Le samizdat en Roumanie
A l’époque communiste, tous les écrits étaient soumis à la censure. Paru comme une forme subversive de communication, le samizdat était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l’Est. Le mot russe samizdat se traduirait par autoédition et cela veut dire que ce système supposait la publication des écrits par leurs auteurs sans l’implication d’une maison d’édition. Parmi les principaux auteurs de samizdats figurent l’écrivain et le médecin soviétique Vladimir Bukovsky ou encore le dramaturge tchèque Vaclav Havel. Il est important de préciser que le samizdat était toujours écrit à la machine et distribué à l’aide de moyens plutôt rudimentaires.
Steliu Lambru, 01.02.2016, 14:25
A l’époque communiste, tous les écrits étaient soumis à la censure. Paru comme une forme subversive de communication, le samizdat était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l’Est. Le mot russe samizdat se traduirait par autoédition et cela veut dire que ce système supposait la publication des écrits par leurs auteurs sans l’implication d’une maison d’édition. Parmi les principaux auteurs de samizdats figurent l’écrivain et le médecin soviétique Vladimir Bukovsky ou encore le dramaturge tchèque Vaclav Havel. Il est important de préciser que le samizdat était toujours écrit à la machine et distribué à l’aide de moyens plutôt rudimentaires.
En Roumanie, la production de samizdats fut assez faible vu la sévérité du régime communiste. Pour la réprimer, les machines à écrire faisaient l’objet d’un contrôle strict de la part de la milice qui prétendait à leurs propriétaires de les enregistrer et d’offrir chaque année un échantillon d’écriture. Malgré la rigueur du régime, le samizdat a pourtant servi aux intérêts de ceux qui voulaient défendre les droits de l’homme. Tel fut le cas de l’Union des Magyars de Transylvanie.
Créée par le professeur de philosophie Borbely Ernö, l’association figurait parmi les organisations subversives comme nous le disait en 2002 son auteur : « J’ai pris la décision de mettre en place une telle organisation subversive suite à des discussions avec plusieurs amis intellectuels roumains et après avoir lu et distribué des samizdats qui me parvenaient de l’étranger. On a donc décidé de créer une société qui nous aide à lutter contre le sentiment d’impuissance et inutilité que l’on ressentait à l’époque. La plupart des samizdats nous parvenaient de Hongrie, d’Autriche et de France. La diaspora roumaine de France était très forte à l’époque. Elle nous envoyait des samizdats qui s’attaquaient au communisme, en démontrant d’une façon objective les lacunes d’un tel système et l’injustice du communisme en Roumanie. Il convient de mentionner qu’un tel mouvement anti-communiste existait en Hongrie aussi, depuis le début des années 1970. Mais bon, les Hongrois étaient plus libres que nous, malgré le pouvoir de surveillance des autorités. Le régime communiste hongrois n’était pas aussi sévère que le nôtre et la circulation des samizdats dont la plupart appartenaient à des professeurs d’université, de philosophie et sociologie, était plus intense qu’en Roumanie ».
A l’époque communiste, quiconque s’associait sans une approbation officielle était accusé d’intentions subversives et jeté en prison. Conscient de l’injustice de la bataille qu’il avait engagée contre l’Etat, Borbely Ernö a décidé que son organisation s’ouvre à un nombre limité de membres : « On n’a pas voulu accepter trop de personnes comme le font d’habitude les partis ou les associations politiques. Nous, on formait plutôt un petit cercle de personnes réunies autour d’un noyau dur de trois ou quatre membres qui avaient de nombreux contacts. On a entamé des discussions avec des dissidents en vogue à l’époque, tels Kiraly Karoly, afin d’élargir les rangs de notre organisation. Pourtant, dès le début, on s’est proposé de construire tout autour de trois membres fondateurs : moi, Biro Katalin et Buzasz Laszlo. On était parfaitement conscients des risques que l’on courait. La police était agile, elle dressait l’oreille à tout moment et surtout, elle avait plein d’agents au sein de la population ».
Quel était le but de l’organisation ? Bornely Ernö répond: « Nous voulions diffuser plusieurs éléments, y compris ceux des spécialistes de différents domaines, élaborer nos propres samizdats et faire une sorte de propagande. Certes, on ne pouvait pas faire cette propagande de manière directe, bien que nous ayons voulu transmettre des manifestes et de petites revues dans différentes localités. Nous avons pensé à une méthode en ce sens, mais notre but était de faire tout paraître dans des publications occidentales et surtout d’être diffusés par les radios telles que la Deutsche Welle, Radio Free Europe et La Voix de l’Amérique, à l’aide desquelles les textes arrivaient de nouveau en Roumanie. C’est de cette manière que nous avons tenté de mener une sorte de propagande, d’attirer l’attention vers nous. Si nous n’avions pas été découverts, nous aurions attiré encore davantage d’adhérents. Aux côtés d’amis d’Occident nous aurions pu affirmer publiquement, devant une presse plus nombreuse, que nous nous déclarions association officielle. Et pour cause : il était facile de liquider 2 ou 3 personnes, mais il était plus difficile d’en faire de même avec une cinquantaine ou une centaine».
Le samizdat était plus qu’un manifeste, c’était un diagnostic donné à un régime malade en phase terminale, tel le communisme. Nous avons demandé à Borbely Ernö quel était le contenu des textes qu’il a écrits: « Parmi les thèmes abordés figuraient avant tout ceux ayant trait à la liberté : la liberté de la presse, la liberté d’expression, la libre circulation. Je voulais diffuser une étude parue en France justement sur les documents de Helsinki signés par Ceausescu lui-même et qui n’avaient pas été publiés, ni mis en œuvre. Je voulais diffuser une brochure avec les droits de l’homme. Puis, il y avait des sujets liés à la vie sociale et aux opportunités des jeunes. Nous parlions de tout en fait. Nous étions une organisation magyare, mais nous étions très conscients qu’en fin de compte les grandes souffrances étaient les mêmes pour tous et que le problème de la minorité magyare ne pouvait pas être résolu sans trouver une solution aux problèmes fondamentaux ».
En Roumanie, le samizdat a été donc une tentative de mobiliser la population à construire une résistance civile face aux abus du régime communiste. Bien qu’il n’ait pas eu l’ampleur du samizdat de l’Union Soviétique, de Hongrie, de Tchécoslovaquie ou de Pologne, en Roumanie ce phénomène a eu de forts échos au sein de la population qui voulait faire changer les choses. (Trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)