« Ţigan ţăndări », « Un tzigane en éclats »…
Christine Leșcu, 06.09.2022, 13:01
Né en 1970 dans la communauté Rom marginalisée de Caransebes,
au sud-ouest de la Roumanie, Valeriu Nicolae sait ce que signifie être
défavorisé et discriminé. Mais il sait aussi qu’il est possible d’essayer
malgré tout de dépasser ces problèmes. Après avoir étudié l’informatique à
l’université de Craiova et avoir travaillé comme programmateur aux Etats-Unis
et au Canada, il s’est tourné vers l’activisme social et… l’écriture. Valeriu
Nicolae est journaliste, écrivain et activiste des droits humains. Il a
travaillé avec des migrants en Europe, en Turquie et au Liban, a effectué des
formations sur le thème des institutions européennes auprès d’institutions
gouvernementales, d’ONG et de multinationales. Il dirige également une société qui
propose des formations en communication et diplomatie aux institutions financières,
aux ministères des affaires étrangères et à des organisations en Europe, en
Afrique et en Asie.
Son activité au sein des institutions européennes à
Bruxelles a conduit à l’adoption d’une série de stratégies européennes et
nationales dans le domaine social. A Bucarest, il travaille depuis 10 ans avec
des enfants défavorisés des quartiers pauvres. Son activisme est principalement
orienté vers le quartier de Ferentari, dont la population Rom est
particulièrement touchée par les problèmes sociaux et économiques. Avec l’aide
des bénévoles qui l’entourent, il a mis en place des permanences de soutien
scolaire qui ont permis à de nombreux enfants de poursuivre leurs études.
Récemment, pour récolter les fonds nécessaires à l’ouverture
d’une maternelle à Ferentari, Valeriu Nicolae a publié le livre Ţigan ţăndări,
« Un tzigane en éclats », une semi-autobiographie enrichie d’éléments
fictifs. Les bénéfices réalisés par la vente de ce livre iront compléter les
fonds destinés à la maternelle.
Bien
qu’ « Un tzigane en éclats » ait été écrit par militantisme, y
a-t-il eu aussi une motivation intérieure, personnelle ? Valeriu Nicolae
nous répond : L’idée d’écrire ce livre me trottait
dans la tête mais je n’avais jamais eu ni le temps ni l’inspiration. Finalement
j’ai senti qu’il fallait que je l’écrive et je l’ai fait. Ça a été difficile
parce qu’il contient beaucoup d’aspects intimes. Je m’expose et je décris
beaucoup de choses extrêmement personnelles, mais j’espère que ça plaira aux
lecteurs. Jusqu’à maintenant j’ai reçu beaucoup de messages de la part de personnes
qui ont aimé le livre et me remercient de l’avoir écrit. »
Réticent quand il s’agit de parler
de lui oralement, Valeriu Nicolae montre la même retenue quand il est question
de l’impact que son livre pourrait avoir sur les jeunes générations en quête de
modèles: « J’ai
peur de cette idée d’exemple, j’évite d’être un exemple, je ne le mérite pas.
Il existe des personnes bien plus courageuses que moi qui peuvent servir
d’exemples. Je crois que je serais très heureux si le livre rencontrait un
large public et s’il avait un impact sur les lecteurs. J’espère que ça va se
passer comme ça. Ma mère ne m’a jamais trouvé d’excuse. Quelles qu’aient été
les difficultés rencontrées, elle m’a toujours dit que je devais travailler un
peu plus, essayer encore et qu’ainsi les choses s’arrangeraient. Alors la peur
de l’échec, ça je ne l’ai jamais connue. C’est normal de se tromper. Tant que
vous apprenez de vos erreurs, il n’y a pas de problème. Et j’espère que les
jeunes lecteurs vont voir ça, que ce n’est pas un problème de ne pas savoir où
on va, ou d’être déçu. Ça fait partie de la vie, vous passez par là et vous
apprenez de vos erreurs. »
Plus
ouvert à la discussion sur le projet de maternelle « Casa buna »,
Valeriu Nicolae nous a exposé ses plans : « Nous voudrions développer
un modèle de maternelle qui puisse être réutilisé par la suite par les
autorités pour construire d’autres structures. Nous travaillons avec une femme extraordinaire
qui a un doctorat en éducation préscolaire aux Etats-Unis. Elle s’appelle
Corina Olteanu, elle fait un travail sensationnel et nous avons de plus en plus
de demandes d’inscriptions de la part de familles qui souhaitent que leurs
enfants viennent dans notre maternelle. Pour le moment nous avons 40
inscriptions. Nous estimons que nous accueillerons environ 90 enfants. Nous
essayons de développer un programme scolaire qui concilie la méthode Montessori
aux méthodes d’apprentissages pour les enfants dont le vocabulaire n’est pas
très riche. Nous essayons de combiner activités physiques et apprentissages.
Nos enfants sont partie prenante de presque toutes les activités, de la préparation
du petit déjeuner à la vaisselle en passant par le ménage. Nous essayons
d’instaurer une forme de discipline, outre le fait que nous tentons de combler
la différence énorme qui existe entre les enfants de Ferentari et les enfants
nés dans des familles ayant des revenus moyens ou supérieurs à la moyenne. »