Carsten Seiffrath et les sons de la ville
Monica Chiorpec, 01.04.2019, 14:49
Les villes sont souvent considérées
comme un facteur de perturbation de la vie quotidienne. Si, au début du siècle
antérieur, la vie en ville était fort convoitée, aujourd’hui la population
essaye plutôt de s’éloigner des grandes agglomérations urbaines. On parle de
plus en plus de pollution sonore, mais également des effets néfastes que le
bruit peut avoir sur les fonctions neurologiques humaines, en particulier sa
fréquence et son intensité. De toutes les manifestations désagréables d’une
longue exposition aux bruits urbains, le tintement est probablement la plus
commune, mais aussi la plus difficile à traiter. Ce son qui persiste dans l’oreille
même dans le silence de notre propre maison peut nous empêcher de dormir et
même mener à l’insomnie chronique ou encore à la dépression.
Par contre, il
existe des artistes qui étudient le son ambiant et qui croient que l’espace
urbain peut être « apprivoisé » par la prise de conscience des bruits
auxquels nous sommes exposés en tant que partie intégrante de notre vie moderne.
L’un d’entre eux, l’Allemand Carsten
Seiffarth, qui est également le fondateur
et le directeur artistique de la galerie d’art sonore « Singuhr -
Hörgalerie » de Berlin, nous donne plus de détails sur l’exposition
présentée à Bucarest accueillie par l’Institut Goethe. « L’exposition présente l’activité de la ville de Bonn sur une dizaine
d’années. Depuis 2010, je m’occupe de projets avec des artistes du domaine
audio qui résident à Bonn. Ils interagissent avec l’espace public, avec les différents
lieux fréquentés en ville au cours d’une année ou deux, voire même six. Ils se documentent
sur ces incursions et les présentent ensuite dans des expositions avec des photos,
des textes et des vidéoclips. Les artistes s’expriment alors à travers
différentes situations. Tout ceci n’est que le prélude de l’exposition de
Bucarest. Il y a aussi des artistes qui font des ateliers oùils présentent divers projets. Il s’agit de travaux acoustiques,
de concerts et de discussions sur le sujet en question. L’exposition offre le
cadre nécessaire pour ce genre de projet. »
Les sons emportent et conduisent
l’empreinte des villes plus loin. Il arrive souvent que les touristes soient
surpris par les différences, mais aussi bien par les ressemblances des espaces
urbains des différents continents. Carsten Seiffarth croit que de ce point de
vue, la ville de Bucarest est éclectique car les zones extrêmement bruyantes y
coexistent avec les oasis de silence. « Nous
percevons toujours la conception visuelle des espaces dans lesquels nous
vivons. Les publicités sur les grands panneaux et les immeubles en verre sont
caractéristiques aux grandes villes. Les
tendances modernes ont également conquis de petites villes, comme la ville
d’Aix-la-Chapelle par exemple. Lorsqu’on parle de sons urbains, il s’agit de la
perception qu’ont les habitants d’une ville sur chaque son à part. Il existe
des sons spécifiques à un lieu en particulier, comme il existe aussi des sons
que nous pouvons retrouver dans le monde entier. Par exemple, à New York, les
sirènes de police peuvent être entendues partout et il en va de même à
Bucarest, conformément au standard sonore des grandes agglomérations. Bucarest
se démarque aussi par les sons que produisent les systèmes de climatisation qui
se font particulièrement entendre dans les zones les plus tranquilles de la
ville. Chaque endroit à un son complètement différent. »
L’art
sonore gagne de plus en plus de terrain dans le domaine de la culture urbaine,
au-delà de la musique ou des improvisations sonores. C’est une forme d’art
fixée dans l’espace et dans le temps. Autrement dit, l’espace, dans ses
différentes dimensions, entre autres le
son, est à la base de cette démarche artistique. Il existe des installations
sonores dans les espaces intérieurs et extérieurs. Dans le cas des espaces extérieurs,
les situations créées sont beaucoup plus complexes car ces espaces n’ont pas
été conçus pour accueillir une démarche artistique. C’est pourquoi nous pouvons
dire que les sons produits par notre existence quotidienne peuvent fasciner et
créer – pourquoi pas? – un acte artistique.