La voie ferrée Anina-Oravita
Conçue pour desservir les mines de charbon du sud-est de la Province du Banat, cette voie ferrée avait été projetée dès la fin des années 1840.
Christine Leșcu, 11.10.2013, 10:23
Conçue pour desservir les mines de charbon du sud-est de la Province du Banat, cette voie ferrée avait été projetée dès la fin des années 1840.
Toutefois, les travaux allaient être retardés en raison aussi bien du trajet difficile que des circonstances sociales et historiques. Carmen Albert, scientifique au Musée du Banat montagneux, de Resita, s’attarde sur le projet de construction de cette voie ferrée: «Le projet est né pour satisfaire aux besoins européens de développement économique. C’est que le charbon, d’une excellente qualité, extrait à Anina, était nécessaire à la navigation sur le Danube. Comme il fallait l’acheminer vers Bazias, porte d’entrée du Danube dans la province du Banat, on ne pouvait le transporter jusque là que par voie ferrée. C’est dans ce contexte qu’est apparu le projet de la voie ferrée Anina-Bazias et de la route Anina — Oravita. Dans une première étape on a recherché le trajet le plus approprié. Les ingénieurs spécialisés envoyaient les rapports à Vienne, vu qu’à cette époque- là, la Province du Banat faisait partie de l’Empire des Habsbourgs. Le projet a été achevé en 1847 par les ingénieurs Anton Rappos et Karl Maniel. Au début, ils ont imaginé une voie ferrée à traction mixte respectivement à vapeur entre Anina et Bazias et animale sur le tronçon Oravita- Anina. Le long des années, le projet a subi plusieurs modifications, en fonction des difficultés rencontrées. Tout d’abord, ce fut le terrain qui a posé problème. On devait exécuter des travaux d’aménagement souterrains dans le bassin carbonifère, dans les galeries de liaison. A l’époque, il était difficile de creuser des galeries, vu que la dynamite n’avait pas encore été découverte. Par conséquent, on a creusé au ciseau et au marteau. L’épidémie de typhus a elle aussi beaucoup ralenti le rythme des travaux. Les tensions politiques, la révolution de 1848 qui avait déjà saisi l’Europe tout entière, ont elles aussi entravé les travaux ».
Après une pause de deux ans et demi, le projet a été repris, les travaux effectifs s’étalant entre 1860 et 1863, date de l’inauguration. La voie ferrée Anina –Oravita fut surnommée le Semmering du Banat, vu qu’elle ressemblait à une autre voie ferrée en région de montagne, celle reliant Vienne et Trieste, à travers les Gorges Semmering des Alpes. Carmen Albert revient au micro avec des détails sur les travaux de construction: « Y ont travaillé des ouvriers italiens spécialisés dans la maçonnerie ainsi que des tailleurs de pierre. Une fois finis les travaux, certains sont rentrés en Italie, d’autres sont restés au Banat, leurs descendants y menant leur vie de nos jours encore. Il y avait aussi des ouvriers roumains des localités avoisinantes. Entre temps, le projet avait été modifié, et on a renoncé à la traction animale en faveur de celle à vapeur. Le trajet proprement-dit n’était pas trop long. En effet, le tronçon Oravita – Anina ne dépasse pas les 15 kilomètres. En revanche, en raison du parcours sinueux au cœur des montagnes, la longueur des rails a dû presque doubler. Un autre défi à relever a été celui des différences de niveau, des tunnels et des viaducs. D’où le besoin d’imaginer des locomotives pour ce type de voie ferrée. Projetées et exécutées à Vienne, ces locomotives devaient remorquer des charges allant jusqu’à 110 tonnes. »
A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de voies ferrées en régions de montagne. La plupart se trouvaient toujours dans l’Empire des Habsbourgs. S’y ajoutaient celles d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique construites entre 1830 et 1850. 6 ans après la mise en service des chemins de fer Anina — Oravita, les trains ont commencé à transporter aussi bien des marchandises que des personnes. Il s’agissait notamment de mineurs qui faisaient la navette jusqu’à Anina, où ils travaillaient. L’existence d’une autre catégorie de voyageurs a conféré une dimension culturelle aussi à cette voie ferrée, explique Carmen Albert: « Cette voie ferrée a aussi joué un rôle social. Non seulement elle a permis de transporter des gens et des marchandises, mais elle a relié des centres industriels, réuni des personnes d’ethnies et de religions différentes, le Banat étant connu comme une véritable mosaïque de ce point de vue. Roumains, Allemands, Hongrois, Serbes se sont sentis plus proches les uns des autres ».
« Le Semmering du Banat » a desservi l’industrie minière de la région jusqu’à la fermeture des mines d’Anina, il y a quelques années. Depuis lors, cette voie ferrée n’a plus qu’une vocation touristique. (trad.: Alexandra Pop)