Brève histoire des vieilles auberges de Bucarest
Pendant les premières décennies du 18e siècle, Bucarest avait déjà une vie économique dynamique. Les environs de la Cour Royale – lieu de rencontre des marchands itinérants — sont rapidement devenus un important centre économique. En même temps les boutiques et les auberges, où les marchands faisaient halte pour manger et pour dormir, se sont développées.
Steliu Lambru, 25.12.2013, 19:00
Pendant les premières décennies du 18e siècle, Bucarest avait déjà une vie économique dynamique. Les environs de la Cour Royale – lieu de rencontre des marchands itinérants — sont rapidement devenus un important centre économique. En même temps les boutiques et les auberges, où les marchands faisaient halte pour manger et pour dormir, se sont développées.
Il existe encore à Bucarest des auberges que nous allons «visiter» aujourd’hui en compagnie de l’historien Dan Falcan : «Les auberges ont accompagné le développement urbanistique et commercial de la ville. Elles sont apparues au 17e siècle. A un moment donné il y existait plus d’une centaine d’auberges à Bucarest. Le terme roumain «han» est d’origine turque et désigne l’établissement où les voyageurs et les commerçants surtout pouvaient faire une halte et présenter leurs marchandises. Les auberges leur servaient également de magasin, car elles disposaient de suffisamment de pièces pour accueillir des dizaines de boutiques.»
Il y avait 3 catégories d’auberges : les unes étaient construites par les voïvodes — les auberges royales, les autres se trouvaient à l’intérieur des monastères, d’autres encore appartenaient aux nobles. Au début de la vie commerciale bucarestoise, les auberges avaient la forme de petites forteresses, de petits établissements fortifiés entourés par des murs sans fenêtres. Des portes massives en chêne permettaient l’accès à l’extérieur et se refermaient en cas d’attaque.
Mais comment se passait la vie à l’intérieur des auberges ? Notre guide, Dan Falcan, raconte : «Les commerçants apportaient leurs marchandises dans des chariots qu’ils laissaient dans la cour intérieure de l’auberge et les produits étaient déposés au sous-sol, dans les caves. Chaque commerçant déposait ses produits dans un endroit à lui, au-dessous des boutiques du rez-de-chaussée où il les vendait, et ils vivaient au premier étage. L’auberge avait, donc plusieurs fonctions : dépôt, magasin et logement. Les marchands étaient Roumains pour la plupart, mais il y avait aussi de nombreux commerçants balkaniques. Les Bulgares faisaient halte à l’Auberge de Gabroveni (nom provenant d’une ville bulgare Gabrovo au sud du Danube), les Turcs avaient leur propre auberge, les Juifs, les Allemands avaient leur propre rue. Et il ne faut pas oublier que la célèbre rue Lipscani tire son nom des marchands qui faisaient commerce avec la ville de Leipzig.»
L’auberge de Manuc est représentative de la capitale roumaine. Elle garde aujourd’hui encore sa fonction fondamentale — hébergement et restaurant. Construite en 1808 par le commerçant arménien Manuc Bei, l’auberge fut restaurée pendant les années ’70. Mais on peut trouver à Bucarest d’autres auberges aussi datant du début du 19e siècle. Dan Falcan nous en parle : «A part l’Auberge de Manuc il existe encore l’Auberge Gabroveni, qui se trouve toutefois dans un état déplorable. L’Auberge aux Tilleuls a résisté elle aussi au passage du temps, c’est la célèbre auberge qui relie les rues Lipscani et Blanari (dans le centre historique de la capitale). C’est un établissement tout à fait spécial, qui fut reconstruit d’après son modèle initial d’il y a deux siècles. Il convient aussi de mentionner l’Auberge Solacolu, située sur une des principales rues de la capitale, mais qui est presque en ruines. Il faudrait faire quelque chose pour y remédier, parce que certaines auberges sont de vrais joyaux d’architecture. Il faudrait les restaurer et leur trouver une fonction. Comme l’Auberge aux Tilleuls, par exemple, qui accueille maintenant plusieurs magasins d’art.»
Le début du 19e siècle a marqué l’époque de gloire des auberges bucarestoises. Mais leur apogée a coïncidé avec leur déclin. La société roumaine avait commencé à s’occidentaliser et les auberges ont perdu leur fonction défensive, car les dangers avaient disparu. A leur place sont apparus les hôtels et les auberges sont restées dans l’histoire.