Rivalités politiques: le roi Carol II et le prince Nicolae
Le roi Carol II, qui a régné entre 1930 et 1940, compte parmi les personnalités les plus controversées de l’histoire de la Roumanie. Fils aîné du roi Ferdinand et de la reine Marie, Carol était orgueilleux, rancunier et enclin à la vengeance. Il rêvait de devenir le leader national absolu, tissait des intrigues et s’entourait de personnes qui partageaient ses valeurs. Dans le monde politique, il a été répudié tant par des figures de proue de la démocratie roumaine, tel Iuliu Maniu, que par l’extrême droite. A la fin de sa décennie de règne, la Roumanie de Carol II agonisait, avec des territoires amputés dans l’est, l’ouest et le sud.
Steliu Lambru, 02.09.2013, 12:27
Le roi Carol II, qui a régné entre 1930 et 1940, compte parmi les personnalités les plus controversées de l’histoire de la Roumanie. Fils aîné du roi Ferdinand et de la reine Marie, Carol était orgueilleux, rancunier et enclin à la vengeance. Il rêvait de devenir le leader national absolu, tissait des intrigues et s’entourait de personnes qui partageaient ses valeurs. Dans le monde politique, il a été répudié tant par des figures de proue de la démocratie roumaine, tel Iuliu Maniu, que par l’extrême droite. A la fin de sa décennie de règne, la Roumanie de Carol II agonisait, avec des territoires amputés dans l’est, l’ouest et le sud.
Carol II est même entré en conflit avec les membres de sa famille, par exemple avec son frère, le prince Nicolae. Quatrième enfant du couple royal Ferdinand et Marie, Nicolas a été baptisé par le tzar russe Nicolas II, celui qui allait être liquidé par le régime bolchevique en 1918. Malgré l’éducation reçue, celle d’un héritier du trône de Roumanie, Nicolas a constamment refusé d’assumer une telle mission, malgré les nombreuses occasions de le faire.
L’historien Ioan Scurtu croit que le prince Nicolas n’avait jamais eu envie de devenir monarque. « Le prince Nicolae était le deuxième enfant des six enfants de la princesse Marie, celle qui allait devenir reine de Roumanie aux côtés de son époux, le roi Ferdinand. Le prince Nicolae n’a jamais voulu être roi, ni même lorsque le premier ministre Alexandru Marghiloman avait proposé de le proclamer héritier du trône. Un de ces moments a été en 1918, quand Carol avait épousé Zizi Lambrino, malgré le risque de se voir exclus de la famille royale. Ensuite, pendant la régence de 1927 – 1930, la reine Marie avait proposé, elle aussi, de faire élire Nicolae premier régent, pour diriger pratiquement la Maison royale. Mais, je le répète, le prince Nicolae n’a pas eu de telles velléités. »
Dans une fratrie, il y a toujours des querelles; chose valable aussi dans le cas des familles royales. L’historien Ioan Scurtu explique la rivalité entre Carol et Nicolae par deux raisons. Le premier serait l’orgueil de Carol de voir son entourage obéir à sa volonté dans tous les aspects de la vie, même dans le cas des choix personnels ou sentimentaux. « Le 6 juin 1930, quand Carol est rentré au pays de l’exil qu’il s’était lui même imposé, le prince Nicolae l’a accueilli les bras ouverts au Palais de Cotroceni et l’a embrassé, lui souhaitant la bienvenue. Je pense qu’à l’origine du conflit se trouvait une question de nature subjective, à savoir le mariage du prince Nicolae avec une personne qui ne faisait pas partie des familles royales, ce qui était contraire au statut de la Maison Royale. Carol a tenté d’amener Nicolae sur le bon chemin. Ce même Carol qui vivait une histoire d’amour avec Elena Lupescu, elle non plus de souche noble et qu’il n’a même pas épousée. Nicolae s’était marié avec Ioana Dolete-Săveanu en décembre 1931. A la suggestion de Carol, le ministre de l’intérieur Constantin Argetoianu a demandé au maire de la commune de Tohani, où la cérémonie de mariage avait eu lieu, d’apporter le registre des mariages et de faire venir le notaire. Celui-ci a dû copier en entier le registre des mariages et en rayer celui du prince Nicolae avec Ioana Săveanu. »
La rivalité entre les deux frères a également été causée par les sympathies politiques du cadet. De l’avis de Ioan Scurtu, cet autre motif avait pesé plus dans ce conflit. « La deuxième cause du conflit est celle des options politiques de Nicolae. Il s’était rapproché de la Légion de l’Archange Michael. En avril 1936, ce mouvement avait organisé un congrès lors duquel avaient été constituées les équipes de la mort, qui devaient liquider plusieurs adversaires politiques, dont Elena Lupescu. N’agréant pas le prince Nicolae, Elena évitait aussi la compagnie de son épouse. Pour forcer la note, Nicolae a fait des gestes de sympathie envers les membres de la Légion de l’Archange Michel. C’est ce qui explique pourquoi cette dernière a diffusé un tract élogieux à l’adresse du prince, qui avait pris position contre Mme Lupescu, considérée comme « un malheur » pour le pays. Une année plus tard, en avril 1937, sur l’initiative de Carol II, un Conseil de la couronne décida d’écarter le prince Nicolae de la famille royale. La question était délicate, car on l’accusait de mésalliance, autrement dit de violation du statut de la Maison royale. »
La fin de la guerre c’est aussi la fin de la dynastie royale de Roumanie. La famille royale a été obligée à suivre l’exemple de Carol II, lequel avait choisi de s’exiler, en 1940. Et ce fut Nicolae qui fit le premier pas vers la réconciliation avec son frère.
Ioan Scurtu : « Bien qu’ostracisé et en dépit de la très mauvaise attitude du roi, Nicolae a été le seul membre de la famille royale à participer aux obsèques de Carol II. Le prince Nicolae, ce personnage intéressant du paysage politique roumain, n’a jamais convoité le trône. Il n’est pas moins vrai, cependant, qu’il a eu du mal à digérer l’implication d’Elena Lupescu dans la vie politique. »
La rivalité qui a opposé le roi Carol II à son frère, le prince Nicolae, n’est pas allée aussi loin que celle entre le roi et Corneliu Codreanu, le chef de la Légion de l’Archange Michel, une rivalité qui allait d’ailleurs finir par l’assassinat de Codreanu. Pourtant, le capricieux roi Carol II n’a pas hésité à recourir à toutes les manigances, afin d’imposer sa volonté à son frère…