Des toiles pour raconter la Bible
Un voyage artistique que l'artiste Paul Hitter souhaite faire dans les années à venir dans les Balkans.
Eugen Coroianu, 19.01.2024, 15:16
En début de cette année, l’exposition intitulée « La
Septante » de l’artiste Paul Hitter a ouvert ses portes au Musée national
de la littérature roumaine de Bucarest (MNLR).
La Septante, explication
La Septante désigne l’ensemble des plus anciennes
traductions de l’intégralité de la Bible hébraïque en grec. Selon une source
historique du IIe siècle avant Jésus Christ, la traduction des cinq premiers
livres de l’Ancient Testament a été faite par 72 traducteurs (six pour chacune
des douze tribus d’Israël de l’époque) à Alexandrie, vers l’an 270 avant Jésus
Christ, à la demande du roi et pharaon d’Egypte Ptolémée II. Le nom de
« Septante » renvoie donc au nombre 72. Selon une autre source, les
72 érudits avaient traduit séparément l’intégralité du texte et, lorsqu’ils ont
comparé leur travail, ils ont été surpris de constater que les 72 traductions
étaient toutes identiques.
Des expositions dans les pays des Balkans
Mais retournons à l’exposition « La Septante » de
Bucarest. Il faut dire que les ouvrages présentés font partie d’un voyage
artistique que Paul Hitter souhaite faire dans les années à venir. Il s’agit notamment
d’organiser une exposition chaque année dans un pays des Balkans, visant à consolider
l’expressionnisme balkanique – soit un concept et un courant que l’artiste a lancés
il y a plus de 10 ans.
L’exposition de Bucarest présente au public 24 peintures
et une sculpture, le tout représentant des scènes et des personnages de
l’Ancien Testament. D’où vient cette fascination pour l’Ancien Testament ?
L’artiste Paul Hitter avoue qu’il a longtemps travaillé sur cette exposition et
nous explique les thèmes choisis :
« J’ai travaillé environ un an et demi
pour cette exposition. Je me suis arrêté à environ 80 % lorsque le conflit entre
Israël et la Bande de Gaza a commencé. Je me suis demandé s’il était utile
d’exposer dans ces conditions. Les ouvrages nous présentent des personnages de
l’Ancien Testament, des prophètes. J’ai choisi les histoires et les personnages
qui m’ont impressionné le plus dans les livres talmudiques. Je fais partie de
la première génération, celle d’après 1990, à étudier la religion à l’école. Je
peux dire qu’en général j’étais attiré par la religion, mais, en plus de
l’enseignement religieux proposé à l’école, il y avait un enseignement
religieux proposé par les Eglises réformée, catholique et orthodoxe. J’ai
découvert alors en parallèle divers livres, parmi lesquels « La Bible pour
les enfants », réalisés par les églises réformées. Plus tard, dans
l’adolescence, j’étais un fervent auditeur des radios « La voix de
l’espérance » et « La voix de l’Évangile », où beaucoup de ces
histoires de l’Ancien Testament étaient expliquées. Ce sont des histoires
plutôt ignorées par les églises non-réformées. Ces histoires ont été
représentées à de nombreuses reprises dans l’histoire de l’art. J’y trouve une
très grande puissance, un très grand impact. Je dois avouer que ces derniers
temps, c’est-à-dire pendant la période où j’ai peint ces œuvres, je me suis
aussi renseigné sur la version juive à propos de ces personnages. Mais l’histoire
est complexe, car comme on le sait, ce que l’on appelle la « Torah »
est la parole de Dieu et chaque mot, selon chaque rabbin, peut être interprété
ou réinterprété et chaque histoire peut être interprétée et réinterprétée dans
une multitude des manières. A un moment donné, j’ai dû dire stop et rester dans
le cadre classique, que les chrétiens connaissent plus ou moins, mais qui nous
est plutôt familier. »
Que peut-on voir concrètement dans les ouvrages
exposés ? Paul Hitter répond :
« Eh bien, on voit Adam et Eve, Moïse
séparant les eaux, Jonas dans la gueule de la baleine, le sacrifice d’Isaac,
David et Goliath, Judith et Holopherne, le prophète Elie, Daniel dans la fosse
aux lions. A mon avis, il y a beaucoup de personnages intéressants de l’Ancien
Testament. »
Des personnages connus et moins connus de la Bible
Effectivement, beaucoup de personnages bibliques sont
représentés dans l’exposition. Les plus connus sont Adam et Eve, le prophète
Moïse, qui a traversé miraculeusement la mer Rouge, l’adolescent David
vainquant le géant Goliath, le prophète Jonas avalé par la baleine, ou encore
Daniel dans la fosse des lions.
Paul Hitter a représenté aussi des héros moins connus de
l’Ancien Testament. Parmi eux, le prophète Elie, qui, au IXe siècle avant Jésus
Christ, s’était opposé au roi Achab et à sa femme Jézabel.
Des épisodes représentatifs de l’Ancien Testament
A part les
personnages, les épisodes les plus représentatifs de l’Ancien Testament se
retrouvent aussi dans l’exposition imaginée par Paul Hitter. Par exemple, la
toile « Le sacrifice d’Isaac » rappelle le moment où Dieu a demandé à
Abraham de lui offrir en sacrifice son fils bien aimé, Isaac. Une autre
histoire représentant le courage, également retrouvée dans l’exposition, est
celle de Judith, une jeune veuve qui, pour sauver son peuple attaqué par les
Assyriens, a décidé d’assassiner elle-même leur chef, le général Holopherne, en
le décapitant pendant qu’il dormait.
Egalement à voir dans cette l’exposition : un
objet-installation avec lequel les visiteurs sont invités à interagir. Il
s’agit de la représentation du « Veau d’Or », que les Hébreux ont créé
des boucles d’oreilles en or des femmes et des enfants, pour l’adorer comme
dieu.
Mais qu’a voulu exprimer l’artiste Paul Hitter à travers
cette œuvre ?
« Le veau d’or a été créé par les Juifs
lorsque Moïse se trouvait sur le mont Sinaï pour recevoir les « Tables de
la Loi ». Puisqu’ils avaient trop longtemps attendu Moïse, ils pensaient
qu’il ne reviendrait plus et ils sont revenus alors aux vieilles croyances
païennes. C’est ainsi qu’ils voulaient faire une représentation physique de
Dieu. Je crois que nous, et tous les peuples en général, tout au long de
l’histoire (mais ce fait peut être particulièrement observé de nos jours dans
le postmodernisme, au troisième millénaire) – nous adorons différents veaux
d’or. Je voulais faire une sorte de blague. Chaque visiteur de l’exposition peut
mettre un autocollant d’une certaine société ou entreprise, soit chacun avec
son veau d’or. »
Après l’exposition de Bucarest, Paul Hitter prépare une
exposition en Bulgarie. L’artiste nous en offre des détails :
« J’aurai une exposition à la Galerie
nationale de Ruse. C’est une exposition avec des personnages de Bulgarie. Comme
vous le savez, j’ai inventé un style appelé « L’expressionnisme balkanique ».
C’est pourquoi, dans les années à venir, si l’on parle encore des Balkans, je
me suis proposé d’exposer une fois par an dans un pays de cette région. Je
pense que la Turquie suivra, un pays qui nous a beaucoup influencés. »
Après de l’exposition de
Bucarest, on peut admirer les œuvres de Paul Hitter de 16 à 30 janvier 2024, à
Rousse : une autre série originale de peintures intitulée « Ame
bulgare » qui présente des personnages de la culture et de l’histoire de la Bulgarie. (trad. Andra Juganaru)