Une ville dans la ville. Le 3e arrondissement de Bucarest.
Monica Chiorpec, 04.05.2015, 14:12
En 1862, Bucarest devient la capitale des
Principautés unies de Moldavie et de Valachie. Il se développe en tant
qu’important centre culturel et artistique, dont les élites importent le modèle
occidental, notamment français, vers le début du 20e siècle. L’architecture
particulière et l’atmosphère de la bohème bucarestoise d’avant la première
guerre mondiale avaient donné à la capitale roumaine le surnom de « Petit
Paris », qui allait être gardé aussi pendant l’entre-deux-guerres.
Malheureusement,
le régime communiste est brutalement intervenu dans l’architecture et
l’infrastructure bucarestoises. De nombreux monuments historiques ont été
détruits, surtout dans les années ’80, pour laisser la place aux immenses quartiers
dortoirs prolétaires. A l’heure actuelle, Bucarest est divisé du point de vue
administratif en 6 arrondissements, leurs limites allant comme des rayons du
centre vers la périphérie. L’historien Emanuel Badescu évoque les débuts de la
capitale roumaine actuelle.
« Bucarest a eu comme noyau la Cour princière, le Palais princier
et un village dont est issu le plus vieux quartier de la ville. C’était autour
de l’Eglise Saint Georges l’ancien. Ce quartier, appelé le faubourg de Popescu,
s’étendait jusqu’au-delà des églises Delea Veche et Delea Noua, arrivant à
proximité du monastère de Marcuta, dans l’est de Bucarest. Le lieutenant -
colonel Papazoglu, historien archéologue et géographe roumain du 19e
siècle, affirmait que le quartier Dobroteasa serait le lieu de naissance de la
ville. Il se trompait de quelques centaines de mètres, puisque le noyau était
en fait l’Eglise Saint Georges l’ancien. »
Le troisième arrondissement de la capitale inclut
la plus grande partie du centre historique de la ville. Mélange
inédit de bâtiments anciens, représentatifs pour la capitale, et de quartiers
nouveaux, le 3e arrondissement s’étend de la Place de l’Université jusqu’à
l’extrémité est de la ville. Avec ses 34 kilomètres carrés et 342 mille
habitants, selon le recensement de 2011, cet arrondissement est aussi le plus
peuplé de la capitale. Le long de son histoire, il a souffert de nombreuses
transformations, pour des raisons plus ou moins connues.
Plus de détails avec
l’historien Emanuel Badescu : « Cette ville dans la ville est l’endroit qui a souffert le plus,
suite au grand incendie du 23 mars 1847. Si nous regardons la carte dessinée
par le même lieutenant – colonel Papazoglu, nous constatons que l’incendie
déclenché dans la cour de la famille Filipescu, devant l’Eglise Saint Démètre,
s’est étendue jusqu’au delà de l’Eglise Saint Etienne, sur l’actuelle avenue
Calarasilor. Pratiquement ce grand incendie s’est propagé sur l’ensemble du
territoire occupé actuellement par le 3e arrondissement de Bucarest.
Ce fut également là qu’ont été appliquées les premières réglementations dans la
construction des immeubles, proposées tant par Gheorghe Bibescu que par son
frère Barbu Stirbey. Ces normes de construction des maisons privées sont
valables de nos jours encore. Je ne sais pas quel fut le rôle joué par ce feu
et s’il n’avait pas été provoqué par quelqu’un puisque certains quartiers n’ont
pas été touchés. Par exemple, l’ancien hôtel de ville, bâti par Xavier
Villacrosse en 1843, fut miraculeusement épargné par le feu. Le bâtiment a été
démoli plus tard, durant les travaux de canalisation de la rivière Dambovita,
autour de l’an 1880. »
Sur l’emplacement
actuel de l’Université de Bucarest, un des plus importants bâtiments qui sert
pour délimiter les 1er et le 3e arrondissements de
Bucarest, était l’ancien monastère Saint Sava. Au 18e siècle, le
monastère école devient Académie princière. La Banque nationale, le Palais des
Postes – actuel Musée national d’histoire de la Roumanie, le Caravansérail de
Manuc, mais aussi les églises Stavropoleos, Coltea et l’Eglise russe sont
autant de monuments qui ont heureusement résisté à la période communiste.
Ce ne
fut pas le cas pour d’autres quartiers du 3e arrondissement de la
capitale, extrêmement importants pour l’histoire de Bucarest, explique Emanuel
Badescu : « Tout
historien peut constater avec amertume l’ampleur des grandes destructions de la
période 1981-1986. Pendant ce
temps, cet arrondissement a souffert davantage que les cinq autres. Il s’agit
de la destruction du plus grand faubourg de Bucarest, le faubourg de Popescu,
qui incluait le vieux noyau délimité par l’église Saint Georges
l’ancien et l’église Saint Vendredi, qui ont tout simplement disparu. De
nouveaux immeubles à plusieurs étages ont été érigés jusqu’au croisement des
avenues Calarasilor et Mihai Bravu. Nous voyons comment la partie la plus
ancienne de l’arrondissement et de la Capitale a carrément été mutilée. Au delà
de l’Avenue Mosilor, ce qui reste, c’est l’église fondée par le maréchal Ion
Antonescu, où se trouve toujours le buste de celui-ci ».
C’est dans les quartiers dortoirs du Centre
civique, Dristor, Muncii, Titan et Timpuri Noi qu’est concentrée la plupart de
la population du 3e arrondissement de la Capitale. L’organisation
verticale de la ville avait été imaginée à l’époque communiste comme solution dans
le cadre de la politique d’urbanisation de la ville. A l’heure actuelle, le
développement immobilier provoque des inquiétudes quant au sort des monuments
et des quartiers historiques de Bucarest.
(trad : Alex Diaconescu)