« Peintres roumains oubliés », une exposition Art Safari
Art Safari, le centre d’expositions installé au centre de la capitale roumaine, propose du 7 mars au 27 juillet une collection de peintures appartenant à des artistes roumains peu connus, intitulée "Peintres roumains oubliés" (Pictori români uitați). La collection regroupe des tableaux datant des dernières années du XIXe siècle jusqu’à la période de l’entre-deux-guerres, avec les explorations techniques et les sujets d’intérêt spécifiques à cette époque. Visite guidée.

Radio România Internațional, 24.03.2025, 13:42
Un édifice emblématique
Peintres roumains oubliés est une des expositions proposées à Art Safari à présent. Pour y accéder, on entre à l’intérieur du superbe bâtiment néo-classique qui abrite Art Safari, on passe par quelques couloirs et escaliers qui nous ravissent avec leurs plafonds en vitrail et leur élégant marbre marron, et on arrive au deuxième étage, où l’ambiance change : on est accueillis par des murs turquoise et rouges, dont un est couvert par une écriture blanche énumérant les artistes exposés dans cette collection.
L’espace consacré à cette exposition consiste en cinq petites salles aux murs rose foncé, dont l’éclairage faible – utilisé à Art Safari pour une bonne préservation des œuvres – crée un effet merveilleux : les tableaux semblent briller sur le fond obscur des murs. On découvre des tableaux de dimensions moyennes et grandes, appartenant à des artistes roumains, d’il y a un siècle, tels que Nicolae Enea (1897-1970), Gheorghe Ionescu-Sin (1896-1988), Mișu Teișanu (1884-1944), Leon Biju (1880-1970), Nicolae Grimani (1872-1925), Elena Popea (1879-1941), Ernö Tibor (1885-1945), mais aussi un peintre français, Jean Neylis (1869-1938), qui a vécu en Roumanie pendant une trentaine d’années. Et la liste se poursuit.
Des artistes qui ont étudié dans les grands centres artistiques européens, notamment à Paris
Beaucoup de ces artistes ont obtenu une formation académique en peinture premièrement en Roumanie et ils sont allés étudier ensuite l’art dans les grands centres artistiques européens, dont le plus populaire était, naturellement, Paris. De cette façon, ils ont pris contact directement avec les développements les plus récents sur la scène artistique d’Europe. Par exemple, Gheorghe Ionescu-Sin a étudié les beaux-arts à l’Académie Ranson de Paris entre 1930-1933, où il a été guidé par André Derain (1880-1954) et Roger Bissière (1886-1964). Dans sa période de formation en France, il a été inspiré non seulement par les esthétiques fauviste et postimpressionniste, mais aussi par les vues de Paris.
Des paysages de l’étranger
En effet, on s’émerveille à découvrir beaucoup de tableaux qui, par l’intermède des paysages, des scènes urbaines et des portraits, évoquent des pays étrangers : des images typiques de Venise et de Paris chez Ernö Tibor et Gheorghe Ionescu-Sin respectivement, les Pyramides et le désert égyptien chez Leon Biju, les ruelles pittoresques de Baltchik en Bulgarie chez Paul Mircovici (1906-1973) et Adina Paula Moscu (1908-1979), des champs de tulipes néerlandaises chez Elena Popea, un paysage d’Alger chez Paul Scorțescu (1895-1976). On voit également un portrait d’une femme égyptienne par Leon Biju, qui, bien qu’inachevé, a un charme séduisant ; puis un portrait réaliste d’une femme bretonne réalisé par Constantin Petrescu-Dragoe (1887-1937), une image d’une femme japonaise dans un décor plein de japoneries par Mișu Teișanu. Enfin il a aussi une représentation de femmes néerlandaises en habits traditionnels, sur un arrière-plan typique avec de l’eau et des moulins, signée par Elena Popea.
Des scènes de Roumanie
À part cela, on trouve, bien-sûr, des scènes autochtones, qui dépeignent l’atmosphère rurale roumaine, comme les tableaux impressionnistes d’Ipolit Strâmbu (1871-1934), qui présentent des femmes dans la nature, au milieu des rayons du soleil qui tombent à travers les feuilles des arbres. Elena Popea, à part ses images néerlandaises, dépeint aussi des personnages roumains en habits traditionnels. On trouve également de beaux intérieurs roumains très détaillés par Mișu Teișanu et un portrait de paysanne roumaine par Constantin Vlădescu (1890-1951), ou bien encore des représentations de foires rurales par Alexandru Popp (1868-1949).
« La Musique et la Poésie », une peinture insolite
L’emblème de la collection, qui apparaît sur l’affiche même, est la peinture La Musique et la Poésie (Muzica și Poezia) réalisée en 1915 par Nicolae Grimani, qui nous attire par ses couleurs insolites et par les regards éloignés, rêveurs et étrangement identiques des deux personnages : sur un fond turquoise, on voit les deux Muses, la Musique et la Poésie, aux traits quasiment identiques, à la peau blanche, habillées avec des vêtements vaporeux vert clair. Leurs regards sont fixés sur l’horizon lointain et le blanc des yeux a aussi une nuance turquoise presqu’irréelle.
Un penchant pour les grands courants artistiques européens
Après avoir visité les cinq salles de la collection, on peut se rendre compte de l’affinité de ces peintres roumains avec les grands courants artistiques européens de leur époque : on retient les images impressionnistes d’Ipolit Strâmbu, le nu réaliste de Nicolae Enea, le penchant symboliste de Nicolae Grimani, l’intérêt pour les japoneries de Mișu Teișanu, le goût de l’exotisme en général ; on peut même distinguer une tendance cubiste chez Constantin Pantelimon (1911-1940) si on compare son Triptyque (Triptic) avec les Demoiselles d’Avignon (1907) de Pablo Picasso (1881-1973). Des nus allongés, des portraits expressifs, des natures mortes, des vignettes orientales, aussi bien que des touches audacieuses et des perspectives libres témoignent du désir des peintres roumains (dont la plupart avaient fait des études en France ou en Allemagne) de s’aligner sur leurs contemporains européens, mais aussi de dépeindre leur propre pays par l’intermédiaire de nouvelles esthétiques.
A découvrir jusqu’au 27 juillet à Bucarest
Alors, on vous encourage vivement à venir vous émerveiller des portraits, des paysages, des natures mortes de ces peintres roumains qui, en dépit du fait qu’ils ont été « oubliés » par l’histoire de l’art, nous enchantent avec une beauté tendre et lumineuse et, en même temps, ils font la preuve de la connexion de l’art roumain avec les grands courants européens. L’exposition sera ouverte à Art Safari jusqu’au 27 juillet, de jeudi à dimanche, à partir de midi jusqu’à 21 heures. Un billet coûte 25 lei (5 euros environ). Bonus de l’exposition : la sortie se fait par une petite galerie dédiée à l’histoire de la pharmacie, donc on a la chance de voir une exposition de plus. Bonne découverte ! (par Catalina Balan)