Les espèces envahissantes présentes en mer Noire
Ștefan Baciu, 03.03.2022, 14:01
La Commission européenne
se préoccupe de la protection de la biodiversité. Dans un récent communiqué,
cette dernière a annoncé des sanctions à l’encontre de 15 Etats membres, dont
la Roumanie, qui n’ont pas respecté leurs engagements en termes de lutte contre
les espèces invasives allogènes. Ces espèces animales ou végétales venues
d’ailleurs, introduites volontairement ou par accident dans un milieu naturel
auquel elles n’appartiennent pas, représentent l’une des cinq causes à
l’origine de la disparition de la biodiversité en Europe. Valeria Abaza,
directrice générale de l’Institut national de la recherche et du développement
marin de Constanța, évoque deux espèces invasives originaires de l’Atlantique
Nord : un escargot et un mollusque.
« Le rapane veiné ou murex de la mer Noire (Rapana venosa) est arrivé dans
cette mer dans les années 1940. Aujourd’hui considérée comme une espèce invasive
ou potentiellement envahissante, elle est aussi devenue une ressource, car sa
chair est appréciée des consommateurs. Autrefois espèce invasive, elle s’est fait
une place dans nos assiettes, devenant espèce commerciale. Dans les années 1960
est ensuite arrivée la mye commune, également appelée mye des sables ou bec de
jar (Mya Arenaria), un mollusque assez
grand considéré comme une espèce invasive, dont les coquilles ont envahi nos
plages à l’époque. Elle a fini par s’intégrer à la faune locale et, bien qu’elle
soit encore considérée officiellement comme une espèce envahissante, ce n’est
plus tout à fait le cas aujourd’hui. Il est probable qu’elle se comporte en
espèce invasive dans un nouveau milieu, jusqu’à ce qu’elle prenne ses marques
et que sa population se stabilise. A l’heure actuelle, la mye des sables se
fait plus rare. Elle vit dans les profondeurs et ses coquilles sont plus rares
sur nos plages. »
Selon le règlement de
la Commission européenne de 2014 relatif à la prévention et à la gestion
de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes, il existe une espèce de méduse considérée comme
invasive en mer Noire. Quelques années plus tard est apparue une autre espèce,
elle-même envahissante, qui s’en nourrit.
« La
Mnemiopsis leidyi est arrivée dans les
années 1980 et est encore considérée comme envahissante. Et elle l’est vraiment
! Cette espèce a fait l’objet de nombreuses études, aussi bien dans les années
80 et 90, qu’au début des années 2000. A cette époque, nous avons analysé les
conséquences de sa présence sur les autres espèces en mer Noire, car la
diminution des réserves halieutiques était dramatique, presque équivalente à celle
d’une situation de surpêche. Plus récemment, les stocks de poissons ont
commencé à se reconstituer, tout comme la biodiversité. Il se peut que la
pression soit moindre sur les espèces endémiques, mais aussi sur certaines
activités telles que la pêche. La fin des années 90 a été marquée par l’arrivée
de la Béroé ovale (Beroe ovata), le seul organisme se nourrissant de Mnemiopsis
leidyi. D’autres espèces ont aussi rejoint les eaux de la mer Noire. Bien
qu’elles soient répertoriées sur une liste préliminaire, une étude financée par
le Programme opérationnel grandes infrastructures démontre que sur les 56
espèces listées comme potentiellement très envahissantes, peu le sont en fait
réellement. Il est probable qu’il faille attendre un déséquilibre de
l’écosystème marin avant qu’elles n’expriment leur potentiel invasif. »
Le Callinectes sapidus (ou crabe bleu) est lui aussi une espèce exotique.
Les chercheurs de l’Institut national de
la recherche et du développement marin de Constanța ont élevé et observé l’un
d’entre eux, malencontreusement capturé en mer Noire par des pêcheurs. Affaire
à suivre. (Trad : Charlotte Fromenteaud)