La Roumanie et le fardeau des déchets non recyclables
Ștefan Baciu, 18.07.2022, 12:04
Depuis
plusieurs années, les autorités font régulièrement la saisie de quantités
impressionnantes de déchets provenant d’autres pays. Les documents de transport
prétendent le plus souvent qu’il s’agisse de déchets destinés au recyclage,
alors qu’en vérité il s’agit tout simplement de déchets non recyclables, qui
échouent le plus souvent dans des décharges sauvages. Le phénomène, pour le
moins inquiétant, est sans doute favorisé par le prix dérisoire demandé déjà
par les déchèteries légales, où la tonne de déchets non recyclables varie entre
17 et 35 euros, alors que, dans les pays occidentaux, cela peut aller jusqu’à
500 euros, voire plus. Forcément, les compagnies roumaines spécialisées dans le
traitement des déchets n’hésitent pas à tirer profit de cet écart de tarifs
pour engranger de beaux bénéfices tirés d’un commerce immoral, lorsqu’il n’est
pas carrément illégal. En effet, ces mêmes compagnies font état d’un
demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires, mais ce n’est que la partie
visible de l’iceberg. La partie invisible, c’est le marché noir des déchets, que
les spécialistes estiment drainer autant d’argent que le marché légal, certains
arrivant à affirmer que le trafic de déchets est devenu plus profitable que le
trafic de drogue.
Une autre astuce,
souvent utilisée par ce nouveau type de trafiquants, consiste à déclarer les
déchets non recyclables comme de la marchandise d’occasion. Vêtements,
électroménager, ordinateurs, et divers autres déchets, qui avaient fini leur
vie depuis belle lurette, franchissent tranquillement la frontière, se pavanant
de leur qualité de marchandise, pour qu’ils soient abandonnés dans des
décharges sauvages, ou tout simplement brûlés au beau milieu d’un champ, pour y
récupérer aussitôt après les métaux précieux qu’ils contiennent. Il va sans
dire que cette dernière manière, utilisée par les trafiquants de déchets pour
se débarrasser de leur encombrante marchandise, n’est pas sans impacter la
qualité de l’air des zones affectées.
Aussi,
en 2021, plus de 500 incidents de ce type avaient été relevés par les autorités,
alors que plus de 15 000 tonnes de déchets, faussement
étiquetés, furent tout de même arrêtées aux frontières. Notons encore la
présence de plus 80.000 litres de substances dangereuses et de 147 tonnes de
mercure parmi ces 15.000 tonnes de déchets illégaux découverts.
Les choses sont allées tellement loin
que le ministre roumain de l’Intérieur, Lucian Bode, a bien été obligé
d’aborder la question lors d’une conférence de presse : « Parmi
les départements les plus affectés par ce type d’infraction notons Bucarest, Galați
et Giurgiu. La frontière roumano-bulgare semble la plus affectée, enregistrant 42%
en termes de volume et 44% du total des cas dépistés. Pour ce qui est de la
frontière maritime, notons qu’elle se taille la part du lion, soit 6.777 tonnes
de déchets illégaux, à comparer avec les 6.207 tonnes de déchets illégaux
arrêtées à la frontière bulgare ».
En
effet, en 2021, plus de 90% des déchets illégaux saisis ont été arrêtés aux
deux frontières réunies, soit à la frontière maritime, à Constanţa, et à la
frontière avec la Bulgarie. Aussi, pour mieux combattre le phénomène, le
gouvernement roumain compte diminuer le nombre des points de douane en mesure
d’utiliser les transporteurs des déchets, évidemment légaux, destinés au
recyclage. Selon le ministre de l’Environnement, Barna Tanczos, ces transports
feront bientôt l’objet d’un enregistrement dans une base spéciale de données,
pour que les autorités puissent assurer la traçabilité des quantités de déchets
destinés au recyclage, depuis la frontière et jusqu’à la porte de l’usine de
traitement. (Trad. Ionut Jugureanu)