Le critique de théâtre et essayiste George Banu
Luana Pleşea, 11.04.2014, 14:03
«Je pense vivre simultanément dans deux villes qui se retrouvent en moi à la fois: Bucarest et Paris. Mais le fait de se retrouver entre deux mondes cache souvent un certain danger. Il y a des artistes qui associent le bien à leur pays d’origine et le mal à celui d’adoption. Il y a toujours cette tendance à valoriser les endroits que l’on a quittés. Personnellement, je pense qu’il est très important de bien saisir les différences et surtout de les respecter. Quoique je dirais que l’avantage de se retrouver entre deux cultures est d’apprendre à trouver des arguments en faveur de l’une d’entre elles par rapport à l’autre. Et il ne faut jamais penser que le bien est ailleurs ».
31 décembre 1973, Gare de l’Est : le critique de théâtre George Banu descendait d’un train, avec seulement 25 dollars en poche, se souvient-il dans son livre de mémoires « Mon Paris à moi ». C’est depuis ce moment-là qu’il a choisi de vivre entre deux mondes : la France et la Roumanie. Bien que 40 années se soient écoulées depuis qu’il est devenu citoyen français, George Banu a salué la chute du communisme roumain pour pouvoir revenir dans son pays natal aussi souvent que possible. Né à Buzau en 1943, George Banu a suivi les cours de l’Institut d’Art théâtral et cinématographique de la capitale, section Théâtre, où il a connu celui qui allait devenir des années plus tard le grand réalisateur roumain Andrei Serban. Pourtant, une année avant la fin de leurs études, les deux ont décidé de changer de destin pour intégrer, le premier la section Théâtrologie et le deuxième celle de Mise en scène.
George Banu devient professeur d’Etudes théâtrales aussi bien à la Sorbonne Nouvelle qu’à d’autres universités. Parallèlement, il est connu pour ses essais et ses nombreux ouvrages consacrés au théâtre contemporain et aux personnalités dramatiques mondiales telles : Peter Brook, Patrice Chéreau ou Luc Bondy.
Récemment invité à Bucarest, aux « Conférences du Théâtre national », pour parler de son livre sur Paris, George Banu nous a fait part de ses convictions d’homme de théâtre. « Je n’ai jamais écrit sur des choses que je n’aime pas. La vie est trop courte pour perdre le temps. La critique négative est en fait la critique par l’oubli et l’indifférence. Le théâtre nous offre pas mal de raisons d’être déçus et de ne pas l’aimer. Je me rappelle qu’il y a des années, quelqu’un m’avait demandé pourquoi je n’écrivais que sur mes amis. Hé bien, la réponse que je lui ai donnée est toujours valable : mes amis ne sont que les gens dont je respecte l’œuvre ».
Le critique et l’homme de théâtre George Banu se trouve également à la tête de la revue « Alternatives théâtrales » et de la collection « Le temps du théâtre » parue chez Actes Sud. Il est président d’honneur de l’Association Internationale des Critiques de théâtre, président du Prix Europe pour le théâtre et docteur honoris causa de plusieurs universités européennes. Il s’est vu remettre trois fois le Prix du meilleur livre sur le théâtre de France.
Pour son 70ème anniversaire, la Sorbonne lui a consacré le volume « Les voyages ou l’horizon du théâtre » paru en roumain à la Maison d’Edition Nemira. C’est un ouvrage collectif coordonné par Catherine Naugrette et qui réunit des témoignages et histoires de plusieurs personnalités culturelles amis de George Banu. Parmi eux, Andrei Serban qui affirme « George s’avère tellement impatient de voir des spectacles de théâtre qu’il lui arrive de se rendre à l’aéroport bien des heures en avant de peur de ne pas rater son vol et donc la pièce. Il aime la nouveauté, la surprise, c’est pour tout cela qu’il voyage. Car, plus que le théâtre classique, c’est le nouveau théâtre qui passionne George et le remplit d’enthousiasme. Il a un appétit hors du commun pour la scène. Un appétit falstaffien, si j’ose dire. Il a vu des milliers des spectacles sans en avoir jamais marre. Au contraire, il en veut encore et encore »…(trad. : Ioana Stancescu)