« Cvartal », l’histoire des quartiers d' »immeubles rouges » de Bucarest
Un film documentaire et plusieurs brochures présentent les différents quartiers de Bucarest avec leurs mini-communautés qui vivent dans ce que l’on appelle les quartiers « d’immeubles rouges ». Ceux-ci doivent leur nom à leur ressemblance à l’architecture soviétique et aussi au fait qu’ils ont été bâtis dans les années 1950. L’occasion d’explorer aussi l’impact de ces ensembles d’immeubles sur la vie quotidienne de leurs habitants et sur l’identité des communautés locales.
Christine Leșcu, 12.05.2024, 10:35
Eh bien, il faut dire que l’histoire de Bucarest, y compris celle plus récente de l’époque communiste, est désormais mieux connue de ses habitants. C’est le grand mérite, entre autres, de plusieurs jeunes historiens, qui ont décidé de ramener leur recherche académique plus près du large public par des conférences et des tours guidés à travers la ville. Leur projet le plus récent s’intitule « Cvartal » (Quartier) et il comporte un film documentaire et plusieurs brochures présentant plusieurs zones de Bucarest avec leurs mini-communautés qui vivent dans ce que l’on appelle les quartiers « d’immeubles rouges ». Ceux-ci doivent leur nom à leur ressemblance à l’architecture soviétique et aussi au fait qu’ils ont été bâtis dans les années 1950. Afin de faire connaître leur histoire et d’en éclaircir certains aspects architecturaux, l’historien Răzvan Andrei Voinea et le réalisateur Dan Mihai Radu ont créé le document « Cvartal/Qquartier ».
Les débuts du projet
Au micro de RRI, Dan Mihai Radu nous parle pour commencer des débuts de ce projet et de la manière dont il a été mis en œuvre :
« Ce projet a démarré il y a une année et demie, mais, en fait, notre collaboration date d’il y a cinq ans environ. Notre mission c’est de faciliter l’accès à la recherche historique à un public aussi large que possible. C’est pourquoi nous avons réalisé une série de films courts, des documentaires, distribués via Internet, et basés sur les recherches faites par Răzvan Andrei Voinea sur les immeubles construits entre 1910 et 1945. Après, nous avons aussi créé une application mobile dotée de réalité augmentée pour présenter ces recherches à un public jeune et orienté plutôt vers les jeux. D’ailleurs, cette application mobile ressemble beaucoup à un jeu, car elle permet de se promener à travers les quartiers et d’en apprendre davantage sur leur histoire. Et lorsque nous avons atteint ce moment de l’étude ciblée sur les ensembles d’immeubles construits entre 1945 et 1958, nous avons décidé de faire un film documentaire et 10 livres pour raconter l’histoire comprimée de chacun des 10 quartiers de Bucarest que Răzvan Andrei Voinea et son équipe ont étudié ».
Impact sur la vie quotidienne des habitants et sur l’identité des communautés locales
Il s’agit en fait de quartiers bien connus de la capitale roumaine qui existent de nos jours encore. Par exemple : Panduri, Vatra Luminoasă, Bucureștii Noi, Olteniței, Drumul Sării, Drumul Taberei, Tei. Leur trait commun : ils sont tous construits en tant qu’ensembles d’immeuble, pas trop hauts, très similaires les uns aux autres, voire identiques, avec au centre une sorte de jardin intérieur, et qui donnent l’impression de vivre au sein d’une petite communauté. L’occasion d’explorer aussi l’impact de ces ensemble d’immeubles sur la vie quotidienne de leurs habitants et sur l’identité des communautés locales. Leur architecture est très semblable au style soviétique, mais, en fait, leur aspect a très peu à faire avec le style russe, puisqu’il a été conçu par de grands architectes roumains, dont certains s’étaient fait remarquer depuis déjà l’entre-deux-guerres. Sur la toile de fond de cette grande histoire de la ville viennent se superposer les histoires personnelles des habitants des lieux – toutes racontées dans le documentaire réalisé par Dan Mihai Radu.
Un cinéma expérimental
Dans sa tentative de donner la parole aux descendants, des premiers occupants, des immeubles rouges, celui-ci avoue s’être heurté à pas mal de difficultés. Dan Mihai Radu :
« En général, les gens sont très ouverts. Durant la période de avant-production et de documentation du film, lorsque nous avons parcouru ces quartiers en disant aux habitants que nous avions l’intention de faire un film sur leur histoire, les gens se sont tout de suite ouverts et ont répondu à nos questions. Par la suite, lorsque nous avons voulu entrer dans les détails et nous leur avons demandé de filmer dans l’intimité et de leurs appartements une bonne partie d’entre eux n’ont plus été tellement ouverts. Peut-être, que c’est à cause du fait que nous vivons à présent sous l’assaut des contenus vidéo, ce qui amène les gens à s’ouvrir de moins en moins, et ceux qui acceptent de le faire sont moins authentiques. Du coup, devant la caméra, les gens commencent à changer de discours et à livrer leurs souvenirs d’une manière un peu différente que dans la vie de tous les jours. C’est ici que notre projet s’est heurté à plusieurs difficultés. Somme toute nous avons réunis une vingtaine d’heures de matériel vidéo uniquement pour les interviews et à un moment donné le film risquait d’entrer dans une zone de production du type « Talking Heads ». Ce qui n’est pas la chose la plus souhaitable pour un documentaire que l’on veut projeter dans une salle de cinéma. Alors, étant donné que tous ces ensembles d’immeubles sont aussi des expérimentations architecture, nous avons opté nous aussi pour une formule de cinéma expérimental pour notre documentaire ».
Mission accomplie
Résultat : un documentaire qui a été projeté à titre gratuit, dans tous les quartiers visés – soit en plein air dans les parcs, soit dans les petites salles de quartier qui existent encore – pour que ses habitants puissent le voir en toute tranquillité et mieux se familiariser avec l’histoire de l’endroit où ils ont passé la majeure partie de leur vie. Mission accomplie. Malgré les difficultés, les salles ont été combles et le documentaire de nos invités à réussi en fin de compte d’aider les Bucarestois à explorer le patrimoine culturel des quartiers de leur ville. Les projections sont désormais terminées, mais tous ceux qui souhaitent se familiariser avec l’histoire des « immeubles rouges » de leur quartier, peuvent se procurer en ligne, les brochures contenant toutes les données recueillies par nos invités. (trad. Valentina Beleavski)