Le bois mort et la gestion durable des forêts
Ștefan Baciu, 04.07.2022, 13:33
Le Fonds mondial pour la nature
Roumanie, en partenariat avec la Faculté de silviculture de l’université Etienne
le Grand de Suceava, l’Institut ukrainien de recherche en silviculture P.S.
Pasternak et l’association ukrainienne Ecosphera ont récemment lancé
un guide de bonnes pratiques au sujet de la gestion du bois mort. C’est le
résultat d’une recherche menée dans la zone transfrontalière entre la Roumanie
et l’Ukraine, mettant en exergue les bénéfices du bois mort pour l’écosystème
forestier.
Le bois mort, soit les troncs d’arbres coupés et les bûches de plus
de 30 cm d’épaisseur et d’une longueur de plus d’un mètre ou encore les très
vieux arbres qui se trouvent dans un état avancé de dégradation, avaient
pendant longtemps été considérés par les forestiers comme le principal ennemi
de la forêt, qu’il fallait à tout prix évacuer de l’écosystème forestier. Que nenni.
De fait, l’on sait actuellement que l’évacuation du bois mort est hautement
nuisible à l’écosystème forestier, augmentant ses vulnérabilités et diminuant
sa capacité à faire face au changement climatique, menant à la disparition de
certaines espèces, appauvrissant le sol en nutriments et mettant en péril jusqu’à
la capacité de régénération de la forêt.
Monia
Martini, coordinatrice du projet mené par le Fonds mondial pour la nature
Roumanie et intitulé la promotion du bois mort pour la résilience ds forêts dans la zons transfrontalière Roumanie/Ukraine détaille les résultats du projet et l’utilité du guide de bonnes pratiques
lancé à l’occasion à l’intention des gestionnaires des forêts : « Notre conclusion et notre principale
recommandation est de comprendre le bois mort comme représentant la base de la
pyramide de la chaîne trophique. Ce n’est que grâce à lui que la forêt peut
exister. Et nous avons développé 4 pistes dans ce guide, des pistes censées
aider les gestionnaires des forêts à identifier le bois mort, le protéger, et
protéger la forêt. Protéger la biodiversité c’est protéger les vieux arbres,
les arbres morts encore debout, le bois mort qui se trouve au sol, et les zones
de vieillissement. Chacune de ces composantes remplit une fonction essentielle.
Prenez les vieux arbres, à l’arrêt de la mort, qui constituent l’habitat des
cafards, et dont le rôle est essentiel dans la transformation ultérieure du
bois mort. Ensuite les arbres morts, encore debout, qui constituent un microhabitat
adapté pour bon nombre d’espèces d’oiseaux, qui vont pouvoir nicher dans les
creux profonds qu’ils y trouvent. Le bois mort demeure essentiel pour préserver
la biodiversité de la forêt ».
Mais le rôle
essentiel que joue le bois mort pour le vivant relève du domaine même de l’intuition.
Il aurait en effet suffi d’avoir soulevé un morceau de bois qui pourri dans la
forêt pour constater de visu le foisonnement de vie qui s’y cache. Et les
recherches menées par les scientifiques ne font que conforter l’intuition de
tout un chacun.
Monia Martini explique : « Le bois mort qui
se trouve au sol l’enrichit en nutriments, favorise sa régénération, augmente
la capacité de la forêt à faire face au changement climatique et fait office d’entrepôt
naturel du CO2. Quant aux zones de vieillissement, il s’agit des groupes d’arbres
qui occupent entre 0,1 et 0,2 hectares, et qui doivent être protégés, il faut
les faire sortir du circuit d’exploitation. Ces zones constituent des îlots
naturels de biodiversité, où le bois mort prospère et, avec, les espèces qui y
vivent. Ces îlots constituent un réservoir de bois mort, ce dernier s’y trouve à
profusion, et cela constitue une réserve naturelle pour la biodiversité,
protégée de l’exploitation. »
Le projet
mené par le Fonds mondial pour la nature Roumanie avait impliqué l’utilisation
des compétences de plus de 30 chercheurs, roumains et ukrainiens, et a réussi à
dépasser l’impasse provoquée par la pandémie d’abord, par l’invasion russe en
Ukraine ensuite. Pour ce faire, comme souvent, les réunions en ligne ont dû remplacer
les réunions en présentiel, et cela jusqu’à la dernière étape du projet, qui a
pu être tenue en présentiel. « La promotion du bois mort pour la résilience des
forêts dans la zone transfrontalière Roumanie/Ukraine » avait bénéficié du
soutien financier de l’UE et avait impliqué deux départements roumains, Maramures
et Suceava, et deux oblasts ukrainiens, Ivano Frankivsk și Zakarpattia. (Trad. Ionut Jugureanu)