Le chercheur Andrei Dorobantu
România Internațional, 03.07.2013, 14:19
Vers le milieu du mois de juin, la plate-forme de recherches de Măgurele, près de Bucarest, accueillait l’inauguration de la construction de l’infrastructure la plus avancée destinée aux études liées à la radiation photonique. Cette construction est partie composante d’un projet européen d’envergure connu sous le nome d’ELI — EXTREME LIGHT INFRASTRUCTURE – et qui réunit une quarantaine d’établissements académiques et scientifiques de 13 pays membres de l’UE.
Andrei Dorobanţu est un des chercheurs roumains qui ont participé à l’élaboration du projet. Invité au micro de RRI, il nous raconte pourquoi nous avons besoin de lumière extrême. « C’est parce que nous sommes dans la situation de pouvoir faire reculer les frontières de la connaissance. La lumière est la base de tout ce qui se passe même indépendamment de notre volonté. Pouvoir jouer avec la lumière, c’est voir davantage qu’auparavant. Puisque les limites du savoir sont ni trop éloignées ni trop proches de nous, pour les faire vraiment reculer il faut disposer d’une lumière à très forte intensité. Tout a commencé par la superbe idée du physicien français Gérard Mourou. Au bout de 30 ans passés aux Etats-Unis, il a regagné l’Europe. En 2006, il avançait devant la Commission européenne la proposition de faire construire un laser un million de fois plus puissant que ceux qui existaient à l’époque en Europe. C’est ainsi que prenait naissance le projet Extreme Light Infrastructure. On a créé un consortium européen de 13 pays, dont la Roumanie, désireux de se battre pour cette idée et de la matérialiser ensemble. »
L’aventure ELI a débuté officiellement en 2008, à Paris, par l’appel d’offres auquel ont participé cinq pays : France, Royaume-Uni, République Tchèque, Hongrie et Roumanie. A la surprise générale, le Royaume-Uni et la France allaient être éliminés. Andrei Dorobanţu explique pourquoi : « Pour la simple raison qu’à l’époque le coût total du projet était estimé à quelque 400 millions d’euros. Or, si les trois autres pays de la liste avaient la possibilité d’utiliser des fonds structurels, dans le cas des deux Etats mentionnés, c’était à leurs gouvernements respectifs de trouver de l’argent. Le recours aux fonds structurels a été un formidable atout. A présent, il est inconcevable qu’un tel projet soit financé et mis au point par un seul pays, vu qu’il suppose une somme trop importante. L’expérience acquise à l’échelle européenne 60 années durant prouve qu’il vaut mieux y coopter plusieurs pays, car cela débouche sur un croisement enrichissant de cultures, mentalités, savoir-faire et talents, ainsi que de disponibilités à rechercher et à trouver l’argent nécessaire, à réfléchir, à opérer des synthèses et des analyses. Bref, un tel croisement s’avère être vital . »
Avec une valeur totale de plus de 700 millions d’euros, le projet ELI, dont les installations sont mises en place en Roumanie, en République Tchèque et en Hongrie, deviendra la structure la plus avancée sur le plan international au service des recherches aux applications multiples. Andrei Dorobanţu nous fournit quelques exemples concerts d’applications. « Dans un proche avenir, soit à l’horizon 2030, il sera possible de construire des accélérateurs de particules de petites dimensions. Ce sera, pour ce domaine, un tournant similaire à celui que l’ordinateur portable avait marqué en son temps. Un accélérateur de ce type rendra possible le traitement anti-cancer différent de la chimiothérapie et de la radiothérapie actuelles, que j’espère voir disparaître au fil du temps. Cette autre thérapie ne nuit pas au tissu sain environnant et n’a pas d’effets secondaires. En outre, ces accélérateurs pouvant également être utilisés comme sources de particules, cela revient à dire que l’on disposera de nouvelles sources de radio-isotopes et par conséquent de nouveaux produits radio-pharmaceutiques. Plus besoin donc d’arrêter le réacteur d’une centrale nucléaire pour dépister les éventuelle failles de son revêtement ou n’importe quel autre problème. Le laser de grande puissance permet d’y accéder et d’établir l’état du revêtement du réacteur sans perturber le processus technologique. Ensuite, ce laser sera l’unique solution viable au problème des déchets radioactifs, sachant que les plus dangereux d’entre eux ont une vie de plusieurs millions d’années. En exposant ces déchets aux radiations du laser de grande puissance, on en raccourcit la vie à seulement quelques jours ou semaines, même s’ils restent radioactifs. »
ELI-NP, le centre roumain de recherches dans le domaine de la physique nucléaire, sera construit à Măgurele, tout près de la capitale roumaine. C’est là que sera installé le laser le plus puissant au monde, dont l’inauguration est prévue en 2018. Quant au centre de Prague, qui se penchera sur la science des faisceaux de haute énergie, il se consacrera entièrement au développement et à l’utilisation des faisceaux pour générer des impulsions ultracourtes de haute intensité et des particules qui approchent la vitesse de la lumière. Enfin, le centre hongrois de Szeged étudiera la dynamique des électrons au sein des atomes et des molécules. (trad. : Mariana Tudose)