Poèmes roumains de Nina Cassian et Doina Ioanid, dans un top international
Pour réaliser le classement 2014, les spécialistes du Southbank Centre de Londres se sont éloignés de leur manière habituelle de s’y prendre — choisissant, par exemple, ces poèmes parmi les créations de la poétesse britannique Barrett Browning ou de William Shakespeare.
Corina Sabău, 16.07.2014, 14:20
Pour réaliser le classement 2014, les spécialistes du Southbank Centre de Londres se sont éloignés de leur manière habituelle de s’y prendre — choisissant, par exemple, ces poèmes parmi les créations de la poétesse britannique Barrett Browning ou de William Shakespeare.
Parmi les 50 poèmes sélectionnés cette année figurent « The Yellow Dog » — Le chien jaune, de Doina Ioanid, et « Lady of Miracles » – Donna miraculata, de Nina Cassian. Ils seront lus le 20 juillet, dans le cadre du Festival international de la poésie, fondé par Ted Hughes en 1967.
Renée Annie Cassian est née le 27 novembre 1924, à Galati, (est) dans une famille d’origine juive. Elle a fait ses études à Brasov, (centre) et à Bucarest. A 16 ans, elle rejoint l’organisation de la jeunesse communiste. Ses premières tentatives littéraires sont encouragées par deux grands poètes roumains, Tudor Arghezi et Ion Barbu. «Un talent incontestable » fut le verdict d’Arghezi. « Nina est attirée par le mouvement communiste mais les « camarades » ne l’agréent pas, la considérant comme orgueilleuse et dominatrice» écrivait pour sa part, Alex Stefanescu. Après une brève période durant laquelle elle écrit de la poésie réaliste socialiste, Nina revient à la littérature authentique, en s’adonnant à celle pour enfants.
Ainsi, entre 1959 et 1974 allaient paraître « Le Prince Miaou », « Les Aventures de Trompette », « Mouche du coche », « Arc-en-ciel », « L’histoire de deux tigreaux, appelés Ninigra et Aligru », « Le chat à la télé ».
En 1985, bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Sörös, Nina Cassian se rend aux Etats-Unis en tant que professeur invitée pour donner un cours à New York. C’est là qu’elle apprend l’arrestation et le meurtre en prison de son ami, le dissident Gheorghe Ursu. Elle décide de ne plus rentrer au pays. En représailles à sa décision, Nina se voit confisquer son appartement de Roumanie. Ses livres sont interdits et retirés des bibliothèques, jusqu’à la chute du régime de Nicolae Ceausescu, en décembre 1989. Ses poèmes sont parus dans les revues américaines, The New Yorker, Atlantic Monthly, New England Review et American Poetry Review. Une grande partie de la poésie de Nina Cassian a été traduite en anglais, italien et français.
A son tour, Nina a traduit des œuvres de Vladimir Maiakovski, Kornei Ciukovski, Margarita Aliger, Yannis Ritsos, Christian Morgenstern, Paul Celan, Bertolt Brecht, Molière, Shakespeare.
« Etre d’une grande sensibilité, ayant l’air d’une sirène séduisante et d’une biche apeurée, dont le profil ressemble à Dante, aux doigts d’une élégance hors du commun, qu’on a du mal à oublier. La musique lui coule dans le sang, la poésie dans la chair, son discours est séduisant comme un champagne de luxe. Consommatrice frénétique de vodka et de cigarettes, cynique et ludique, romantique et mélancolique, frêle et cruelle, gracile et intransigeante — c’est comme ça qu’a été Nina. » La description appartient à l’historien Vladimir Tismaneanu, qui l’a écrite juste après la mort de la poétesse, en ce 16 avril 2014.
Dix ans après s’être établie à New York, Nina Cassian déclarait dans une interview à la poétesse Liliana Ursu: « Au début, je n’ai rien fait car j’étais inapte pour n’importe quelle action, j’étais immune, anesthésiée par un nombre trop grand de pertes fondamentales. J’étais très bonne amie de la notion de mort. Cependant, sans faire aucun effort, j’ai eu de la chance et c’est pour cela qu’à une première vue je peux me considérer comme un être triomphant. A une deuxième vue — un morceau de chair triste, ”hélas, la chair est triste et jai lu tous les livres”. Voilà, en dernière analyse et en métaphore, ce qui m’arrive. En effet, mon impact sur les publics américain et britannique fut pour moi une surprise et une révélation. Car en emmenant mes paroles d’une terre différente, et non seulement d’une autre langue, mais d’une configuration psychique et mentale totalement différente, j’ai été surprise de constater que le public a été si réceptif et moi si convaincante. Et le résultat est vraiment celui-ci, ce fut un coup de foudre.»