’équipe travaillait: « On faisait des enregistrements, qui étaient ensuite rediffusés à différentes heures. Mais de toute façon il n’y avait pas beaucoup d’heures d’émission. Certains textes étaient diffusés en direct, et d’autres étaient enregistrés, pas sur bande magnétique, parce qu’elle n’existait pas à l’époque, mais sur des disques en vinyle, similaires aux disques de gramophone. Mais le désavantage, c’était qu’en cas d’erreur, il fallait tout simplement jeter la plaque et recommencer depuis le début. C’était donc assez compliqué. C’étaient les services secrets allemands qui fournissaient à Radio Donau les plus récentes informations provenant de Roumanie. La source n’était pas citée, mais on disait seulement « par des sources dignes de confiance ». D’habitude c’était l’agence « Deutsche Nachrichten Agentur », DENA, qui transmettait les nouvelles. Une équipe d’Allemands de Roumanie, Saxons ou Souabes qui parlaient tant le roumain que l’allemand, qui était évidemment leur langue maternelle surveillaient que les textes soient traduits conformément à l’original et que les infos soient lues correctement ».
Après l’acte du 23 août 1944, quand le chef de l’Etat, le maréchal Ion Antonescu, a été arrêté et la Roumanie est passée au camp des Alliés, les chefs de la Garde de fer ont formé « un gouvernement national » à Vienne et des dissensions sont apparues entre ce cabinet dont Horia Sima était le chef et les autres Roumains de la ville. Radio Donau a été le média par lequel le gouvernement de Sima a parlé aux Roumains. Iustin Liuba se rappelle des rivalités de l’époque: « Un gouvernement national fut créé à Vienne. Il existait une rivalité entre Horia Sima, le commandant des légionnaires de l’Archange Michel, et le général Ion Gheorghe, l’ex-ambassadeur du maréchal Ion Antonescu, le général Ion Gheorghe, qui ne faisait pas partie du mouvement de l’Archange Michel. Le général Ion Gheorghe représentait l’armée, la tradition anticommuniste du peuple roumain, alors que Horia Sima était le représentant d’une organisation politique d’extrême droite. Le général Ion Gheorghe a été professeur à l’Ecole de guerre de Bucarest, étant spécialisé en chars de combat. Il disait souvent « Nous menons la guerre contre les Soviétiques, mais nous ne voulons pas non plus être dirigés par les légionnaires de l’Archange Michel. Le peuple roumain par le biais de son armée a réduit au silence le mouvement de la Légion de l’Archange Michel qui s’était révolté contre l’ordre de l’Etat ». Cette friction entre le général Ion Gheorghe et Horia Sima se déroulait à Vienne et les Allemands ne savaient pas à qui confier la direction de ce nouveau gouvernement, censé organiser une sorte de résistance contre l’armée soviétique qui avançait à grands pas. »
Iustin Liuba se rappelle également de la rencontre tendue entre Horia Sima et les étudiants roumains de Vienne en vue de la création d’une soi-disant « armée nationale de libération » : « Nous, on n’aimait pas le fait que ce gouvernement national ait adopté l’idéologie du mouvement de la Légion de l’Archange Michel parce que finalement les Allemands ont décidé d’installer Horia Sima à la tête du gouvernement. Et ils ont écarté le général Ion Gheorghe qui était quand même sympathisé par les jeunes Roumains de Vienne parce qu’il symbolisait l’armée roumaine anticommuniste. Les Allemands ont favorisé Horia Sima et ils l’ont prié de parler aux étudiants, de les recruter dans l’armée nationale. Ce fut un échec total puisqu’il n’y a eu aucune inscription. Seules deux ou trois jeunes filles de la Faculté de Médecine ont signé le papier parce qu’elles disaient « Nous sommes médecins, nous pouvons travailler dans un hôpital ». Les autres étudiants n’ont pas signé les demandes d’inscription. Horia Sima a pris les papiers, il les a arrachés, les a jetés sur terre et a dit : « J’ai honte de vous, vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites ? » Et nous avons dit : « Nous sommes désolés ». C’est à cela que s’est réduite notre rencontre avec Horia Sima qui est parti en claquant la porte. »
Notons aussi que la dernière mission de combat de l’armée roumaine durant la seconde guerre mondiale a visé la destruction des émetteurs de Radio Donau. C’est par cette mission accomplie avec succès que s’est achevée la participation de la Roumanie sur le front de la Seconde guerre mondiale. (trad.: Mariana Tudose, Alex Diaconescu)