L’écrivain Mike Ormsby, Roumain par alliance
Mike Ormsby est un écrivain britannique qui a débuté dans la littérature par un livre sur la Roumanie. Ancien musicien professionnel, ensuite journaliste et formateur à la BBC de 1990 à 1997, il s’est marié avec une Roumaine, un jour de Noël, à Las Vegas, devenant ainsi Roumain par alliance. Même s’il habite Bakou, il écrit sur son site que son chez lui c’est la Transylvanie. Son premier livre, Grand Bazar România, Grand Bazar Roumanie, paru en 2008 à la maison d’éditions Compania, a joui d’un succès prévisible à une époque où les Roumains s’intéressaient au regard que portaient sur eux les étrangers.
România Internațional, 19.02.2014, 14:18
Mike Ormsby est un écrivain britannique qui a débuté dans la littérature par un livre sur la Roumanie. Ancien musicien professionnel, ensuite journaliste et formateur à la BBC de 1990 à 1997, il s’est marié avec une Roumaine, un jour de Noël, à Las Vegas, devenant ainsi Roumain par alliance. Même s’il habite Bakou, il écrit sur son site que son chez lui c’est la Transylvanie. Son premier livre, Grand Bazar România, Grand Bazar Roumanie, paru en 2008 à la maison d’éditions Compania, a joui d’un succès prévisible à une époque où les Roumains s’intéressaient au regard que portaient sur eux les étrangers.
Les histoires de Mike sur les personnages pittoresques qu’il a pu croiser dans une capitale roumaine fraîchement intégrée dans l’UE ont été appréciées tant par les lecteurs autochtones que par la communauté assez nombreuses d’expats. Ces derniers se sont peut-être retrouvés dans les étonnements et les moments de perplexité vécus par Mike Ormsby. Comme il ne s’est pas limité à un seul livre — trois autres s’en étant suivis – nous lui avons demandé où en est sa relation avec la Roumanie. « Comme n’importe quel autre pays, la Roumanie a plusieurs visages, que je découvre peu à peu. Même si je la connais depuis pas mal d’années, j’ai encore des découvertes à faire. Certaines choses qui la concerne m’attristent, comme la migration des jeunes dont je connais plusieurs. Par exemple, j’ai un ami roumain de seulement 18 ans, qui vit aux Etats-Unis. Il n’a plus revu son pays natal depuis l’âge de 5 ans et il commence déjà à perdre la maîtrise de sa langue maternelle. Sa mère et son père envoient de l’argent aux grands-parents qui sont restés en Roumanie, mais cela ne saurait combler le vide laissé par le petit-fils. C’est ça la situation et malheureusement il y a peu de chances qu’elle change bientôt. Le capital humain s’est raréfié comme après la guerre. Je me réjouis, pourtant, de ce que certains aspects dont j’ai parlé dans mon premier livre soient plutôt rares aujourd’hui. Et je me réfère par exemple aux chauffeurs carrément dangereux de Bucarest et aux conducteurs de taxi totalement dépourvus de scrupules. Si ceux-là ne me manquent pas, il me manque, en échange, l’hospitalité et la sagesse des Roumains. Moi, qui travaille longtemps à l’étranger, j’aime écouter la musique d’Enesco, laquelle, je pense, exprime le mieux l’esprit de ce pays.
6 ans après la parution de son livre sur la Roumanie, Mike Ormsby continue de recevoir des lettres de ses lecteurs. “La semaine passée, une jeune femme écrivait sur ma page Facebook que je suis le seul étranger à dire la vérité sur la Roumanie Comme tout écrivain, j’ai aussi des retours moins agréables, mais cela ne me dérange pas. A mon avis, l’art controversé est le plus intéressant et puis chaque lecteur a le droit d’exprimer librement son opinion, pourvu qu’elle soit étayée par des arguments. Je suis en train de forger une relation avec des lecteurs plus jeunes, grâce à mon deuxième livre, «Le moulinet sans peur». Tout un village sort de l’obscurité grâce à un moulinet, qui est une sorte de turbine éolienne. J’ai présenté mon livre dans différentes écoles de Roumanie, ce qui m’a donné l’occasion d’expliquer aux enfants le fonctionnement des turbines et de leur apprendre qu’elles génèrent non seulement de l’électricité, mais aussi des controverses. Il paraît que les enfants aiment mon histoire, tout comme les dessins de Sorin Sorăşan, lequel, à mon avis, est un vrai génie. Je reçois des messages intéressants de mes lecteurs roumains à l’égard de mon dernier livre publié en 2013, Child Witch Kinshasa. Je suis très heureux qu’ils aient la curiosité de lire ce livre, d’autant plus qu’il y a quelques années, un éditeur de Bucarest me disait que les Roumains ne s’intéressaient pas trop à l’Afrique. Cette opinion, je ne l’ai pas partagée. J’espère même parvenir à prouver le contraire.”
Child Witch Kinshasa, un roman inspiré de la réalité, raconte l’histoire des enfants congolais auxquels les adultes font porter toutes les difficultés de ce monde. Lorsque les choses ne tournent pas rond en famille ou dans le village, lorsqu’une grande personne perd son emploi ou tombe malade, les enfants sont jetés dans la rue, accusés de sorcellerie. Le livre de Mike Ormsby a un peut de tout: humour, magie noire, fragilité, crainte, incertitude, tension. Mike affirme qu’il vaut la peine de raconter l’histoire des enfants possédés par le diable. En 2002, j’étais au Congo pour tenir un cours de formation à l’intention des journalistes. Ma femme, Angela, travaillait comme freelance. J’ai vu alors beaucoup d’enfants de la rue. Si à l’époque ils étaient quelque 30.000, maintenant ils doivent être bien plus nombreux. Bien d’entre eux sont accusés de sorcellerie et soumis à des brutalités inimaginables. Certains arrivent même à trouver la mort pendant les sois-disant exorcisations. J’ai donc pensé que c’était un thème qu’il fallait développer. J’ai rencontré plusieurs enfants qui ont vécu des expériences affreuses, ainsi que des prêtres qui dirigent les séances d’exorcisation. La réaction tout à fait naturelle de quiconque entend parler de ces choses est de se dire que c’est une barbarie. La réaction est justifiée, mais ces choses relèvent, en quelque sorte, du contexte socio-économique. La guerre est une étrange bête. Elle est à l’origine d’un vide politique et moral. Peut-être réagirions – nous de la même façon si nous étions à la place de ces gens pauvres, dépourvus d’instruction et qui croient que si les choses vont mal c’est la faute au diable’’.
Il est rare qu’un écrivain puisse affirmer avoir changé en mieux le monde. Mike, lui, peut le dire sans que cela ait l’air d’une vantardise. Depuis deux ans, une loi punit les violences faites aux enfants ou les accusations de sorcellerie portées à leur encontre. Avec sa femme, Angela, Mike a réalisé deux vidéo clips musicaux sur ce thème au Congo, diffusés par les télévisions locales. Par ces clips et son livre, il tente d’attirer l’attention du monde sur cette histoire douloureuse. J’ai utilisé ces clips vidéo lors des cours de formation pour les journalistes et je les encouragés à essayer de traiter ce sujet de manière plus objective, car, dans la plupart des cas, ils se limitaient à donner les seuls points de vue des prêtres ou des parents paranoïaques, en oubliant qu’un enfant avait été maltraité physiquement et psychologiquement. Ce livre est en fait ma manière à moi de changer quelque chose, de dire au monde ce qui se passe et pourquoi cela se passe, d’inciter les gens à l’action. Le problème n’a pas été écarté. Peut-être que l’on dénombre maintenant à Kinshasa beaucoup plus d’enfants de la rue qu’il n’y avait auparavant, mais il existe désormais cette loi qui pourra améliorer la situation, pourvu qu’elle soit appliquée’’.
A quelques semaines de la publication par la maison d’éditions roumaine Nicoaro Books, le livre « Child Witch Kinshasa » de Mike Ormsby est déjà un best – seller. La deuxième partie de cette histoire, à paraître bientôt, parle du périple londonien d’un enfant accusé de sorcellerie. (trad.: Mariana Tudose)