Le photographe Iosif Berman
Juste après la première Guerre mondiale, lorsque le reportage social et notamment celui photographique en étaient à leurs débuts en Roumanie, Iosif Berman ne fut pas seulement un des premiers photo reporters mais aussi le meilleur. Né dans une famille juive, le 17 janvier 1892 dans la localité de Burdujeni, de nos jours un quartier de la ville de Suceava, dans le nord de la Roumanie, Iosif Berman fut attiré par la photographie dès le plus jeune âge, prenant des photos y compris sur les champs de bataille de la première conflagration mondiale. Une fois établi à Bucarest, il entame sa collaboration la plus fructueuse, avec le journaliste Filip Brunea — Fox, considéré à l’époque comme le prince du reportage.
Christine Leșcu, 29.01.2014, 14:20
Juste après la première Guerre mondiale, lorsque le reportage social et notamment celui photographique en étaient à leurs débuts en Roumanie, Iosif Berman ne fut pas seulement un des premiers photo reporters mais aussi le meilleur. Né dans une famille juive, le 17 janvier 1892 dans la localité de Burdujeni, de nos jours un quartier de la ville de Suceava, dans le nord de la Roumanie, Iosif Berman fut attiré par la photographie dès le plus jeune âge, prenant des photos y compris sur les champs de bataille de la première conflagration mondiale. Une fois établi à Bucarest, il entame sa collaboration la plus fructueuse, avec le journaliste Filip Brunea — Fox, considéré à l’époque comme le prince du reportage.
Les deux ont travaillé, entre 1924 et 1938, pour les publications « Adevarul » et «Dimineata », entrant en contact avec les milieux sociaux des plus divers. Anca–Aurelia Ciuciu, chercheuse au Centre pour l’Etude de l’histoire des Juifs de Roumanie explique: « D’un côté, Berman a présenté la société mondaine, extrêmement luxueuse, ainsi que la famille royale, dont il fut d’ailleurs le photographe, de l’autre il s’est penché sur les banlieues et sur ses semblables les plus démunis. Berman est un photographe qui raconte des histoires, ses photos pouvant être comprises même en l’absence d’un texte descriptif. Elles sont très suggestives chose pas du tout fortuite. Avant de prendre des photos, Berman consacrait des semaines entières à la documentation. Il s’entretenait pas mal de fois avec les gens qu’il allait photographier. Les instantanés ont bien évidemment leurs importance à eux, mais une photo de quelqu’un que l’on comprend et dont on connaît un peu la vie a une toute autre valeur. Même la façon dont la personne prise en photo se rapporte au photographe est bien différente. Dans bon nombre de ses photos, les gens sourient. C’est là un des problèmes posés par les photos qu’il a prises dans les campagnes monographiques menées en milieu rural, lorsqu’il accompagnait le sociologue Dimitrie Gusti. Ces photos là surprenaient des gens heureux – ce pourquoi elles ont été complètement inutilisables à l’époque communiste: c’était inutile, du point de vue de la propagande, de présenter des paysans heureux. »
Les photos de Iosif Berman accompagnant les reportages de Brunea — Fox mettaient en évidence la joie, l’émotion et l’humanité des faubourgs. Iosif y oeuvrait comme un artiste à sa création. Anca –Aurelia Ciuciu s’attarde sur la manière de travailler de Iosif Berman: «Il ne se contentait pas d’étudier le personnage, il s’attardait aussi sur le côté esthétique. Il suivait différentes ombres et formes ; il était connu comme « le chasseur de nuages ». Il s’intéressait à la technique photographique et aux dernières découvertes dans le domaine des représentations photographiques. Il était perfectionniste, il passait beaucoup de temps dans la chambre obscure afin de mettre au point le moindre détail. A en croire les déclarations de la famille, sa journée de travail était très longue ».
Son talent et son perfectionnisme lui ont également valu de nombreuses collaborations à des publications à l’étranger. Il a été le correspondant du quotidien The New York Times, collaborateur de Associated Press et de la revue National Geographic. Les photos parues dans cette dernière publication ont récemment été redécouvertes et republiées par l’édition roumaine de la revue. Au début des années ’40, Iosif Berman a envoyé des photos reflétant la situation politique du pays, dominée par l’ascension de la Garde de Fer. Anca –Aurelia Ciuciu: « Dans les années ’40, avant de se voir interdire la pratique du métier en raison de ses origines juives, Iosif Berman a essayé de travailler pour les agences de presse de l’extérieur et de leur envoyer des photos qui ne pouvaient pas être publiées en Roumanie. Cela n’a pas duré longtemps, car, après 1940, on lui interdit même de prendre des photos. Il n’avait même plus le droit de détenir un appareil photo, considéré comme un instrument de propagande. Ce fut d’ailleurs le moment où la maladie s’est déclenchée. Berman est mort peu après s’être vu imposer cette interdiction ».
Victime de la législation antisémite de l’époque, le photographe Iosif Berman fut atteint d’une maladie rénale qui a causé sa mort en septembre 1941. A présent, l’archive de photographies de Iosif Berman est dispersée à travers le monde, dans différents musées et collections privées. L’archive des négatifs n’est plus complète, beaucoup d’entre eux ayant été endommagés lors du violent tremblement de terre de 1977. Une partie de l’archive se retrouve dans la collection du Musée du Paysan roumain: ce sont des négatifs réalisés durant ses campagnes aux côtés du sociologue Dimitrie Gusti. (trad.: Alexandra Pop)