La première école roumaine de Braşov
En 1495, dans le quartier ancien de Braşov appelé Şchei, était érigée l’église qui allait accueillir également la première institution d’enseignement de l’espace roumain. De nos jours, cette église, restaurée au 18e siècle en style baroque, abrite le « Musée de la première école roumaine ».
Steliu Lambru, 13.07.2015, 13:28
En 1495, dans le quartier ancien de Braşov appelé Şchei, était érigée l’église qui allait accueillir également la première institution d’enseignement de l’espace roumain. De nos jours, cette église, restaurée au 18e siècle en style baroque, abrite le « Musée de la première école roumaine ».
Le prêtre professeur Vasile Oltean nous parle de l’apparition de ce berceau de la spiritualité roumaine : « Au fil de l’histoire, plus de 32 princes régnants et grands boyards de Valachie et de Moldavie ont pris cette église sous leur aile protectrice — fait confirmé par 80 documents princiers qui s’y retrouvent. Cela y a permis la création d’un centre culturel et spirituel roumain très puissant, concrétisé, avant tout, par cette première école roumaine. Les historiens affirment que l’enseignement roumain remonte au 16e siècle, pourtant dans les chroniques de l’église de Braşov il est écrit, noir sur blanc, que « la sainte église et l’école ont été bâties en 1495 ». Comment ne pas y croire, puisque, en 1932, Aurelia Mureşan publiait les documents de sa construction en 1495 ? Cette documentation est susceptible de prouver la vérité. Entre temps, nous avons été surpris par le contenu de la Bulle du Pape Boniface IX, du 13 décembre 1392 ; le Pape y faisait état des schismatiques de Şchei, qui recevaient l’enseignement de certains pseudo-maîtres ».
Autour de l’école de Braşov se sont formés, au fil des siècles, de véritables foyers de culture, représentatifs non seulement pour la contrée de Bârsa, mais aussi pour tout l’espace roumain. Y furent imprimés les premiers livres en roumain du diacre Coresi et c’est toujours dans cette école que Dimitrie Eustatievici a écrit, en 1757, la première grammaire roumaine.
Le prêtre professeur Vasile Oltean nous parle du patrimoine de la première école roumaine : «Je pense à l’année 1981, lorsque nous avons découvert un livre de classe de 700 pages remontant aux 11e-12e siècles. La leçon sur la vertu comptait, à elle seule, 250 pages. Un manuel d’une telle ampleur et d’une telle importance, au contenu si riche, suppose, sans doute, l’existence d’un enseignement de haut niveau. Le patrimoine de l’école occupe 15 pièces, auxquelles s’ajoutent 3 autres dont le contenu n’a pas encore été étudié. Il y a 6 mille livres anciens et 30 mille documents. Jusqu’en 1962, ce patrimoine a été caché dans la tour de l’église. Personne n’en connaissait l’existence. Or, en 1962, un vieux professeur, Ioan Colan, est monté dans la tour prendre une planche. Lorsqu’il a tiré sur cette planche, un mur s’est effondré, derrière lequel étaient cachés ces documents. Ioan Colan a purgé 8 années de prison pour avoir conservé dans sa bibliothèque la Bible de Şaguna, qu’il a refusé de brûler. Ce pourquoi il a été déclaré brigand et ennemi du peuple. Au bout des 8 ans d’emprisonnement, il a été embauché par l’église comme ouvrier non qualifié et travaillait comme menuisier, bien qu’il eût 3 doctorats et 3 licences. »
En 1949, par le décret d’Ana Pauker, tout le patrimoine des églises allait être brûlé en public, dont tous les documents de l’école de Şchei. Un prêtre les avait murés dans la tour de l’église, pour les protéger des autorités communistes. Les documents ont été découverts en 1962, Vasile Cuman, prêtre et chef d’inspection ecclésiastique démarra toute de suite l’organisation du musée de l’école de Şchei.
Le prêtre Vasile Oltean raconte: «S’il existe un manuel du 9e siècle, c’est sûr qu’il existait aussi une école à l’époque. Nous avons découvert un registre d’élèves datant de 1683, probablement le plus ancien du pays. Il y avait un seul instituteur, Ioan Duma de son nom. Ils s’occupait de 110 élèves, dont le plus jeune avait 20 ans. Celui qui passait 3 mois à l’école devenait par la suite ensuite « administrateur » de la communauté et de l’église. Ces administrateurs disposaient d’un pouvoir immense : ils pouvaient même destituer le prêtre. L’élève qui passait 6 mois dans une école devenait « chantre ». Il faisait partie du chœur de l’église et s’occupait de l’école. Celui qui étudiait pendant 9 mois devenait prêtre. Pour s’inscrire à l’école, un élève devait apporter un seau de blé, un char de bois et de l’argent, soit 4 florins, lit-on dans le registre. Avec cet argent on pouvait acheter 3 ou 4 bœufs. Mais ce n’était pas l’élève ou son père qui payait, c’était tout le village. Le fait que l’école comptait 110 élèves signifiait qu’ils y étaient venus de toute la région, pas seulement de Brasov. La première jeune femme inscrite à cette école figure dans le registre à peine en 1846 ».
Dans la collection de l’Ecole de Şchei on retrouve aussi le premier livre imprimé en vieux slave. Il date de 1491 et fut publié suite à l’ordre du prince de Moldavie, Etienne le Grand. C’est un des 30.000 documents et livres anciens de Brasov, de véritables trésors de la culture universelle. (Trad. Dominique, Valentina Beleavski)